Ces décès qui provoquent la mort des autres
Ces décès qui provoquent la mort des autres
Le décès d’Emeneya est une grande pertepour la musique congolaise. Il s’en est allé au moment où on ne s’y attendait pas. Bien quesouffrant, personne ne pouvait imaginer une fin aussi rapide. Les meilleurs artistes congolais s’en vont les uns après les autres. Depuis les années 80,ils disparaissent dans un rythme effréné.Trois mois à peine, nous avions perdu Tabu Ley. Aujourd’hui, nous pleurons le King Emeneya. Comme c’est triste ! La entre Rochereau et Kester ne s’arrête pas au simple fait qu’ils soient tous les deux originaires de Bandundu ou qu’ils appartiennent à la tribu yansi. Au-delà de cet aspect, le hasard a fait qu’ils soient tous les deux nés au mois de novembre et morts à quelques mois d’intervalle seulement. Rongés par la maladie, les deux nguashi ont eu la chance de fêter leur dernier anniversaire avant de tirer leur révérence. Lorsque Tabu Ley meurt à Bruxelles, c’est un choc pour Kester qui ne supporte pas la disparition de son modèle. S’en est suivi une hospitalisation qui ne lui permit ni d’assister aux obsèques du seigneur Ley ni de lui rendre un dernier hommage. Son absence est remarquée lors des cérémonies d’adieux que le Congo et l’Afrique ont organisées pour l’Idole d’Ébène. Le King ne se remettra jamais de sa maladie. Il s’en ira rejoindre son aîné qui depuis repose au Nécropole entre Ciel et Terre à N’Sele. Des individus liés par le sang ou par l’affection, par l’amour ou par l’estime meurent quand leur cœur n’arrive pas à maîtriser le choc provoqué par la disparition de ceux qu’ils aimaient tant. Quel macabre effet domino ! Plusieurs cas malheureux illustrent ce triste phénomène. Remontons dans le temps et arrêtons-nous un instant au début de l’année 1990 avec une disparition émotionnelle digne d’un opéra de Roméo et Juliette. Aux cliniques universitaires meurt le 15 janvier Mpongo Love, la chanteuse à la voix d’or. Le monde musical est en deuil. La triste nouvelle terrasse le saxophoniste Michel Empompo Loway son mentor. Fortement accablé, le cœur gorgé de chagrin et de douleur, il ne résiste pas au décès de celle qui avait été sous sa férule. Victime collatérale de la disparition d’Aimée-Françoise Mpongo Landu, Deyesse s’éteint le 21 janvier 1990, soitsix jours seulement après la mort de la diva. Quelques mois plus tard, c’est le drame chez les Soki. Après des années d’errance à Kinshasa, abandonné à son triste sort, réduit à la mendicité et à traîner sa frêle silhouette dans les rues de la capitale, le prince Emile Soki Dianzenza, tire sa révérence le 4 mai 1990.Maxime Soki Vangu, son aîné de 7 ans depuis l’Allemagne où il vit est affecté par la mauvaise nouvelle. Il est peu de temps après foudroyer par une crise affective. Le 18 mai 1990, soit 14 jours après le décès de son frère cadet Émile, Max s’en va le rejoindre dans l’au-delà.
Matufueni Makiese dit Ebale Mondial et Ndaya alias Mopepe dans Muana nsusu
Toujours en 1990, le théâtre congolais perd du coup deux de ses meilleurs éléments. Lorsque Ndaya Mopepe Sukaïna meurt des suites d’une longue et pénible maladie, tout le groupe Salongo est présent. On voit même Makiese Ebale Mondial amaigri fondre en larmes. Dans la foulée de l’émotion qui l’habite et à travers les liens d’amitié qui les lient, il décède quelques jours plus tard. Le journal Salongo écrira même qu’Ebale Mondial avait laissé tomber la vie. Du monde de l’art passons à la politique avec le clan Sakombi. Déjà souffrant, Sakombi Ekope quitte la terre des hommes en 1985. La famille hésite et se demande comment annoncer la triste nouvelle à la maman. Quand finalement elle l’apprend, c’est comme un poignard qu’on lui plante en pleine poitrine. Elle meurt emportée par l’émotion et la douleur de séparation. Dans la résidence du défunt où la veillée mortuaire a lieu sont exposés deux cercueils, celui de la mère faisant face à celui du fils aimé. Ces quelques exemples ne font pas exception, car bien des familles ont connu des cas de victimes collatérales qui rejoignent ceux qu’elles avaient aimés dans l’au-delà. Aujourd’hui, la disparition de Tabu Ley a provoqué la mort de Kester. Cela montre à suffisance combien le cadet admirait son aîné. Le vide laissé par le maestro avait fortement perturbé Kuamambu. Oubliant que c’est le passage obligé pour tout être humain, bien des Congolais se demandent si nos artistes ne sont pas suivis par le signe indien. Physiquement disparus, ils continuent de vivre parmi nous. Ils sont partis mais ils sont là. Ils seront toujours présents à travers leurs œuvres qui ne prennent pas de rides.
Mort, où est donc ta victoire !
Samuel Malonga
Tableau illustrant l’article d Samuel Malonga , envoyé par Pedro
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