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Publié par Messager

 

II. L’approche du problème

1) L’hypothèse retenue

Travaillant auprès de personnes infectées par le V.I.H., nous côtoyons donc quotidiennement des homosexuels ayant des comportements de relapse ou de barebacking. Le but de la recherche-action n’est donc pas d’essayer de cibler uniquement les barebackers, mais de faire de la prévention secondaire auprès de l’ensemble de la population homosexuelle séropositive du service.

En faisant un parallèle avec la consultation d’observance existant déjà dans le service, nous avons proposé de mettre en place des actions de « prévenance » centrées sur les risques encourus par la personne séropositive au niveau de sa sexualité, thème rarement abordé à l’Hôpital. Le terme « prévenance » a été créé en comparaison à celui d’observance. L’hypothèse est qu’une personne qui se livre au barebacking se préoccupe plus de sa santé que de celle de ses partenaires et éventuellement des conséquences judiciaires de ses actes.

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L’hypothèse de travail est que l’acquisition de connaissances sur les risques médicaux, mais aussi pénaux encourus lors de rapports non protégés permettra aux patients de prendre conscience d’avoir parfois des comportements à risque et de s’interroger sur leur gestion des risques.

2) Le cadre théorique.

En ce qui concerne le barebacking, la communauté scientifique en est actuellement à la description du phénomène, à la mesure de son ampleur dans la communauté homosexuelle et à l’étude de ses vecteurs de propagation, particulièrement Internet aux Etats-Unis.

Aucune équipe hospitalière n’a publié un travail d’éducation thérapeutique dans ce domaine, ni d’action plus générale de prévention secondaire. Traditionnellement, en France, la prévention relève plus du milieu associatif ou de l’Etat.

L’I.N.P.E.S. en association avec d’autres organismes a par ailleurs lancé une campagne de cartes postales destinées à la population homosexuelle sur le thème « Rumeurs » (Ne vous laissez pas infecter par les idées reçues, ne vous laissez pas contaminer par les conneries, par exemple). Cette campagne, qui utilise le support de romans photos, est destinée à des personnes séronégatives mais elle apporte des informations sur des zones de risques incertains.

La prévention secondaire à l’hôpital se fait principalement lors des premières consultations après l’annonce de la séropositivité et consiste surtout à rassurer les patients sur l’absence de risque de transmission dans la vie courante. Pour certaines personnes, des aspects de prévention concernant les zones de risque incertains sont abordés car ils ne comprennent pas les circonstances de leur contamination. D’autres veulent des précisions pour ne pas faire prendre de risque à leur compagnon habituel.

Nous avons donc lancé un travail original pour une équipe hospitalière, faisant appel à l’éducation thérapeutique. Ce travail a été intégré dans les soins habituels, médicaux, infirmiers et psychologiques.

Le travail en groupe n’est pas possible dans les pays latins en ce qui concerne les problématiques concernant la sexualité et le V.I.H. Des groupes ont fonctionné aux Etats-Unis et dans les pays européens de culture anglo-saxonne et protestante. Mais, dans les pays latins catholiques, les différentes expériences tentées depuis 20 ans se sont toujours soldées par des échecs : les groupes de parole mis en place à Lyon par exemple n’ont jamais fonctionné correctement, malgré plusieurs tentatives répétées dans le temps.

Dans notre société, la sexualité relève de la sphère privée et le concept de honte liée à la contamination est très prégnant et a bien été étudié par notre équipe (34).

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Nous avons donc décidé de travailler avec des dispositifs individualisés, sous la forme de sessions de « prévenance ».

Les dispositifs individualisés permettent une personnalisation de la séance d’éducation thérapeutique et de mieux cerner les besoins spécifiques du patient. Dans le cadre de la sexualité, il permet d’aborder le vécu du patient. Cependant, par rapport au groupe, il n’existe pas de dynamique collective et il y a un risque d’enseignement peu structuré. Le temps nécessaire à ce type d’intervention est important et il y a un risque d’incompatibilité avec un patient « difficile » (35).

Pour Stéphane Jacquemet, le groupe peut également avoir un effet « réduit », cependant quand on associe du travail en individuel, on va augmenter l’efficacité ; le travail en réseau ayant beaucoup d’importance par ailleurs. (36).

Sandra Wilson quant à elle a montré que les approches individuelles ou en groupe pouvaient avoir un impact bénéfique pour le patient asthmatique. Le choix va dépendre de ce qui est le plus justifié en terme de compréhension du comportement humain et du changement attendu. Pour elle, les comparaisons expérimentales d’approche sont par essence des comparaisons de programmes particuliers dans des populations particulières et dans des circonstances particulières. (37).

Lors de la consultation initiale, une étude de cas (le patient de New York) permet au patient de se décentrer de lui-même et d’explorer ses besoins ainsi que les croyances et représentations pouvant faire obstacle à la prévention secondaire.

Nous faisons un diagnostic éducatif à ce moment là.

Cette consultation permet également de sensibiliser le patient et de lui faire prendre conscience de ses besoins. Nous sommes alors dans l’éducation thérapeutique.

Les différentes sessions réalisées ensuite débutent également par l’étude de cas. Elles permettent de renforcer la motivation et de faciliter l’acquisition de compétences.

Enfin, une échelle d’estime de soi est remplie par le patient avec la psychologue.

Ce travail a pour but d’obtenir un déplacement dans les croyances et les représentations de santé, une meilleure gestion de la vie du patient l’amenant à changer certains de ses comportements, à renforcer son estime de soi ainsi que l’adaptation, l’anticipation vis-à-vis d’une situation à risque.

3) Objectif principal et objectifs secondaires

a) L’objectif principal est la mise en place d’actions de prévention secondaire du V.I.H. (« prévenance ») auprès des personnes

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homosexuelles séropositives suivies dans le service afin de leur faire prendre conscience des risques médicaux et pénaux encourus lors de rapports non protégés.

b) Les objectifs secondaires sont :

α) les patients auront acquis des connaissances sur :

 

𐂾 la liberté et la responsabilité,

La pénalisation de la transmission du V.I.H. existe maintenant en France (38) (39).

 

𐂾 les zones de risque incertain au niveau de la transmission :

la fellation, le « dipping » (40), la dissociation entre la charge virale plasmatique et séminale (30).

 

𐂾 les risques médicaux :

risques de la sur-contamination :

 

• étude sur la sur-contamination et la transmission de résistances (41,42),

 

• le patient de New York (26)

Les autres IST :

 

• la L.G.V., la gonorrhée rectale,

 

• la syphilis,

 

• l’infection à V.H.C. de génotype 4 (43)

β) les patients sauront repérer les situations à risque dans lesquels ils risquent de se trouver soit de leur état psychologique, soit de l’utilisation de drogues lors du clubbing (Cocaïne, Kétamine, Ecstasy, GHB, Crystal, Poppers par exemple).

γ) les patients auront un comportement responsable de la gestion des situations à risque :

-utiliser systématiquement un préservatif ou différer un rapport sexuel pour pouvoir s’en procurer

-pouvoir dire sa séropositivité après un rapport non protégé ou une rupture de préservatif

-pouvoir prévenir ses anciens partenaires sexuels après le diagnostic d’une I.S.T.

Le statut de victime doit être reconnu à la personne et un travail sur l’estime de soi peut être envisagé avec les psychologues du service.

δ) L’équipe doit acquérir des compétences : les médecins consultants, les psychologues, les infirmières doivent être en mesure d’accompagner le patient dans cette prise de conscience.

-Les médecins doivent être sensibilisés, formés, et la prise en charge doit être organisée dans le cadre de la venue des patients en hôpital de jour et en consultation.

 

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-Les psychologues doivent savoir utiliser les échelles d’autoévaluation de l’estime de soi et pouvoir prendre en charge des patients dont l’estime de soi est basse.

-Les infirmières doivent s’approprier les outils élaborés afin de réaliser les séances d’éducation thérapeutique, dégager du temps pour ces séances au cours de matinée chargées, remplir les fiches de recueil de données de manière homogène afin de pouvoir réaliser l’évaluation.

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