Les Maquisards
Au mois de juillet 1969, l’orchestre Festival des Maquisards, le groupe qui avait tenu les mélomanes kinois en haleine et qui accompagnait le chanteur Mangwana et le guitariste Guvano disparaît. L’envol donné chez Engels bar le samedi 11 mai 1968 s’est brusquement estompé. La glorieuse mais éphémère aventure du Festival des Maquisards s’est terminée dans la douleur. Le dernier concert eut lieu quasiment une année plus tard en juillet 1969 à la 1re foire internationale de Kinshasa. La cause de la dislocation selon Michelino n’est autre que ″likambo ya mopatas″.
Des cendres encore brûlants du mythique Festival des Maquisards sortent deux groupes distincts qui se partagent le nom du groupe musical défunt. ″Le Festival de Sam et Guvano″ où va émerger le chanteur Jeff Mateta et ″Les Maquisards″ sous la direction de Dalienst Ntesa et Michelino Mavatiku se font désormais face. La lune de miel entre Sam Mangwana et Guvano Vangu ne dure que l’espace d’un matin. Les deux amis se brouillent et se séparent. Guvano crée l’orchestre Dwa tandis que Sam Mangwana commence une carrière solo avec son propre label, d’abord les éditions SAM qui deviennent plus tard Sonora.
De leur côté, Les Maquisards veulent se maintenir dans la durée. Plusieurs anciens du Festival des Maquisards y font partie. Dizzy Mandjeku, l’ancien mi-soliste devient titulaire de la guitare lead. Une jeune dame, Henriette Bora alias Miss Bora, est incorporée dans le groupe. Elle n’y fait pas long feu, le temps d’entrer au studio avec le nouveau groupe.
La présence sur le marché du disque est indispensable pour marquer l’existence d’un groupe musical. A cet effet, trois titres de Michelino enregistrés dans Festival des Maquisards ainsi que deux autres du Camerounais Eboa Lotin sont repris dans le nouveau répertoire.
Plusieurs titres sortent sous le label Negro Festival : Nganga mobikisi et Lengi Honorine (Diana), Marceline Lomboka, Zebola et Apollo 11 (Michelino), Ebakuma napona ye (Lokombe), Chérie Aimée et Annie (Dalienst), Bora (Miss Bora), Jhonny Charlotte (Jhonny Bokosa), Ekalago et Munyenge ma ngando (Eboa Lotin). Attiré par une nouvelle aventure, Michelino claque la porte. Il va réintégrer l’African Fiesta National qu’il avait quitté au retour du voyage de Montréal après avoir participé à l’Exposition Universelle communément appelée Expo 67. Son retour dans cet orchestre a lieu alors que la bande à Rochereau se prépare pour affronter le public parisien de l’Olympia. Ce départ intempestif suffit pour déclencher une guéguerre entre les deux chefs de file. Des pamphlets sont balancés de part et d’autre. Entre le chanteur et le guitariste, c’est le désamour. Dépité, Ntesa qui n'a pu avaler cette pilule amère, ne peut laisser ″impuni″ ce qu’il considère comme une trahison. Il ouvre aussitôt les hostilités avec les chansons Obotama mobali ndima pasi et Tokosenga na Nzambe. Pour répondre à la provocation, Michelino réplique avec le titre Marthe Maboke.
Au cours de l’année 1970, comme pour le relever les défis à venir, le groupe change de nom. L’orchestre ″Les Maquisards″ devient ″Les Grands Maquisards″. L’épithète ajoutée vaut tout son pesant d’or. L’ancien choriste Ntesa éclate au grand jour. Il est secondé par d’autres chanteurs de talent comme Kiese, Lokombe et Diana. Par contre, le doigté de Dizzy Mandjeku rappelle bien celui d’un autre monstre sacré de la guitare solo, Attel Mbumba. Les Grands Maquisards montent au firmament de la musique congolaise moderne en mettant à la disposition des mélomanes des chansons raffinées d’une élégance rare.
Après s’être lancés réciproquement des diatribes à la face, Dalienst et Michelino se retrouvent dans l’OK Jazz à la fin des années 70. Le calumet de la paix étant déjà
fumé, les deux artistes se mettent de nouveau à travailler ensemble, cette fois-ci sous le leadership de Grand-Maître.
Samuel Malonga