Sa Majesté Saak Saakoul 1er
Le ″Si″ du célèbre trio Madjesi s’en est allé. Il a tiré sa révérence quelques jours seulement après Lokasa ya Mbongo, un autre monstre sacré de la musique congolaise. Le chanteur a émerveillé le public avec sa voix baryton grave. ![]() La scène est l’endroit de prédilection où il s’exprimait. Il s’y adressait à ses admirateurs avec ses gestes et sa voix de baryton. Saak Sakoul s’est définitivement tu à 80 ans. |
De son vrai nom Maximilien Bonghat Sinuku Tshekabu, il est né à Kinshasa dans une famille dont le père est artiste. En effet son géniteur, Jean Sinuku, est guitariste entre 1945 et 1952. C’est dans cette ambiance musicale que grandit le jeune homme.
Maximilien Sinuku commence la musique en 1963 comme amateur dans un petit groupe. Après y avoir fourbi ses armes, il se jette dans le professionnalisme une année plus tard. Il est sociétaire du groupe Vedette Succès. En 1966, il fait partie de l’orchestre Ebuka Buka Dynamic Jazz où évoluent Desholey et Canadien. Deux ans après en 1968, il fait une entrée fracassante dans l’orchestre Vévé du saxophoniste Verckys Kiamuangana. L’artiste au look afro se fait appeler Max Sinatra. C’est dans ce groupe dont il est l’étoile filante qu'il s’impose comme une valeur sûre au chant. En retour, il y récolte le succès et la renommée. Sa première chanson Marie sango est un tube. Quelques mois après la sortie officielle de Vévé, deux autres pions majeurs et chanteurs de talent viennent s’ajouter au groupe. Il s’agit de Loko Djeskain et Matadidi Mario. Les trois chanteurs emballent les mélomanes par leurs voix, leur fougue et leur dynamisme. L’attaque Bazooka est née. La contribution du showman Max Sinatra n’est plus à démontrer. Il écrit d’autres chansons de haute facture notamment Fifi Solange, Marcello tozongana, Pasi ya bolingo, Maureau Nsumbu, Pronostics, etc. Ce qui lui vaut le surnom de Bombardier.
/image%2F0931504%2F20230324%2Fob_7a2b11_saak-1.png)
Parvenus au faîte de leur gloire, Sinatra, Djeskain et Mario Matadidi se brouillent avec Kiamuangana. Ils claquent aussitôt la porte de Vévé et s’en vont former l’orchestre Sosoliso, nom tiré d'un des nombreux titres écrits par Mario. Nouvel orchestre, nouveaux surnoms! Si Loko garde son sobriquet de Djeskain, Sinuku et Matadidi s’habillent de nouveaux habits. Ils s’appellent désormais Saak Saakul ou Bongat Saakoul et Buana Kitoko. Ils forment désormais le trio Madjesi qu’accompagne l’orchestre Sosoliso. La sortie du groupe a lieu au bar Vis-à-vis le 28 octobre 1972. C’est l’événement. Le groupe se fait remarquer par une nouvelle cadence dans leur rythme entrainant. L’attaque Bazooka nouvelle formule s’adonne au spectacle à la James Brown avec l’accompagnement de la danse bidundadunda transformée plus tard en bidound dound. Un vrai régal !
Le groupe Sosoliso bouscule l’échiquier kinois par plusieurs chansons. Saak Saakul est l’un des pourvoyeurs de la discographie du groupe. Il excelle dans Buteur, A bas les songueurs, Obosani ba voyages, Penalty, Carte blanche, Grièvement blessé, Coup franc, Pitié Zani, 8e round, etc.
Les bars de Kinshasa qui n’accueillent qu’une centaine de personnes lors des concerts n’arrivent plus à contenir les foules drainées par le trio. Les murs mitoyens de leur lieu de production s’écroulent parfois entraînant ainsi des morts. Succès garanti, le trio toise musicalement les grands orchestres comme l’OK Jazz et l’Afrisa. Leurs noms sont sur toutes les lèvres. Des fans-clubs Sosoliso s'organisent à travers la ville de Kinshasa.
/image%2F0931504%2F20230324%2Fob_b4171b_saak-2.png)
Lorsque Sosoliso se disloque en 1975 alors que le groupe s’apprête à se produire à l’Olympia de Paris, chacun prend son propre chemin. Loko traverse le pool et crée à Brazzaville Les Trois Frères avec Michel Boyibanda et Youlou Mabiala, deux anciens de l’OK Jazz. Matadidi prend le chemin de l’Angola, son pays. Il fonde à Luanda l’orchestre Inter Palanca, du nom d’un quartier kinois de la capitale angolaise. Resté seul à Kinshasa, Saak Saakoul monte le groupe Show Machine avec en son sein Seskain Molenga. Sur le plan de l’image, l’artiste change totalement ses manières et son look. Il se déplace désormais dans une voiture Mercedes des années 30, ne se sépare jamais de sa cape et de son petit chien blanc. Le décor étant planté, il sort quelques chansons dont My mother/ma mère et Kinshasa, mais le succès n’est pas au rendez-vous.
En 1981, il dissout Show Machine et ressuscite l’orchestre Sosoliso sans Djeskain et Mario. Privé de ses anciens partenaires, il monte sur son propre trône et se fait couronner roi. ″Sa majesté Saak Saakoul 1er″ embauche le jeune Anana pour jouer le rôle dévolu naguère à Matadidi. Il compose Mon problème, Père Bouchez, So Manuela avec à la clef la danse Kata Tête.
/image%2F0931504%2F20230324%2Fob_02251f_saak3.png)
Deux ans plus tard, les Madjesi se retrouvent à Kinshasa en 1983. C’est, en effet un groupe recomposé qui donne un concert unique au Vévé Center. Cette production fait remonter bien des souvenirs. Dans cette salle comble où les Kinois sont venus nombreux voir Sosoliso à l'oeuvre, le trio chante le tire intitulé Deuxième mi-temps dans lequel Matadidi offusque ceux qui sont à la base de leur séparation : ″Baye bakabola Madjesi bakumba lisumu″ (Ceux qui ont séparé les Madjesi ont commis un péché). L’album ″Le retour du Trio Madjesi d’Afrique″ est mis sur le marché. Il comprend quatre chansons dont deux titres de Saakoul. Malheureusement ce comeback ne dure que le temps de ce LP. Le trio se heurte à la mauvaise volonté de certains producteurs. Dépités, ils finissent tous par s’installer en France sauf Matadidi.
En 2004, Saakoul sort en solo l’album Wanted qui comprend pas moins de 13 titres. C’est avec ce dernier opus que le ″roi bronzé″ comme il se nomme lui-même dans un titre de ce LP, abdique après avoir radié pendant de longues années le ciel bleu de la musique congolaise.
Samuel Malonga