Une de nos plus belles voix (2): Paul Mwanga
Le recensement débuté hier par la voix angélique des "Bankolo Miziki", Lucie Eyenga Moseka se poursuit aujourd'hui avec la voix tornitruante de Paul
Mwanga, à travers la chanson intitulée " Mwanga sonika nkanda".
Mwanga sonika nkanda
Après avoir écouté "Mwanga sonika nkanda" découvrons à présent "Jimmy na Mwanga" à travers le dictionnaire de Jean-Pierre François Nimy Nzonga.
Paul Muniania mieux connu sous le nom de Paul Mwanga est un ne-Kongo (Zombo), sujet angolais et grand ami du guitariste centrafricain
Elenga Zacharie dit Jimmy. Possédant un grand souffle créateur, Paul Mwanga auteur de l'oeuvre célèbre "Mwanga sonika nkanda", chante tantôt avec Wendo Kolosoy, tantôt avec Maître Taureau et se
forge, entre 1944 et 1950, une flatteuse réputation au sein des éditions "Olympia".
En 1950, l'artiste se fait engager, grâce à l'entregent de Jimmy, chez Opika de Moussa Bénathar. D'emblée, il annonce ses couleurs en composant "Mabanzo na ngai Henriette" qu'il chante
superbement et qui récolte un succès foudroyant. Poursuivant sur sa lancée, il signe des titres tels "Mwana Mwasi" et "Mawa boni" et récolte un succès fulgurant aux côtés de Jimmy de
l'Hawaïenne.
A la failite de Opika, survenue en 1957, Paul Mwanga entre dans la maison Ngoma et se distingue par des oeuvres composées en langue kikongo. Membre du groupe Jazz Venus, l'artiste évolue dans
la formation Jazz Mango, monté par Nikis Cavadias, responsable des éditions Ngoma. Cette dernière maison compte de nombreux ensembles dont le groupe Vivienne Mambo. Celui-ci s'illustre, entre
1959 et 1960, dans l'éxécution de nombreux titres à succès dont l'inoubliable "Cha cha cha, la Viviane, el rithmo negro africana..." avec des artistes de la trempe de Phil Philo, Mario et
Odoma. Mais cela est une autre histoire !
Chanteur haut en couleur et qui s'illustre de temps en temps par des oeuvres pleines de sarcasmes, Paul Mwanga compose en 1960 dans la maison Ngoma sa célèbre chanson "Mwana nkento bebele" qui
récolte, une fois encore, un grand succès.
Depuis cette époque, l'artiste n'a plus fait parler de lui.
Né d'un père centrafricain et d'une mère congolaise (Congo-Brazzaville), Elenga Zacharie est un ancien séminariste. Homme cultivé et d'un tempérament bouillant, il dispose en outre d'une
connaissance diversifiée dans le domaine musicale.
L'artiste, en provenance de Brazzaville, débarque à Léopoldville. En 1950, il travaille en qualité de sténo-dactylo, à la société Solbena, un atelier de confection de chemises appartenant aux
deux frères Gabriel et Moussa Bénathar. Les frères Bénathar, bien connus dans le milieu des affaires de Léopoldville, possèdent des magasins dans toute l'étendue du Congo Belge. En cette même
année 1950, comme pour concurrencer la maison Ngoma, monopoleur dans le domaine de l'édition musicale, Moussa Bénathar crée à léopoldville un studio d'enregistrement de disques. Le nom initial
de la firme KINA est transfromé en un label éloquant OPIKA. Opika laisse en effet sous-entendre en lingala la formule "opika pende" qui signifie "tiens-toi bien sur tes jambes" ou bein "fais
gaffe car j'arrive"... Il s'agit là d'un défi à peine voilé qu'il lance à la maison Ngoma. Celle-ci doit dorénavant compter avec la présence d'une rivale, farouchement résolue à lui tenir la
dragée haute. Elenga Zacharie, guitariste habile et bien connu de Moussa Bénathar, s'y fait embaucher comme chef de studio et prend comme nom de scène le sobriquet Jimmy. L'artiste adopte ce
surnom en raison de l'admiration qu'il voue à un guitariste américain du même nom, joueur de la guitare hawaïenne.
Chez Opika, Jimmy emmène avec lui son copian Mwanga Paul, sujet angolais que Bénathar engage comme chanteur. D'un style saccadé, rutilant et fougueux, le jeu de Jimmy innove largement.
La première oeuvre de Jimmy dans la maison Opika s'intitule "Ondruwe", un fox trot enflammé avec au verso une savoureuse rumba de Paul Mwanga au titre de "Henriette".
Le guitariste qui se déplace à l'aide d'une puissante motocyclette de marque Northon, qualifiée de "Punda mabe", cheval indomptable, par lui-même ainsi que par ses congénères, est un feu follet
dans l'univers musical du Congo belge. Sa renommée est telle qu'il apparaît entre 1950 et 1952 comme une star.
En 1951, au mois d'avril, Jimmy entre en studio et enregistre quatre titres. Il s'agit de "Ya moninga", "Na kombo ya Jimmy, putulu emata", "Tokei Matadi" et "Bamo Beti" (Opika n° 431 et 432).
Pour ce faire, il donne à son groupe d'accompagnement le nom de Orchestre Cuban Jazz. S'accompagnant parfois des guitaristes Déchaud et Gobi, Jimmy engrange un succès fou, expliqué en grande
partie par l'apport de Joseph Kabasele au chant.
Lucie Eyenga, jeune valeur montante, se joint à ce redoutable panel d'artistes et en compagnie du même Kalléjef, les éditions Opika s'illuminent à travers des oeuvres telle "Nani mosenzi azali
kofinga Jimmy na mayele" et "Baninga, baninga, botika tembe, banga Jimmy de l'Hawaïenne".
Avec Paul Mwanga, l'artiste atteint le zénith avec "Maboko likolo" et "Malembe malembe". La musique de Jimmy, fougueuse, frénétique, puissante, impétueuse, entraînante, diserte, vient ébranler
les tempos tranquilles de la rumba d'antant. Toutefois, son influence ne déteint pas sur ses confrères lesquels, tout en épousant par moments, des contours emballants de sa façon de faire,
gardent, pour la plupart, la substance de leur style.
Disparu avec la montée en flèche de l'Orchestre African Jazz de Joseph Kabasele, Elenga Zacharie demeure un artiste unique en son genre.
Au bout du compte, le guitariste justifie pleinement toute la passion, la confiance ainsi que l'engagement que la maison Opika lui a consacré sur une période toute aussi riche en
inspiration.