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Publié par Samuel Malonga

 

La Conférence nationale du MPLA à Léopoldville

 

En 1990, l´Afrique est en ébullition. Le vent de la démocratie secoue le continent et l’oblige à suivre la marche du monde. Déjà, de grands changements se sont opérés dans le bloc soviétique avec la perestroïka de Gorbatchev. François Mitterrand surprend ses hôtes africains. Il annonce à la 16e conférence des chefs d´État d´Afrique et de France à La Baule, le conditionnement de l´aide française à la démocratisation et à la bonne gouvernance. Les despotes les plus cruels acceptent de se muer en pseudo-démocrates pour à la fois ne pas accompagner la fin de la guerre froide qui les a si longtemps gardés au pouvoir et pour ne pas précipiter leur propre fin. Les bouleversements en Europe de l’Est les forcent à s’ouvrir et à tendre l’oreille à ce peuple qu’ils ont tenu des décennies durant en laisse.

 

La volonté populaire au changement dicte l’avènement d’une concertation d’un genre nouveau baptisée Conférence nationale. Le Bénin, donne le ton. Au chevet de cette nation sont conviées toutes les forces vives pour parler sans tabou de tous les maux dont elle souffre. Comme un effet domino, le concept gagne l’Afrique francophone (Bénin, Gabon, Congo, Mali, Togo, Niger, Zaïre, RCA,  Cameroun, Burkina Faso, Mauritanie, Tchad et Madagascar). Le débat  national devenu dès lors la panacée aux problèmes et aux maux qui rongent l’Afrique, plusieurs régimes totalitaires et leurs peuples arrivent à se parler droit dans les yeux, à laver les linges sales en famille, à se pardonner, à trouver non sans difficultés des idées nouvelles pour l’avenir.

 

A l’époque, beaucoup pensent et croient que ce concept est nouveau et qu’il est une invention béninoise. En réalité, cette notion est antérieure à 1990, année du début de la Conférence nationale du Bénin. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le premier débat qui a mobilisé les couches populaires en Afrique n’a pas été organisé par un État indépendant mais plutôt par un mouvement de libération en exil : le MPLA. Ce parti a eu l’insigne honneur de tenir sa Conférence nationale en 1962 à Kinshasa alors Léopoldville. Le Congo a offert le cadre, les moyens, la possibilité et toutes les facilités pour l’organisation de ce débat interne au parti marxiste angolais. Le sommet qui s’est passé dans des conditions particulières marquées par l’exil n’a pas mobilisé l’Angola encore colonie portugaise. Mais ce groupe restreint a été représentatif de la diaspora angolaise et manifestait une certaine volonté prononcée au changement.

Né à Léopoldville en 1956, le MPLA veut se restructurer. Le Dr Agosthino Neto, président d’honneur, parvient à s’évader de sa prison au Portugal et rejoint la capitale congolaise où le mouvement a sa base. Son but est de reprendre la direction du parti. La Conférence nationale rassemble autour de sa personne des délégations venues des communes de Kinshasa, de Muanda, Matadi, Lukala, Boma, Songololo, Kikwit, Tshikapa, Pointe-Noire voire de l’intérieur de l’Angola encore sous domination portugaise. Du 1er au 3 décembre 1962, 70 délégués représentant les Comités d’Action, l’Armée Populaire de Libération de l’Angola, les travailleurs, l’Organisation des Femmes, la Jeunesse et le Corps Volontaire d’Aide aux Réfugiés débattent en commissions les trois projets élaborés par le comité préparatoire. Les débats ont lieu au siège du parti sur sise avenue Tombeur de Tabora n° 51 à Kalina. A l’issue de la Conférence nationale, un document reprenant toutes les résolutions et décisions prises est publié. Le 5 décembre le comité directeur rend public un communiqué relatif aux travaux de ces assises.

La conférence nationale du MPLA a vu le retour de Neto aux affaires. Règlement des comptes ou restructuration du directoire du parti ? Le secrétaire général Viriato da Cruz est limogé. Le métis est considéré comme trop blanc, jugé trop marxiste et réputé trop prochinois. En réalité, il constitue une menace pour le leadership de Neto qui a repris le contrôle du parti. Le révérend Père Joaquim Pinto de Andrade, détenu au Portugal au Fort de Caxias, est élu président d’honneur du MPLA par acclamation.

 

Parmi les 70 délégués qui ont participé aux travaux de ce colloque, il y a un jeune homme de vingt ans nommé Edouardo Santos. Son nom apparaît à la fois dans la liste des membres du comité préparatoire de la Conférence et dans celle du comité directeur dans la composition des délégations. Il s’appelle Edouardo Santos. Dix-sept années plus tard, il va devenir le président inamovible de l’Angola indépendant sous le nom de José Edouardo dos Santos.

 

Samuel Malonga

 

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S
Merci Pedro et Messager pour vos réactions. Espérons qu'un jour les langues se délieront afin que les questions que nous nous posons aujoud'hui trouvent enfin des réponses.
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P
Nous devrons attendre un peu, parce que beaucoup de cadres sur la liste sont devenus des dissidents au cours de l’histoire. A part les débâcles de Viriato da Cruz et Matias Miguéis, il y a eu ce qu’on appelle La Révolte Active et puis la Révolte de l’Est. Puis, après l’indépendance, survint le fractionnisme du 27 mai 1977. La plupart des dissidents et des massacrés étaient des intellectuels, c’est-à-dire, des cadres qui seraient sur nos listes. Poser la question à des survivants du MPLA en ce moment pour nous parler de chacun d’eux signifierait qu’ils auraient la liberté de nous dire qui a fait quoi et qui a été tué par qui et pourquoi. Le MPLA n’en est pas encore exactement là. On passe sous silence les gens qui n’ont pas survécu à tous les évènements. Reaccionários.
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M
Bien dit Pedro. Ce dossier mérite d'être ouvert sur mbokamosika.<br /> <br /> Messager
M
Pedro,<br /> <br /> Ton intervention est très intéressante. Je suis persuadé que d’autres historiens nous aideront à trancher en scrutant attentivement la liste des participants qui constitue un véritable document historique. <br /> On peut même suggérer que les chercheurs retracent le parcours politique de chacun des participants, par devoir de mémoire. Si j’avais la possibilité, j’aurais pu me déplacer à Luanda auprès des intellectuels du MPLA pour décortiquer cette liste, comme nous l’avons fait avec le palmarès de Lovanium. Je pense que le président Dos Santos lui-même, en tant qu’intellectuel peut s’investir, même par personnes interposées, à clarifier cette liste.<br /> En ce qui concerne les diminutifs de José Edouardo dos Santos, Pépé nous apprend dans son article du 21 juillet 2011 sur mbokamosika que le nom d’artiste de Dos Santos était (JOES), et que c’est qui est marqué sur ses œuvres de l’orchestre Nzaji réalisés en 1963 dont les séquences passaient souvent dans les émissions Angola Combatente du MPLA de la Voix de la Révolution congolaise à Brazzaville.<br /> En ce qui concerne la fille qui était venue de Kinshasa, il existe aussi un article sur notre site. Ce qui intrigue c’est la ressemblance entre l’actuel président angolais et cette fille venue de Kinshasa. De toutes les manières, malgré les démentis officiels, nous avons appris que le frère aîné de dos Santos s’était gracieusement occupé de la dite fille, dont la situation aurait déjà changé en Angola, qu’elle n’a plus quittée.<br /> En effet, mon cher Pedro, nous avons beaucoup à faire sur le plan de la mémoire, sans verser dans la politique. Qui va nous aider à contacter les proches de Dos Santos pour retracer son parcours : Angola, Léopoldville, Moscou, Brazzaville, le maquis de Cabinda, l’orchestre Nzaji, etc, etc.<br /> Je suis persuadé que d’autres investigations pourraient être menées dans les archives de l’ex-Voix de la Révolution à Brazzaville.<br /> <br /> Messager
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P
Cher Messager,<br /> On serait poussé à croire que c’est lui, notamment parce que le nom est sur la liste des représentants de la JMPLA à la conférence. Mais c’est aussi possible que ce ne soit pas lui, parce qu’il n’appartient pas aux pratiques onomastiques du Portugal (et de l’Angola) d’abréger le nom d’un personne en laissant tomber le dernier nom, qu’on appelle en portugais « apelido » (en anglais surname, en allemand Nachname), surtout sur une liste comme celle que nous avons ici, qui a un caractère un peu officiel. Il peut arriver que quelqu’un laisse tomber son apelido sur son penname (le nom qu’on utilise comme écrivain). Par exemple, un des poètes et chroniqueurs angolais a comme penname Manuel Rui de Azevedo Monteiro. Il a opté pour les deux premiers noms (Manuel Rui) pour signer tous ses livres, mais, comme juriste et ancien ministre de l’Information du gouvernement de transition de 1975, il est connu comme Dr. Manuel Rui Monteiro ou Dr. Rui Monteiro. Si son nom était sur notre liste, on pouvait laisser tomber quoi que ce soit, sauf Monteiro. Voilà pourquoi Lúcio Lara (comme il est très connu) est en fait Lúcio Rodrigo Leite Barreto de Lara. Donc, entre José Eduardo (le représentant de la JMPLA) et Eduardo Santos (du comité directeur), c’est ce dernier qui aurait beaucoup plus de chance d’être lui. Il s’avère, malheureusement, que cet Eduardo Santos est un personnage aussi célèbre. J’ai cherché hier en vain le document de la PIDE qui parle de son évasion de Luanda pour rejoindre le Congo, mais je ne me souviens plus pour le moment où je l’ai lu. Peut-être qu’on parle de lui dans un livre intitulé « Cartas de Langidila e outros documentos » (2004) qui réunit la correspondance de Déolinda Rodrigues. C’est dans les « autres documents » que je crois avoir vu cet épisode sur Eduardo Santos. Je vais continuer à vérifier. <br /> <br /> Mais voici une autre petite histoire qui est un peu liée au nom de José Eduardo dos Santos et qui peut nous amener à croire qu’Eduardo Santos est quelqu’un d’autre. En 2010, une femme de 46 ans est venue à Luanda et a déclaré à la presse qu’elle était fille du président. Zé Dú qui, on s’y était habitué, ne répond jamais aux critiques sur la vie personnelle, y compris les accusations d’être né à São Tomé et non à Luanda, cette fois-ci a répondu. Une des raisons qu’il a avancées pour démontrer que le père de Josefa Matias n’était pas lui, c’est que la mère de Josefa lui avait dit que l’angolais qui était son père était connu sous le sobriquet d’Edú. Et le président a dit que lui n’avait jamais été Edú, mais plutôt Zé. Quand j’ai écouté ces arguments, la première chose qui m’est venue en tête fut que, si le président avait raison, le père de Josefa Matias aurait pu être cet Eduardo Santos qui est sur notre liste. L’histoire est encore sur la toile : http://www.jeuneafrique.com/184294/politique/jos-eduardo-dos-santos-se-d-fend-d-tre-le-p-re-d-une-congolaise/
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M
Pedro, <br /> <br /> En attendant les investigations de mbuta Nsingi il convient de souligner que José Edouardo dos Santos s’était réfugié à Léopoldville en 1961. Es-tu sûr que ce Jose Edouardo de la JMPLA sur la liste ne serait-il pas l’actuel président Jose Edouardo dos Santos ?<br /> <br /> Messager
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P
Les noms angolais sont compliqués. Ça ne m'étonnerait pas si Eduardo Santos et José Eduardo sont deux cadres différents et aucun d'eux n'est José Eduardo dos Santos. Mfumu Nsingui Mabuassa, tu es là? Est-ce que tu peux poser la question à quelques veterans à Luanda?
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M
Selon les liste des participants envoyées en dernière minute par Samuel Malonga, il s’avère que José Edouardo de la JMPLA n’est pas Edouardo Santos du Comité directeur . Ceci reconforte ma thése selon laquelle José Edouardo de la Jeunesse du MPLA à l’époque, n’avait la préséance requise pour se mettre aux côtés de Neto en 1962. À moins que les historiens du MPLA nous contredisent.<br /> <br /> Messager
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S
Il semble que lors de cette conférence nationale, il y avait deux: celui d'Edourdo Santos et de José Edouardo. S'agissait-il d'une même personne ou de deux individus différents, il serait souhaitable que les mbokatiers de l'Angola nous donne des précisions. Une autre liste est envoyé à Messager.
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S
Justement, Edouardo dos Santos appelé à l'époque Edouardo Santos était bel et bien à côté de Neto en 1962. La photo ci-dessus a été prise lors d'une réunion du comité directeur du parti dont faisait partie l'actuel président angolais. Je joinds une partie de la liste des participants dans laquelle le nom de Dos Santos se trouve placer dans la haute sphère du MPLA. Malgré son jeune âge, Edouardo était promu à un bel avenir.
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M
Comme l’a souligné Pedro, Dos Santos n’avait pas la préséance à l’époque pouvant lui permettre de se mettre à droite de Neto en 1962. Nous savons qu’il-Dos Santos- faisait partie du mouvement de la jeunesse du MPLA.<br /> En ce qui concerne Lücio Lara, nous savons qu’il fut la figure marquante du MPLA, voire son principal idéologue. C’est vraiment malheureux qu’il n’ait pas pu succéder à Neto pour des raisons racistes. Peut-être qu’il n’aurait pas pu s’accaparer des richesses de l’Angola comme le fait Dos Santos et sa famille. Mais quand ont voit ce qui se passe au Congo/Brazza avec Denis Sassou Ngouesso, un ex-marxiste, toutes les dérives autoritaires deviennent possibles en Afrique.<br /> Messager
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S
Le fait qu'Edourado dos Santos fasse parti du comité directeur et du comité preparatoire de la Conférence nationale du MPLA montre à suffisance qu'il jouissait malgré sa jeunesse d'une certaine estime voire d'une certaine importance au sein du parti. Ce n'est pas pour rien qu'il sera quelque temps après envoyé en Union Soviétique poursuivre ses études universitaires à Bakou.
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P
José Eduardo dos Santos n’est pas autour de cette table. Il n’était pas à ce point important en 1962. Je ne sais pas qui est la personne à droite de Neto. La seule personne que je reconnais, c’est Lúcio Rodrigo Leite Barreto de Lara, le métis qui est deuxième à partir de notre droite. C’est lui qui aurait remplacé Agostinho Neto en 1979 s’il était noir. C’est maintenant que les membres du Comité Central du MPLA parlent des critères raciaux qui à cette époque ont déterminé qui serait le président. En principe, le MPLA est sensé être non-raciste, et nous croyions que personne n’aurait à cette époque eu le courage d’évoquer un critère raciste. La propagande du MPLA n’aurait pas voulu que les gens sachent qu’ils auraient eux-mêmes fait ce dont ils accusaient le FNLA et l’UNITA – le tribalisme et le racisme. Maintenant nous savons qu’il a pesé de tout son poids dans le choix de José Eduardo dos Santos, au lieu de Lúcio Lara.
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