ZAIKO QUARANTE ANS
OFFRE DE PUBLICATION DU LIVRE À PARAÎTRE (JUILLET-AOÛT 2009)
« ZAIKO QUANRANTE ANS »
CES JEUNES QUI ONT CHANGÉ LA MUSIQUE
EN RDC, EN AFRIQUE ET DANS LE MONDE NÉGRO-AFRICAIN
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http://www.youtube.com/watch?v=1bbaIw5Abio&feature=related (NYOKA ET WEMBA ET LE ZAIKO)
http://www.youtube.com/watch?v=huXdIpqkCgc&feature=related (MANUAKU RAY LEMA, YHA NYOCH)
http://www.youtube.com/watch?v=LDCAaeLkkUs&feature=related (MANUAKU ET RAY LEMA : AFRICA ET NZAMBELE)
Yha Nyoch Jossart; Manuaku, Pépé Felly; Jules Presley Wembadio
PRÉAMBULE
Le Zaiko Langa-Langa témoigne à la fois de l'éveil d'une jeunesse qui passe à l'offensive de l'existence pour inventer sa vie d'artiste, il exhibe, en même temps, une fierté d'un groupe des jeunes qui a su, par sa foi en l'avenir, accompagner sa génération avec une force exceptionnelle de créativité. Zaiko aura, par ce fait, porté haut l'étendard de la culture congolaise au-delà des frontières tracées par l'African Jazz de Kabaselle; l'OK Jazz de Franco et Vicky; l'African Fiesta de Nico; l'Afriza de Rochereau; le Bantous de la Capitale d'Essous Serge; le Los Nickelos de Tony Dee, de Mongali et de Zatho Kinzonzi; le Thu Zaina de Denis Bonyeme et Kelly et les autres musiciens de renom.
Cette rare magie d'avoir ainsi assumé la responsabilité évolutive de la musique congolaise moderne vers son estuaire toujours à atteindre, les Congolais la doivent particulièrement à Nyoka Longo, à Papa Wemba, à Mavuela Siméon, à Evoloko Atshuamo, à Bimi Ombale et à Gina Efonge de l'attaque chant et à l'organogrpahie harmonique unique de Manuaku Waku. Ce dernier, virtuose de la guitare, a plongé son doigté dans le génie d'Orphée au fin fond de la piscine des siècles et des légendes de musique. C'est là, dans ce creux infini des permutations chromatiques des tonalités qu'il a puisé les notes que les Conservatoires n'ont pas enseignées à leurs disciples. Source : Djamba Yohé, dans : Ces jeunes qui ont changé la musique en RDC ...
Chapitre Ier
I. Introduction
Aux qutre coins de Kinshasa et de la République Démocratique du Congo, alors Zaire, il s'entendait à chaque dix mètres des chansons de Zaiko Langa Langa. Les médiums de cette forte diffusion, en temps réel, étaient la radio, les buvettes, les bars, les tourne-disques les nganda et les des maisons privées. Tous les week-end aux occasions de maraiges, de levée de deuil ou des rencontres dea Moziki, tout le monde dansait le « Cavacha ». Au hit parade parade de la radionationale, la liste affichait complet avec les nouveautés de Zaiko. Durant une édition d'écoute de ces années-là, soixante-dix je m'en souvient, on entendait que :
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Eluzam ;
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Mbeya Mbeya ;
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Onassis ya Zaire ;
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Zania ;
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BP ya munu ;
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Conseil, etc ...
Le Zaiko Langa Langa qui s'exhibe avec cet excès là est un orchestre de 1973, il a essentiellement ces figures glorieux, Nyoka Longo, Papa Wemba, Mavuela Somo, Evoloko Lay Lay, Gina Efonge et Bimi Ombale au chant. À l'arrière du blindage des marines de la variation des couleurs d'arrangements, ces Manuaku Waku, Teddy Sukami, Zamuangana, Damien Ndebo, Oncle Bapius, Matima, Meridjo Belobi, DV Moanda dont s'arrachent les mélomanes pour des clichés de photos.
Kinshasa, dans ce premier moitié de l'année septante ou soixante-dix, est passée du 25 degrés de température normale à 35 degrés centigrade de bouillonnement musical. Le Zaiko Langa-Langa, dans cette première apogée de son succès a haussé le thermomètre des pistes de danse à des degrés excessivement torides. Les plateformes du concert étaient pleines, le moindre saut avec une copine sur la piste était une infusion de bascule climatique. L'atmosphère devenait tout-à-coup une bulle de chaleur. On ressentait une fois commencé le pas de danse, une intense canicule comme si la terre était déjà dans sa phase de réchauffement de non-retour. En tout cas, l'effet de serre était toujours au rendez-vous des concerts de Zaiko.
Lorsque le public adulte réalisait que le bar a pour invités les garçons de la rue Victoire, celui-ci préférait s'abstenir d'aller prendre un verre le soir tombé. Quand les amateurs du cinéma s'apercevaient que le Ciné Palladium sera l'hôte de Zaiko, les journaux faisaient circuler des pétitions auprès du propriétaire de cet endroit pour que les chaises soient réparées avant que les cinéphiles reviennent, sinon ce dernier fera faillite étant donné l'état inconvenable de son installation de spectacle. Ce fut de même quand le Zaiko devait avoir pour lieu de production la FIKIN. Nul parmi les habitués plus âgés de la Foire Internationale de Kinshasa ne se permettait le luxe d'aller faire un tour au parc d'attractions, de crainte de s'y faire étouffer par les gros nuages des adolescents venus en grand nombre se divertir avec Zaiko Langa-Langa. Cet orchestre, en vérité, avait le secret de taquiner les émotions juvénilles, somme toutes congolaises et zairoises, par les interrupteurs des émotions enfouies au fond de l'âme individuelle et de l'inconscient collectif.
Évidemment, ce secret fut la recette d'un guitariste calme que le mur de chanteurs qui évoluaient devant lui protégeait. Comme un dieu antique encastré dans les murs d'un marbre du temple, Mauaku Waku était le cratère du volcan Zaiko, les vibrations ne semblaient pas l'émouvoir, il était pétri comme la stelle de Washington, D.C., près du lieu ou Barack Obama prêtait serment le 20 janvier 2009. En fait, c'est ce jeune garçon silencieux et discret qui provoquait tous les tsunamis et la frénésie du Cavacha. Félix, pour les intimes, c'est l'ultime adresse de tous les séismes Zaiko des années '70. Nyoka Longo, par son intelligence d'anticipation, était ce Capitaine qui savait jeter l'ancre du navire Langa-Langa dans les ports à succès qu'indiquait la boussole de l'orchestre.
Certes, le Zaiko Langa-Langa du tournant des années '60 au début des années '70, ce fut le rythme, la cadence et le tempo, mais tout cela ne put être que grâce à son attaque chant, car ce sont les chanteurs qui verbalisent par la plasticité de leur corps la grammaire chorégraphique de cet ensemble qui sera nommé plus tard : Tout Choc Anti-Choc Zaiko Langa-Langa. Zaiko c'est l'orchestre d'une jeunesse de 15 ans à 25 ans. Par conséquent, c'est un groupe de jeunes qui vit l'expérience de sa liberté sans se laisser intimider. Quiconque parmi les animateurs de la radio et de la télévision nationales invite les vedettes de cet orchestre s'assure de facto d'une cote d'écoute très élevée.
Devant la RTNC, sise avenue Valcke, aujourd'hui Avenue de la Justice, ou devant « l'Esplanade de la Cité de la Voix du Zaire », le Zaiko n'est pas un orchestre inaperçu et tranquille, c'est une tempête qui s'installe avec les matériaux de sa mouvance des fanatiques. Lorsque le Zaiko joue au Tele-Show ou au Kin-Kiese, le flot de fanatiques dépasse la capacité d'accueil du public dans les endroits de la production prévus. Par le Zaiko Langa-Langa plusieurs Congolais et Zairois se sont fait un nom grâce auquel ils ont prospéré et gagné beaucoup d'argent. On peut résumer cette introduction du parcours des quarante années du Zaiko Langa-Langa comme le portrait d'une jeunesse musicale qui est toute une épopée.
Malgré les injustices, les négligences des autorités de l'ancien régime à l'égard de la jeunesse montante, le Zaiko Langa-Langa est un exemple de réussite autonome soutenue par la volonté de réaliser une victoire sur soi-même. Il est de bon alloi qu'en cette année du 40ième anniversaire de cet orchestre, que la Nation se mobilise pour rendre hommage aux musiciens de cet ensemble. Nyoka Longo, Papa Wemba et le virtuoise Manuaku Waku ne sont pas des moindres dans l'anthologie des Beaux-Arts de la RDC, ce sont des géants qu'il faut saluer avec tous les égards pour le travail qu'ils ont accompli. Ces jeunes, aujourd'hui hommes d'âge mûr, ont donné au Congo, à l'Afrique et au monde entier les matériaux spirituels qui construisent déjà une partie de l'édifice de la musique universelle.
II. Au Panthéon avant l'apothéose
Les figures mythiques de Zaiko Langa-Langa étaient déjà effervescents avant la mise à feu des fusées de leur orchetre muté de Bel Guide. La sélection des musiciens qui fondèrent le Zaiko fut une équipe qui transpirait le succès avant son atteinte. Bine sûr, ce ne fut pas à l'improviste que ceux-ci apparurent devant public. Chacun, indistinctement, avait un parcours et une parure de luisance. Ces jeunes musiciens prédestinés étaient singulièrement pour soi, un feu follet. Tous les Kinois mélomanes de cette époque de fin d'année de 1969, car le Zaiko est né le 24 décembre de cette année-là, appréhendèrent dans l'assurance des vedettes en herbe de ce groupe musical émergeant un signe d'apothéose garanti qui ne trompe pas.
Dans l'atmosphère, le vent d'une certaine nervosité artistique soufflait sur la ville. Dans cette nébuleuse tension encore non-qualifiée par des mots qui explicitent clairement l'advenance, ceux ayant eu l'intuition vocabulistique d'expliquer l'événement par sa nature ont sans efforts sophistiqués dit le jeu auquel se prêtaient les musiciens de Zaiko Langa Langa. En réalité, ces derniers avaient tout simplement, par un orgueil insouciant, fait « Une Déclaration de guerre » à l'ordre musical établi par les personnalités dominantes de la scène. En effet, les premiers vibratos des solos de Manuaku Waku, alias Pépé Felly, ne furent pas des improvisations de bonhomie d'une dexterité de l'abcédaire d'un essayiste qui veut se faire remarquer, c'était des duel concertantes. La guitare solo de Zaiko était une tempête des perséides acoustiques défiant avec autorité les sons de l'État-Major des grands, ils enfreignaient aussi l'Empire de l'Establishment des jeunes premiers embourgeoisé d'alors, à savoir le Thu Zaina, les Iss Boys et leur territoire de la bombance de torse, l'Athénée de Kalina ou de la Gombe. Pendant longtemps, le leadership de divertissement de la jeunesse venait de ce terrain là et de ses branches satellites que sont Ma Campagne, Binza, Limete, Righini et Gombe.
En fait, les premières lignes mélodiques de Zaiko, quoi qu'apparenté à Los Nickelos, sont des véritables coup de pong asséné à l'orchestre Thu Zaina, des quolibets harmoniques et harassantes contre les orchestres des Congolais de Belgique comme Yéyé National et le Los Nickelos cité ci-haut. La guitare de Manuaku s'articule dès le début de la sortie de Zaiko devant public comme des roquettes préparant un coup d'État contre l'OK Jazz et l'Afriza, c'était des audaces d'une cérativité musicale, lesquelles à coup sûr furent l'alphabet d'une nouvelle écriture musicale. Les plus inquiets de cette évolution musicale émotivement accaparante étaient Franco et Rochereau, ces monuments de la musique ne parvenaient plus à vendre leurs disques. Rochereau va s'empresser à devenir le parrain de Zaiko, pendant ce temps, Franco ira démolir par l'astuce l'orchestre Continental de Maître Taurreau, chez qui il soustraira Kiambukuta Josky, Muinka et Uta Mayi, alors nommé Blaise Pascau.
Ces jeunes mythiques qui deviendront pléthore au fil du temps, ce ne sont pas le nombre de tous les chanteurs que le Zaiko Langa Langa projette chantant aux micros aux Télé-Show et dans les bars, ce sont d'abord ces visages pionniers de Bel Guide que le College des Fondateurs avait réunis pour créer un orchestre. Ceux-ci ont pour noms :
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Nyoka Longo Jerssy Jossart dit Yha Nyoch ;
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Shungu Wembadio, alias Papa Wemba ;
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Manuaku Waku, le virtuose guitariste, alias Pépé Felly.
Feux DV Moanda, Henri Mongombe, André Bita, Dela Marcellin ne s'étaient pas trompés de rapporcher ces trois personnages avec un but précis, celui d'inventer avec eux une réalité qui tient du savoir-faire des jeunes par les jeunes eux-mêmes. Manuaku Waku, Shungu Wembadio, Nyoka Longo Jerssy Jossart entraient dans un domaine qui n'avait des grands que la plupart des artistes issus de la lignée de leurs pères, donc les anciens du Congo-Belge. Les fondateurs historiques de Zaiko on su porter leur main sur des êtres particuliers que le temps avait élu pour ouvrir les écluses d'une nouvelle musique appelé à porter le prestige de la RDC et du Zaire aux confins de la planète et dans le choeur chantant de l'univers aux côtés des bruits des astres. Personne, même Rochereau Pascal, Seigneur Tabu Ley, ne peut mettre en doute la surprise que firent les nouveautés initiales de Zaiko. Les chansons Mosinzo, La tout neige, Francine Keller, Marceline, Consolation et autres ont dérouté tout le monde et pulverisé les records de vente du disque et des invitation adressés à un orchestres dans une capitale qui en comptait à l'époque plus de 2000 sur place. Non seulement, ce succès est une bonne affaire dans le chiffre d'affaire, mais il s'accompagne avec une puissance chorégraphique qui déblaie les danses existentes. Le N'Gouabin fait mouche ...
Dans les dancings et les bars de la ville, le Thu Zaina jette subtilement l'éponge et ne pouvait plus prétendre détenir le monopole de la mobilisation des mélomanes qui ne sont plus tellement jeune-jeune, mais aussi jeune-adulte dans la trentaine, c'est-à-dire ceux des amis des Kulutu du quartier comme Dénewade et Verckys qui regardait ce spectacle avec l'oeil d'un producteur de musique avisé. Thu Zaina aura regné duex années, de 1967-1969, sans partage sur Kin-La-Belle chez les jeunes, mais la donne, avec Zaiko, vient de changer. Sans porter atteinte à la taille des aînés régnant, les musiciens de Zaiko Langa-Langa, avec Yha Nyoch, Manuaku et Papa Wemba, finissent par déstabiliser effectivement le Thu Zaina, cela jusqu'à le contraindre à envisager des concert jumelés, sinon une bonne partie des recettes à l'entrée ne connaîtrait que l'adresse des communes vers lesquelles Zaiko se rend. Il était impérieux pour le Thu Zaina d'accepter ce marché pour ne pas se voir ravir les communes de la Gombe, de N'Galiema, de Limete et les Écoles des filles comme « Notre Dame de la Providence ou se tenait les Fancy fair annule de Kinshasa, le Lycée du Sacré-Coeur et le Lycée de l'Amitié suédoise ». Ces lieux étaient des points d'ancrage de prédilection des musiciens.
Il n'est pas important de tenter de se mentir sur l'importance de cet enjeu, les orchestres des jeunes dans les années '70 étaient également des pistes sans danger pour draguer les filles. Ceci dit, l'histoire de Zaiko continue son bonhomme de chemin. C'était une chose impossible de penser que le Thu Zaina pouvait être écorché par une flèche d'une provenance non-éprouvée dans la bataille des fanions de célébrité de musique, surtout pas par le groupe à peine sortie de l'atelier de la Schola Cantorum de la Commune de Kasa-Vubu entre l'Avenue Victoire et la Rue Eyala, coin d'attache des hommes comme Kiamuangana Mateta Wa Zola Nzimbu. Pourtant, Zaiko a étonné, les Éditions VÉVÉ ont reconnu la puissance de l'artillerie sonore des jeunes de son quartier et le Stukas qui faisait mouche au quartier Immo-Congo s'avisait de barrer la route aux Papa Wemba, Manuaku, Yha Nyoch. Ces jeunes, devenus premiers, ont arraché sans grand effort l'oriflamme du succès monopolaire des jeunes de l'Athénée de la Gombe. La légnede de grandeur a changé de camp et l'allégeance des mélomanes a permuté ses attaches de fidélité à la cité du plein Kinshasa.
Désormais, c'est vers Matonge et kasa-Vubu que la masse des jeunes mélomanes va affluer. Ce KO inattendu infligé à l'Establishment au divertissement de la progéniture bourgeoise de Kinshasa est tellement cinglant que l'on verra le retournement de la tendance des moeurs entre les nantis et les citadins de tous les jours. Ce fut une bonne revanche du Kinshasa populaire, celui-ci a repris le leadership qu'il exerçait au temps de Loningisa. Tout le monde était dans les années cinquante dans le même moule, la cité. Mais à l'indépendance, l'ordre social avait changé, les Congolais d'un certain échiquier institutionnelle et professionnel se détachèrent de la catégorie de monsieur tout le monde. Il va falloir attendre le phénomène Zaiko pour revoir le Congo d'en-haut rédécouvrir la plate-forme de sa société civile. Mbuta Mashakado, par un exemple, un fils à papa, de l'industriel, Monsieur Nzolantima, ne pouvait pas vivre son univers à Binza sans Zaiko, car la richesse n'avait pas toutes les facettes de réponses à ses tendances de jeunesse. Après les concerts, Mbuta Mashakado finissait ses soirées à Bandal, rue à Timansi no 19, avec Macky Mulumba, aux États-Unis aujourd'hui, Nzuzi Jean-Marie dit Popyno du Salon, aujourd'hui acteur de cinéma au Bénin et Castro Issa, resté à Kinshasa.
Dorénavant, il n'en faudra pas plus pour que le clan Langa Langa devienne le Palace des dieux grecs de Zaiko, leur vedettariat va drainer un monde fou de toutes les provinces du Congo pour se donner rendez-vous à Matonge en vue de s'y amuser. Les Belgicains, avec le Zaiko, on cessé d'être le pôle d'attraction des curiosités populaires et le snobisme de certains d'entre-eux démissionna son orgueil aux gens de la cité. Les architectes de la légende montante de Zaiko, ceux qui ont démoli les murs des Jéricho de la RDC ne sont autres que Manuaku Waku, Papa Wemba et Yha Nyoch. Ce trio est la racine principale de Zaiko Langa-langa que d'aucuns nomeront les nominés du Panthéon avant l'apothéose. Il n'empêche qu'à côté de ceux-ci montent des jeunes loups : Evoloko, Gina Efonge, le géant Mavuela Siméon et Bimi Ombale qui passe de la batterie à l'attaque chant.
III. À la recherche d'un style Zaiko
Le principe des variations chromatiques et l'étendue des gammes du registre musical de Zaiko Langa-Langa est sans conteste le doigté de Félix Manuaku, c'est cela la force de légende de cet orchestre. On ne cessera jamais de le rappeler, car le Zaiko des origines sans Pépé Felly, sinon cet orchestre aurait été comme tous les autres. Ce guitariste, qui à la fin de chaque concert jouait ses partitions en fusion d'harmonie, racontait avec cette grappe des notes tout le répertoire de ses inséparables compagnons, Nyoka Longo, Papa Wemba, Mavuela Somo, Bimi Ombale, Gina Efonge, Benz Bozi Boziana, Mbuta Mashakado et la liste est longue. Ce travail anthologique de récapitulation des opus résulte d'une profonde connaissance du rythme de l'esprit des collègues musiciens. Manuaku Waku, comme soliste avait une tâche très lourde à assumer, il s'est forgé, au contact de Jossart et de Papa Wemba une oreille absolue pour être capable d'exécuter les difficultés des compositions qui allaient lui être soumis à l'arrangement.
Ce que devait faire Pépé Felly, en tant que soliste, au début de Zaiko Langa-Langa était déjà perçu par tout l'orchestre et le Collège des Fondateurs comme une exigence d'extrême urgence. Ceux-ci, à cause d'une énorme attente dévolu aux musiciens qui faisaient face au terreau prolifique de la concurrence des orchestres de la place, ont obligé Manuaku de rendre clair au plus vite le style des productions Langa Langa. En d'autres mots, il s'agissait de cogiter intellectuellement et musicalement avec le peu de ressources qu'avait l'orchestre pour inventer une façon de s'affirmer dans une planète des mélomanes kinois Congolais radicaux en ce qui concerne la beauté et l'esthétique de la musique. En clair, le devoir donné à Pépé Felly pour domestiquer les subtilités vibratoires de l'accoustique de la rumba et de ses auxiliarités rythmiques fut de solliciter à son intelligence les astuces de piéger le son quelle soit la chanson proposée. Le Zaiko n'a pas lésiné à mettre des moyens pour ce faire, on a vu à côté des Pépé Felly des solistes et des guitaristes de diverses écoles de la Rumba, dont Ladji et Gégé Mangaya, mais surtout son père Papa Manuaku Senior et son grand père d'Oliveira, un ancien musicien de Léopoldville des Éditions Ngoma.
Au fil du temps, qui n'en était pas un vraiment, car l'orchestre Zaiko s'est construit complètement en quelques semestres, l'embauche et l'intégration effectives d'Evoloko Antoine apporta une teinte et une naunce que l'attaque chant avait besoin. L'immersion d'Atshuamo dans Zaiko était un défi lancé à la cohabitation des mentalités musicales et aux perceptions amicales des altérités mis ensemble par la force agissante d'un idéal. Evoloko est une phénomène de turbulence, il ne s'agit pas faire allusion à son comportement, mais à la saisi des mélodies qu'il soumet au répertoire, ses chants sont un casse-tête. Cet Athénard coiffé d'un « re » à la Lumumba et à la démarche qui parle comme un mannequin déjà connu du milieu des vedettes congolaises ne fut pas un cadeau pour les guitaristes. Evoloko était brillant à l'école et de bonne foi, au sortir des classes, il aidait les enfants pour entrer dans les bus stationnés sur l'autodromme de l'Athénée. Et quand il se rendait vers le fleuve du côté de l'Hôtel Intercontinental, son altruisme le poussait à se placer au milieu de l'Avenue en face des résidences des Ambassadeurs du Canada et d'Espagne pour permettre aux enfants de traverser la route sans danger.
Ce portrait de coeur vaillant ne lui suffisait pas, les études sans la musique ne semblait plus intéresser Evoloko, le Zaiko fut pour lui une famille dont rien au monde ne pouvait les séparer. Nyoka Longo, Papa Wemba et Pépé Felly étaient ses modèles car ceux-ci chantaient comme les Belgicains. À l'époque de ma jeunesse, en ces années '60 finissant et basculant dans les septante, cette référence est un « Oscar » n'en déplaise. Nyoka et Wemba étaient Belgicains avant que l'être. Hélas, ce ne fut point facile pour Evoloko de composer comme un Belgicain, sa liberté et sans doute l'influence inconsciente de ses origines mongos l'aspiraient vers une liberté dans la création artistique. Au demeurant, pour son inspiration, il allait rencontrer ses dieux des muses au Parc d'à côté du Palais de la Nation en face de la résidence de feu, le Premier Ministre, Patrice Lumumba, que le paragraphe précédent évoque dans la coiffure d'Atshuamo. En vérité, c'est là qu'était véritablement le CO 3. Attention, ceci n'est pas à confondre avec un ion de carbonate qui entre en chimie dans la configuration des molécules comme Ag2CO3, BaCO3, MnCO3 qui sont tous des carbonates d'argent, de baryum et de manganèse.
Le CO3 est l'extension de l'Athénée de la Gombe quand les étudiants se donnent congé par eux-mêms, c'est en fait l'École buissonnière officielle des élèves. Par elle, plusieurs générations des aînés sont passées. Plus d'un élève de cette prestigieuse école l'a fréquenté, c'est aussi un lieu des rendez-vous avec des filles. Zatho Kinzonzi, peut-être Tony Dee, Robot, Bony Tshimpaka des Iss Boys, Roxy Tshimpaka, Kelly et Denis Bonyeme ont tous connu cette idyllique jardin de « litoi ». Cette parenthèse vaut son pesant d'être évoquée, car c'est par ce détail que l'on va commencer à voir des différences et constater finalement que Nyoka Longo et Jules Presley Shungu ne viennent pas de la même école de musique avec Antoine Evoloko. Pour Nyoka Longo, le modèle parfait du chant, c'est Idi Mane alias Max Mongali de Bruxelles dans Los Nickelos et Papa Wemba, c'est le Rochereau des African Jazz et Fiesta qui l'a façonné musicalement. Les deux artistes ci-après, Jossart et Jules, sont des fidèles compositeurs inscrits sur les sillons compositionnelles de l'École de la Musique Congolaise Moderne.
Pour prouver cette affirmation, il ne faut pas chercher à faire toute une rhétorique, sinon on se perd dans les dédales de détails que la réalité exhibe sans difficulté à l'oeil nu. Gégé Mangaya, DV Moanda, Marcellin et autres figures de proue de Bel Guide l'auront constaté avant qu'Evoloko lui-même ne s'en aperçoive. À son test d'admission dans Zaiko Langa Langa, Anto Lay Lay a chanté les morceaux qui lui avait été demandés d'exécuter, mais sa façon de les rendre aux auditeurs avait secoué de surprise plus d'un. En effet, ce dernier ne chantait pas faux, mais il avait un accent particulier et une manière spéciale à lui de s'exprimer face au public. Or, il n'en fut pas de même pour Papa Wemba quand il était invité à rejoindre l'orchestre Bel Guide. Le chant Kelya sorti de sa bouche était tout un oratorio qui combinait le Grand Kallé et Rochereau Pascal en même temps. En 1984, lorsque Papa Wemba sera engagé dans l'Afriza, la première chanson qu'il enregistrera à côté de Tabu Ley, c'est effectivement Kelya. Il y a tout lieu de spéculer que c'est cette oeuvre-là qui est la clé de la serrure de sa vocation musicale.
Ce profil d'artiste qui brosse la particularité des interprètations du chant par Evoloko est à inscrire dans l'histoire de Zaiko comme un renseignement qui interviendra pour éclairer la suite des commentaires sur sa personne. Désormais, la différence des textes et des compositions de ce dernier ne sera plus compris avec une complexité floue, ce paragraphe est allé à la source de la vie d'artiste d'Evoloko pour rapporter ce qui doit être signalé à l'opinion afin que d'aucuns comprennent que le style de Atshuamo est une expression qui remonte à ses débuts en musique. Mais tout n'est pas que distance créatrice dans ce qu'Evoloko apporte à la collectivité Langa-Langa, la base organographique de l'orchestre Zaiko dans son ensemble est standardisé dans un moule d'une même origine, c'est l'African Jazz avec en complément, les contributions majeures de l'OK Jazz.
Le Los Nickelos voire le Yéyé National s'inspiraient tous de Joseph Kabaselle et de Rochereau au chant et leur jeu de guitare était un style transpirant les vibratos du Dr Nico. Au cours de leurs vacances à Kinshasa, Max Mongali et Zatho choisissait Rochereau et l'African Fiesta national pour vivre la suite de leurs vie de musicien à domicile. Dans cet orchestre, il y avait aussi un ancien de Los Nickelos, Kasanda René, alias Karé. Les titres produits avec Rochereau en 1966 sont :
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Avanze tala ndenge ekoki na bo moto mama ;
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Matinda, Matinda ne ngai namoni lelo liwa na ngai ekoki, etc.
Ces nouveautés de l'époque, des Belgicains Max Mongali et Zatho Kinzonzi, devrait-t-on croire, sont sorties avec la serie de « Yo lelo ozali koseka ngai mpo nazali ndumba sepela ndeko » de Rochereau, dans l'African Fiesta national, aux Éditions Flash, au début de 1967. Nyoka Longo et Jules Wembadio sont en fait des férus de ce genre de rumba et de son style, somme toute romantique et plein d'abandon dans l'étalage d'émotivité amoureuse. Les pistes initiales de Zaiko sont bel et bien dans les plates-bandes de l'École de Grand Kallé. Préoccupés par le souci de porter Zaiko dans l'arène de l'Anthologie et de l'actualité de la Musique Congolaise Moderne avec sa propre facture sonore et son propre style après s'être frotté aux sonorités des modèles perçus comme repère, le Collège des Fondateurs exigea des chanteurs et du soliste une seule alternative. Certes, c'est l'African Jazz qui coiffe la méthodologie, mais la production en public de Zaiko devait être apparenté à Los Nickelos et cela s'illustra par ces tubes :
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La tout neige ;
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Mosinzo ;
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Chouchouna, plus tard, etc.
Ce choix de style est délibérement une option obligatoire. Nyoka Longo, Shungu Wembadio, Manuaku Waku et tous les autres musiciens n'ont pas d'autres alternatives que d'obéir aux volontés de leurs mentors. En fait, cette orientation de se produire à la Belgicaine fut un ordre impératif pour démarquer le Zaiko de l'influence de Thu Zaina qui évoluait avec le rythme de l'OK Jazz et du Negro Succès. Roxy Tshimpaka, le soliste de cet orchestre était déjà un as de la guitare de loin supérieur à plusieurs jeunes assumant le même rôle que lui. Donc, voir Zaiko aller sur cette piste, c'était suicidaire pour tout l'orchestre. D'ailleurs, il n'y avait aucune autre stratégie pour dérouter le Thu Zaina et le Stukas de Gaby Lita, c'est-à-dire Lita Bembo que par l'ignorance de leur leadership et de leurs factures musicales.
Lita Bembo, là-dessus, en fera les frais à sa propre méprise jusqu'au jour ou la réalité lui paraîtra dans toute sa verdeur non-équivoque. Après s'être imposé avec la chanson « Souci », il va traverser un grand désert au hit-parade congolais. Heureusement, le soliste Samunga, dans la chanson « Ekonda Sccadé et Kuepe kuepe kuepe mama e » va dégager le Stukas Boys, près de sept années plus tard, soit de 1967-1974. L'orchestre Stukas s'est rattrapé sur le marché du disque avec l'envolée fulgurante de Zaiko à partir de 1973 plus ou moins. Cette date sorti Lita Bembo des sentiers battus de la Musique Congolais Moderne. Tout à tour, viendront Bongo Wende et Huit Kilo vont apporter leur savoir-faire pour faire de l'orchestre Stukas un dangereux rival de Zaiko Langa-Langa.
IV. Evoloko : paradoxe et synérgie de Zaiko
Autrement dit, pour générer son propre style musical, Zaiko Langa Langa aura dû faire un bouillon des sonorités en vogue et des caractères interpersonnels pour inventer sa facture acoustique et sa propre sinuosité méloco-rythmique. Ce fut une guerre des réflexes et des émotions du bel canto évoluant au micro que sont d'une part ces figures de de proue Nyoka Longo et Jules Presley et d'autres part Evoloko talonné par Gina wa Gina Efonge. Le paradoxe d'Evoloko dans Zaiko est à ce carrefour là. Ce musicien de Yolo a longtemps écouter les musiques folkloriques joué chez « Maître Torreau » et il lui était vraiment difficile avec le bagage des rythmes entendus d'être aligné aussi facilement sur la ligne mélodique des Belgicains. Evoloko, libéré de toute contrainte au chant est un non-aligné parmi ses pairs, il va chanter avec l'âme d'un chant proche des Zebola, de Londole et des Batetela de son quartier. Le creuset des créations musicales d'Evoloko sont plus « Anamongo » que la Rumba Odemba originale.
Les premières chansons qu'Evoloko met sur le marché avec Zaiko sont teintées d'un fond sonore marié aux orchestrations des cadences traditionnelles, c'est l'instrument nommé « Mondo » qui signe l'essentiel des pas de danse. Certes, celui-ci ne se démarque pas complètement de la structure classique de la Musique Congolaise Moderne, il se garde les balises d'une envolée libre quand le moment pour ce faire sera propice. Et ce faisant, Evoloko joue à deux tableaux, l'un être tout à fait ce qu'il veut être et de l'autre ne pas se soustraire des tendances citadines, car il a horreur d'être vu comme un « Mbokatier », c'est-à-dire villageois. Toutefois, le son du mondo dans Zaiko est une annonce avant l'heure de la perspective d'une défection future, celle qui va frapper le Zaiko Langa-Langa en plein front. L'aurore précurseur de l'orchestre « Isifi Lokole » est pressenti par son âme avec l'introduction de l'instrument connu en lingala du nom mondo mondo.
Le paradoxe d'Evoloko, dans Zaiko Langa-Langa, c'est sa défiance dans la construction mélodique de ses chansons par rapport à l'école domonante de la MCM. Anto Atshuamo Lay Lay est un musicien hyperactif, indépendant et indomptable. À sortie des chansons Eluzam et Mbeya Mbeya, le chanteur Evoloko que l'on voit à l'écran de la télévision à la « Cité de la Voix du Zaire » n'est pas un acteur accoutré comme les Kinois aux différents Kin Kiese, mais c'est un homme habillé comme un chef coutumier, du terme « Bokulaka » en kimongo. Celui-ci tient allègrement dans sa main un « Tomahwak », une sorte de hâche de guerre des Amérindiens, il danse et fait des culbutes sur le plateau de l'OZRT.
En peu de temps, en 1973, lors d'une apparition musico-scénique dans une émission des variétés à la télévision zairoise, avec la chanson Eluzam, Evoloko est propulsé comme un feu d'artifice et se hisse sans contre-partie au niveau du rang des grandes vedettes à l'instar de Nyoka Longo, Papa Wemba et Pépé Felly. Autour de ce chanteur, désormais les éditeurs du disque commencent à végéter parmi lesquels on peut citer « Parions Mondenge et VÉVÉ ». Cette attention sort Evoloko de ses gongs, sa personnalité devient insaisissable et il ne tarde pas de se brouiller de temps en temps avec ses collègues de l'attaque chant. Parions Mondenge lui a offert une voiture VW Passat en contre-partie d'un contrat de disque signé avec lui. Il semble que son ego, ne lui permet plus d'appréhender les subtilités du succès, Evoloko passe pour le centre radial de Zaiko. Et comme il ne prend pas la mesure de l'impact de sa posture désinvolte sur les autres musiciens dans l'effervescence de Mbeya Mbeya et Eluzam, Evoloko se déconnete subtilement et délibérement des affinités des autres membres de l'orchestre, la plupart d'entre ceux-ci n'apprécient pas la solitude de la gestion de sa renommée musicale grandissante.
Effectivement, ce succès commence à faire ombrage à la personnalité de certains de ses collègues, non pas parce que ceux-ci sont jaloux de lui mais à cause de son autonomie qui ne s'associe plus aux conditions étroitement liés à la vie à l'orchestre Zaiko Langa-Langa. Dès ce moment là, deux Zaiko commencent à se profiler à l'horizon avec les conséquences que l'on sait, une crise intestine secoue le clan Langa Langa. Cette tension inquiète, des camps diamétralement opposé se forment dans l'orchestre Zaiko. Peu après, soit, en 1975, Evoloko Antoine, Shungu Wembadio, Mavuela Somo s'en vont créer l'orchestre Isifi Lokole. Pendant ce temps, Gina Wa Gina ne peut plus retrouver sa place dans Zaiko ni chez les partant, il est malade et ne peut donc pas être de ces vedettes montantes que la Musique Congolaise Moderne a enfanté avec le phénomène Zaiko Langa-Langa. Toutefois, faut-il le souligner, avant que tous ces remue-ménage n'adviennent, Anto Nickel Evoloko Lay Lay Atshuamo était pendant un moment, au plus fort du succès de Zaiko, un des foyers ardent d'animation qui ont apporté son lot de prestige et de légende.
Evoloko, à cette époque d'avant sa défection du groupe, aura été une synergie, c'est-à-dire un effet positif de complémentarité au mouvement de l'ensemble de l'orchestre Zaiko. Face au Thu Zaina, il n'avait pas à faire patte blanche car lui et les musiciens de cet ensemble étaient des élèves de l'Athénée de Kalina. En d'autres mots, il n'était pas là pour obnubiler ceux qu'ils considère comme ses semblables en même temps comme rival. Par lui, plusieurs athéniens, comme « Feu Bakumba », se sont joint au Zaiko plutôt qu'aux orchestres prestigieux de l'enceinte de l'ancienne Athénée Royale, sa prestation dans Zaiko aura été vu par certains fanatiques comme une trahison. Mais, le plus grand travail de construction de Zaiko Langa-Langa est la force conjugué du genie de Manuaku Waku, Nyoka Longo et Papa Wemba, ce sont ces noms là vers lesquels va le plus lourd de l'hommage à devoir à cet orchestre. Dans l'ombre, il y a Gégé Mangaya, car c'est un Thu Zainard des premières heures qui a préféré Zaiko. C'est aussi le travail sans relache de DV Moanda qui mettait tous ses ressources financières pour promouvoir le Zaiko Langa-Langa.