La trilogie FNLA-MPLA-UNITA et les églises protestantes
La trilogie FNLA-MPLA-UNITA et les églises protestantes
L’histoire politique de l’Angola est pleine d’axiomes qui tiennent débout même en l’absence de statistiques fiables. Je suppose que d’autres pays du monde peuvent être dans la même situation où il y a des propositions qui vont de soi comme si elles étaient démontrables.
Traçons un diagramme qui représente un ensemble défini en extension avec trois éléments qui s’appellent FNLA, MPLA et UNITA, et un autre diagramme qui représente un ensemble défini en compréhension par [églises protestantes]. Indiquons avec trois flèches quel mouvement de libération angolais correspond à quelle église, de telle sorte qu’on obtienne un de ces diagrammes composés qu’on voyait au tableau noir quand les profs de Math essayaient de simplifier le plus possible la différence entre une fonction et une application. Une flèche doit joindre le FNLA à l’église baptiste, l’autre flèche le MPLA à l’église méthodiste et le troisième l’UNITA à l’église évangélique congrégationnelle. Les baptistes dont il s’agit ici ont été évangélisés par les missionnaires anglais de la Baptist Missionary Society (BMS). L’église méthodiste a été fondée par des missionnaires étatsuniens. L’église évangélique congrégationnelle est canadienne et étatsunienne.
D’où vient l’idée que chacun des mouvements de libération a une fondation solide dans chacune des églises précitées, dans un contexte où les statistiques n’existent pas ? Álvaro Holden Roberto était né dans une famille avec des racines dans l’église baptiste. Le père d’António Agostinho Neto était pasteur méthodiste et beaucoup de ses cousins et proches qui ont inévitablement été militants du MPLA appartenaient à l’église méthodiste. Jonas Malheiro Savimbi provenait du milieu de l’église évangélique congrégationnelle de l’Angola (I.E.C.A.) et beaucoup de militants de l’UNITA se sont formés dans des missions de cette église dans le plateau central angolais.
Voilà des données fiables qui ne seraient pas assez pour justifier une généralisation. D’ailleurs, l’idée que la grande majorité de la population angolaise devrait être catholique n’est pas du tout déplacée. L’Eglise Catholique Apostolique Romaine est présente sur les côtes angolaises depuis le XVème siècle et les trois églises protestantes précitées n’ont évangélisé les populations qu’à partir de la pénultième décennie du XIXème siècle (les 1880s).
Le pourcentage des catholiques angolais estimé à 38% doit être très récent (https://pt.wikipedia.org/wiki/Catolicismo_no_mundo). Sans statistiques, on peut imaginer qu’avec les églises dites éveillées, moins de protestants soient devenus catholiques depuis l’indépendance que vice-versa. L’église catholique ayant été la religion d’Etat pendant l’époque coloniale, il semblerait que le pourcentage des catholiques aurait été beaucoup plus important à cette époque-là. D’ailleurs, c’était aussi une protection. On avait moins de chance d’être harcelé par la police si on était catholique (voici un autre axiome). Mais, même si les catholiques n’étaient que 38%, ils seraient encore majoritaires, puisque les baptistes, les méthodistes, les évangélistes, et toutes les autres dénominations se partageraient les 62% qui restent. Sans statistiques, c’est donc au sein de chaque dénomination que ces protestants pourraient avoir leur majorité.
Il y a aussi l’axiome selon lequel le clergé de l’Eglise Catholique était acquis au pouvoir colonial. Il y a des histoires qui racontent que ceux qui, en confession, manifestaient leur mécontentement contre quoi que ce soit se retrouvaient en prison. Après l’indépendance du Congo, beaucoup ont été accusés de lumumbisme. On présume qu’ils ont été livrés au pouvoir colonial par des prêtres catholiques.
Et pourtant, le vice-président du Gouvernement Révolutionnaire de l’Angola en Exil (GRAE), le célébrissime Cónego Manuel Joaquim das Neves, fut un prêtre. Il n’a exercé ses fonctions dans le gouvernement en exil qu’à titre honoraire, puisqu’il avait déjà été incarcéré par les portugais. Il est mort en prison. L’autre jour, l’évêque angolais Dom Francisco Viti a été l’invité du programme d’interviews « Angola 40 Ans d’Indépendance » sur la chaîne de télévision Zimbo. Il a témoigné de son engagement dans la lutte en tant que nationaliste. En dépit de tous ces exemples, l’axiome tient débout : le FNLA est baptiste, le MPLA est méthodiste et l’UNITA est évangélique congrégationnelle. L’axiome a même été repris dans des textes scientifiques, par exemple, par Margarida Paredes, universitaire portugaise qui enseigne au Brésil. Elle avait combattu du côté du MPLA avant l’indépendance et son doctorat en Sciences Sociales est sur le rôle des femmes dans la guérilla en Angola.
Avant de déposer ma plume sur ce thème, je vous livre le plus important (pour moi) des axiomes angolais: beaucoup plus de combattants sont morts victimes des conflits entre les mouvements de libération que victimes des confrontations avec les troupes coloniales. Sans statistiques. Ne croyez pas que je parle de la guerre civile d’après l’indépendance. Non. Je parle de l’époque coloniale et de la guerre pour la décolonisation. Tout d’abord, il faut retenir qu’aucun texte officiel ne reconnaît qu’il y a eu une « guerre civile » après l’indépendance. On appelle ça « seconde guerre de libération ». La première, c’est celle de 1961 à 1974 pendant laquelle l’axiome veut qu’il y ait eu de loin plus de morts et de blessés dans les attaques des guérilleros les uns contre les autres. Les nationalistes angolais se sont toujours volontiers fait la guerre avec plus d’ardeur entre eux qu’ils n’investissaient à attaquer les portugais.
PEDRO