LIPOPO YA BANGANGA, KIN KIESE
Kinshasa, Léopoldville, Léo en abrégé est la capitale du Congo Belge depuis 1923. Elle tire son nom de Léopold II, roi des Belges et elle fut fondée le 1er décembre 1881 par le journaliste et explorateur anglais Henry Morton Stanley. Au début, c’était un regroupement des petits villages tels que Ntsasa (déformé Kinshasa par les Belges), Imbali, Ngampey, Ngatchu, Kindolo (Ndolo), Mpumbu (Gombe), Nkunga (Mikonga), Mbangu (Masina), Lumeta (Limete), Impo (Kimpoko), Mbiela, Lemba et bien d’autres habités par les peuples «Humbu», «Teke», «Mpundu» et «Mpindi». C’était un lieu de rencontre idéal pour faire l’échange des esclaves et des marchandises.
A l’époque coloniale, Kinshasa était une très belle ville, une très belle cité où il faisait beau vivre. Antoine Moundanda nous le dit dans sa chanson «Poto-poto mboka monene, solo Kinshasa poto moyindo» dans les années 50. Si aujourd’hui, chacun de nous rêve de visiter l’Europe ou l’Amérique, il faut dire qu’à l’époque le vœu de tout Congolais de l’intérieur du pays était de descendre un jour à Kinshasa avant sa mort. Le Kinois est jaloux de sa ville. Il collait le vocable «Bawuta» à tous ceux qui n’étaient pas natifs de Kinshasa. Dindo Yogo dans la chanson «Mokili e changer», nous décrit également les origines de la ville de Kinshasa. Adou Elenga, ce visionnaire et prophète n’avait-il pas raison de chanter «Ata ndele mokili ekobaluka». Cette chanson lui a valu la foudre de l’autorité politique de l’époque coloniale qui l’emprisonna en 1954. Il eut la vie sauve grâce à l’avocat de renom qu’avait engagé la maison d’édition de sa chanson. Sinon, il moisirait pendant longtemps en prison.
Léopoldville, capitale d’un grand pays 4 fois la France et 80 fois la Belgique, d’un pays riche pour son sous-sol, ses forêts denses et dont ses habitants croupissent dans une misère sans nom. Kinshasa ou Kin comme on aime bien l’appeler est une cité d’ambiance, une ville joyeuse, «Kinshasa kiese yai» comme Jeef Mateta Kanda ne cessait de clamer sur les ondes de la radio nationale. Zéphyrin Matima Pioso Mbuta Mantima lui a dédié la chanson «Kin kiese» composée en 1977 et enregistrée au Ghana. Kinshasa est une ville joyeuse des commérages comme le dit le poète Lutumba dans sa chanson «Diarhée verbale » (Kinshasa tuba-tuba), comme le dit également Grand Kallé dans sa chanson «Kinshasa Makambo » avec ses agitations et ses fêtes (O kinshasa makambo, mikolo nionso fête na fête..). Hier Kin-la-belle et aujourd’hui Kin-la-poubelle, la ville la plus récréative de l’Afrique semble abandonnée à son triste sort. Ses avenues sont devenues des véritables nids-de-poule, des véritables lacs dans lesquels nagent les Nzombo et les Mingusu. Avec sa «rumba » dont les rythmes dépassent les frontières nationales, Kinshasa demeure la ville des artistes. Kinshasa est également la ville de babeti ndembo (Saio Mokili, Kembo, Ndaye Mutumbula,) la ville de bapanzi sango avec Benoit Lunkunku Sampu, Éleuthère Lutu Mabangu, Émile Lukezo Lwansi, Kwebe Kimpele, Lumbanda Kapasa, Kipolongo Mukambilwa, Kibambi Shintwa, Kabala Mwana Mbuyi, Paul Basunga Nzinga, Kayumbi Beya; ville des chevaliers de la plume avec Théophile Ayimpam Mwan’Ango, Bondo Nsama, Essolomwa Nkoy, Nzita Mabiala... Kinshasa mboka bisengo, mboka ekenda sango.
Cette cité d’ambiance accueillait depuis 1920 les «Bawuta» (habitants de l’intérieur du pays), les expatriés, et les hommes d’affaires de partout au monde (Grecs, Portugais, Angolais, Sénégalais ou Ouest-Africains en général). On trouvait dans la ville des arbres géants, des clubs d’ambianceurs et de gentlemen en l’occurrence «La Mode» de Pius Bokanga, «La Joie», «Club des 7», «La Nova», «Alliance choisie» «Sana Amida». Les Kinois aiment l’ambiance, les banalités, le sexe, la boisson alcoolique. Ils vivent le jour au jour.
Les peules de deux Congo sont d’une même culture. Ils entretiennent des bonnes relations. Les chansons telles que «Ebale ya Congo» de Jeannot Bombenga, «Essous Spiritou» de Jean-Serge Essous, «Kinshasa-Brazza» de Stervos Niarcos lancent un slogan de fraternité entre les habitants de deux capitales les plus rapprochées du monde. Depuis 1940, on observera un mouvement des va-et-vient des musiciens entre les deux capitales. Nous en voulons pour exemple Edo Nganga, Antoine Moundanda, Essous, Célestin Kouka, Pamelo Mounka, Youlou Mabiala, Michel Boyibanda, Loko Massengo.
La première œuvre qui chante la ville province de Kinshasa date de 1950. Il s’agit de «Souvenir de Léopoldville» de Pauline Lisanga. Suivront «Café Rica » de Rochereau (Kinshasa ko mboka elinga ba fête), «Kinshasa makambo» de Kallé Jeef, «Kin Kiese» de Zéphirin Mbuta Matima, «Matebu» de Niarcos (Kin yango mboka ya plaisir), «Kinshasa-Brazza» du même artiste (Kinshasa na Brazza ezali mboka moko, kaka ebale ekabola biso). Ville des commérages avec «Kinshasa» de Rochereau (Kinshasa mobimba balingi basilisa na koyeba) Ville de des trompeurs, des prostituées et des voyous avec «Laissez tomber» de Franck Lassan, ville de colportage avec «Songi-Songi» de Rochereau, ville des vautours avec «Ize Bola» de Mary Djo (Kinshasa mboka ya kotika mwasi te azelaka yo), si vous y avez laissez votre fiancée ou votre conjointe, posez la question Mary Djo qui a vécu une mauvaise expérience avec son arrestation pour Ekafela; ville d’ambiance, «Amicale Lipopo» et «Rendez-vous chez là-bas» de Rochereau, «Soso pembe na Lipopo» de Mujos (Lipopo mboka ya banaganga. Dans la chanson «Cité d’ambiance», Oncle Bapius immortalise le quartier Matonge. On y boit et on y danse jusqu’à des heures, on mange la viande de chèvre (Ntaba) chez Diallo, on casse et on part. Ce sont là les quelques réalités de la société kinoise. Malgré la pauvreté, la grande ambiance de Matonge bisengo est toujours présente. Avez-vous la nostalgie de Kinshasa?
A suivre
ZÉPHYRIN KIRIKA NKUMU ASSANA
Lipopo ya Banganga, par Kallé et l'African-Jazz