L’ŒUF, L’EAU, LE SERPENT QUI MUE, Il était une fois le récit fondateur
Un essai lettéraire signé Lomomba Emongo
HOMMAGE MUDIMBE
Que n’ai-je trouvé mieux que paroles insipides
- pardonne m’en, ô travailleur du Verbe -
pour chanter la mémoire du jour à nul autre semblable
où naquit des entrailles bénies de ta sainte mère
La lumière de mon rêve en veilleuse, toi
Yves-Valentin Mudimbe !
À l’occasion du 82e anniversaire de naissance du Baobab qui tutoie le ciel à l’entrée du soir, et en signe d’hommage à la hauteur inégalée de ce géant né par là d’où le Fleuve-Serpent, Congo, jaillit des entrailles de la terre, cet extrait de sa préface à mon livre (voir image ci-dessous).
« Au-delà du roman et de l’essai habituel sur les cultures d’Afrique, ce récit. Il se voudrait unique. Et dans le sens ordinaire de cet adjectif, il est un témoignage unique. L’auteur s’est choisi une ligne rare, exposer un argument de par l’esprit d’un mythe fondateur, et sa légende.
De l’ordre de l’imaginaire, ce récit qui, dans la conclusion, invoque une référence inspiratrice, la région des grands lacs en Afrique Centrale, transcende séparations et cloisonnements géographiques. D’un lieu africain, il n’est point d’une localité précise. Il est une mémoire des lectures et du savoir de l’auteur. Des références aux travaux de Marcel Griaule sur les Dogons, et des recherches ethnographiques d’Emil Torday et Pierre Dominique Gaisseau ont été fondues dans une lancée où se croisent la reconstitution de l’épopée de Soundjata par Djibril Niane, et la réécriture d’une histoire sainte comme pastorale au Rwanda par Alexis Kagame.
Un horizon interculturel se donne de cette manière. Il est celui que s’est choisi l’auteur. Attentif à L’Histoire de l’Afrique noire d’un Joseph Ki-Zerbo, cet horizon est au propre transculturel et trans-temporel. En effet, il s’établit dans la mesure d’un pari, celui d’une mémoire. Celle-ci pourrait sembler polémique. Elle est pédagogique. L’Afrique y est une région. Au premier abord, l’affirmation va de soi, n’exigeant pas une démonstration. Hier, une histoire historienne faisait de l’Afrique un pays enfermé dans l’âge du mythe. L’horizon d’Il était une fois le récit fondateur réinvente cet espace dans trois procès. D’abord, et rebelle, le dit se désigne comme maturité. Ainsi, constitutif d’un code érudit, le signe de l’œuf y est une parabole centrale. L’essor de chaque moment à venir est relatif à ce commencement, à son impulsion. La conjonction d’un germe et d’une substance de la vie assume les privilèges de toute histoire dans le paradoxe fondamental que l’œuf représente. Ensuite, critique, le dit s’instruit comme arrêt dans le parcours d’autres signes. Interviennent ainsi deux autres figures. Le signe du cours d’eau qui est, si l’on veut, une allégorie. Son itinéraire exprime les aléas de tout périple et ses leçons. Et, enfin, nettement symbolique, le dit prend notamment en charge l’ambigüité du serpent. Au négatif de son aliénation dans les énoncés d’une culture, ce dit reconstruit le positif du serpent, l’agilité de son être et celle des qualités de son corps de par les fables à son sujet.
Ce livre de Monsieur Lomomba Emongo se voudrait parole sur la genèse. Une genèse possible, il va de soi. Sa constitution et sa signification peuvent se comparer à l’actualisation d’une langue, et une parmi beaucoup d’autres systèmes symboliques. Attentive aux contraintes conceptuelles qui l’autorisent et aux contextes africains dont elle se réclame, cette parole sur la genèse se définit dans une altérité, une nécessité à nulle autre pareille. Au même titre que tous les autres êtres — choses et pierres, arbres et animaux, corps et esprits —, elle est élan, et elle porte la vie dont témoigne le mythe d’origine. Même dans ses balbutiements, la plénitude du mythe nous l’invente encore, cette parole qui est de son corps, qui est de son âme. Qu’on essaie d’en décoder la trame, et celle-ci devient histoire. Celle de l’humanité.
Evidemment pareil vœu de lecture peut étonner toute rationalité, si on le décontextualise. Il est possible cependant de le circonscrire en mettant au clair des précautions pouvant qualifier sa crédibilité, et notamment l’expression de son point de vue, celui du lieu de cette parole, et la mesure de son intention. »
Yves-Valentin Mudimbe
(Lire la suite dans le livre, voir image ci-dessous)