SERPENT D'AIRIN
SERPENT D'AIRIN
Il y a peu de temps j'ai séjourné au Congo, et j'ai vu la résurrection de Jossart Nyoka Longo en plein cortège funèbre car tout le monde le donnait pour mort artistiquement. Lui dont plus personne ne parlait après un séjour prolongé en Europe et dont tous les musiciens ont déserté la barque avant qu'elle ne chavire a eu le courage d'affronter en solitaire le difficile public congolais. Il vient à point car l'animation congolaise dont il est le précurseur était devenue malsaine. C'est la première des choses à laquelle il s'attèle. En effet il assainit l'animation en lançant tout simplement:"Tuzolana,tuzolana beto na beto na Zaiko, luzolo..." ce coup de balai était nécessaire car notre musique connait une crise de confiance et d'identité comparable à celle des Israélites dans le désert à tel point que les mélomanes ont jugé bon d'élever le serpent sur une perche et de se référer à lui afin que notre musique ne périsse point et mais progresse davantage (Jn3:14-15 et Nb21:4-9).
Il est là quand Zaïko est créé fin décembre 1969 car il est le seul chanteur récupéré du groupe Bel Guide qui a passé le témoin à ZAIKO. La
joie communicative de sa voix dans la chanson " La Tout Neige ", émerveille le public et crée l'unanimité autour de ce jeune orchestre surprise .
Les titres de ses
chansons «La Tout Neige » et « Errare humanum
est » prouvent qu'il est adolescent et élève d' un bon collège littéraire. Il est celui que tout le monde veut voir de visu le plus rapidement
possible étant donné la beauté de son surnom:"Jersy Jossart". Il n'a pas raté son rendez vous avec le public, sa voix est celle qui se marie le mieux avec celles d'Anto Nickel, de Siméon ou de
Jules Presley dans les premières compositions de l'orchestre.(Michael, Michelis fee, MT la vérité...) mais refuse de se noyer dans les vagues du succès en versant dans la drogue;ce qui
engendrera ses inimitiés avec les trois autres chanteurs.
Il devient ipso facto l'homme à abattre mais il tient le coup contre vents et marrées. Il les défie à leur départ pour Isifi en leur assénant des coups de rein que personne n'attendait de lui. il se donne le luxe de devenir l'homme spectacle; on ne se lasse pas de le voir danser. En 1988, à la majorité de l'orchestre, il reçoit un vrai coup de massue, car ZAIKO se vide de ses meilleurs éléments ,mais contre toute attente il se relève et terrasse son diable de jumeau. Aujourd'hui encore à quelques encablures du demi siècle de l'orchestre, bien que sa voix soit un peu raillée son talent reste intact, son charme fonctionne et sa jeunesse d'esprit nous emballe encore. Les danses "Mokongo ya Koba et Moellon" en sont des illustrations parfaites.
C'est depuis avril 2009, date de son retour au pays que l'orchestre essaie de prouver au public qu'il n'est pas seulement Nkolo mboka mais aussiNKOLO NGUASUMA c'est à dire le propriétaire du rythme le plus copié de la musique congolaise et adopté par la quasi totalité des orchestres afro caribéens. Je veux parler de cette combinaison endiablée de la basse voulue percussive et le tempo particulier de la caisse claire de la batterie saupoudré d'un peu d'animations atalaku, un genre inédit dans notre musique avant l'arrivée de ZAIKO sur la scène musicale. A l'heure où la musique congolaise a perdu de sa saveur suite au fait que le chanteur est réduit au rôle de laudateur et l'animateur à celui de diffuseur des insanités. Le roi a décidé de récupérer son bien(animation) qu'il avait momentanément confié à cette génération Wengé. Pendant que les autres membres du clan Langa Langa ont baissé les bras et ont accepté leur déchéance le SERPENT D'AIRIN a choisi de remixer ses vieilles chansons, je veux dire à les mettre au goût du jour car la musique de ZAIKO est inoxydable. Zaiko les a regardé faire, tous ont fini dans la monotonie et pire ils se sont vautrés dans l'impudicité artistique.
Après un quinquennat à les observer , Jossart revient dans ce champs de ruine musical comme un jeune qui n'a pas de passé et qui a la mission de réparer quelque chose de gâché. On sent de par sa détermination que le vieux Bombas n'a pas encore dit son dernier mot et surtout que sa foi en Dieu a pris du galon. Le retour en force de ZAIKO est sans doute la meilleure nouvelle de ces dernières années dans un pays infiltré ou occupé par les prédateurs Tutsis. Maintenant les jeunes de la génération ZAIKO que nous sommes pourront encore danser le "mukongo ya Koba" et toutes ses variantes.En tout cas, dans Bande Annonce il n'y a que du bon et même du très bon. Espérons que ce qu'on appelle dans leur jargon"single" annonce de nouvelles couleurs pour cet orchestre qui apparemment ne souffre pas de l'embargo imposé aux orchestres par les "combattants". La réputation de ZAIKO depuis près d'un demi siècle est indéniable et inégalée. Jossart est cette espèce de génie qui porte la musique vers ses sommets insoupçonnables. Jossart refuse d'être extraordinaire, il est d'une humilité qui voudrait qu'on le déguste tel qu'il est ou pour ce qu'il est réellement.
Jossart étonne aujourd'hui encore car avec sa voix naturellement nasillarde , il fait partie de ces artistes hautement exigeants, il a marqué de son empreinte l'histoire de la musique congolaise par ses coups de reins magiques et incomparables. Jossart, c'est cet icone reptilien inaccessible qui même léthargique ou amorphe fera toujours peur car il sait mettre de la force à la fragilité. Déjà allergique à tout exhibitionnisme, il se cache derrière un anonymat et un ascétisme dont il tire certainement le pouvoir de séduction qui produit un effet ravageur dans les esprits des mélomanes qui l'admirent danser. La jeunesse essaie de tendre vers lui sans pouvoir l'atteindre parce que justement inimitable. Ses concerts drainent encore du monde et réunissent des jeunes de toutes générations confondues, je veux dire de sept à soixante dix sept ans.
ADEI TOKO
La Tout Neige, par Jossart Nyoka Longo (version originale)
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