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Publié par Samuel Malonga

Annoncée par les médias brésiliens, la triste nouvelle de la disparition de Pelé est tombée vers 20 heures ce jeudi 29 décembre 2022.  Le génie du ballon rond souffrait depuis 2021 d’un cancer du côlon. C’est cette maladie qui l’a emporté alors qu’il était admis à l’hôpital Albert Einstein de Sao Polo. Il avait 82 ans. Le football est orphelin de son roi. Trois jours de deuil nationale ont été décrétés. Une foule immense d’anonymes et de plusieurs personnalités dont le président Lula est venues lui rendre un dernier  hommage au stade où il a brillé de mille feux. Pelé est considéré comme le plus grand footballeur de tous les temps. La première star planétaire du football est le seul joueur à avoir remporté trois coupes du monde (1958, 1962, 1970).

Venu au Brésil pour rendre hommage à la superstar éternelle qui a tiré sa révérence, le président de la FIFA, Gianni Infantino, avait proposé aux pays membres de son organisation de baptiser un stade du nom de Pelé pour honorer de la plus belle manière la mémoire de la légende du football mondial. Déjà, l’avenue qui entoure Maracana est rebaptisée "Avenida Rei Pelé" sur décision de la mairie de Rio de Janeiro. En Colombie, le stade de Villavicencio d’une capacité de 15.000 places qui héberge habituellement le Llaneros FC évoluant en seconde division porte désormais le nom du Roi. Le Cap-Vert en fera de même car l'Estádio Nacional do Cabo Verde (15.000 places) portera bientôt le nom de Pelé. Depuis 1979, il existe déjà au Brésil un Estádio Rei Pelé  (19.105 places) dans la ville de Maceió qui est aussi connu sous son surnom de Trapichão.

Edison ou Edson ?

Pelé voit le jour à Três Corações de João Ramos do Nascimento dit Dondinho et de Celeste Arantes. A sa naissance deux actes de naissance sont délivrés avec deux dates de naissance  non identiques (21 et 23 octobre 1940) et deux prénoms différents (Edison et Edson) selon le registre de  l’état civil et celui de la paroisse où il a été baptisé. Les données de la mairie sont finalement retenues. Le gamin s’appellera Edson Arantes do Nascimento, né le mercredi 23 octobre 1940. Son premier nom de famille, maternel est Arantes tandis que le second, paternel, est Do Nascimento. Il est l’aîné d’une famille de trois enfants. Mais même devenu footballeur professionnel, la confusion entre ses deux prénoms a parfois suivi son ombre et slalomé entre ses différents documents officiels, sportifs ou civils. Dans la carte de joueur qui lui a été délivrée pour sa participation au Mundial 1962 au Chili, c’est le prénom Edison qui est repris. Ses parents l’ont ainsi prénommé en hommage à Thomas Edison, l’inventeur de l’ampoule parce que l’électrique venait d’arriver dans leur bourgade. Les Nascimento vont déménager pour la cité portuaire de Bauru où Pelé va grandir et se préparer pour relever les grands défis qui l’attendent.

 

D’où vient le surnom de Pelé ?

Comme il est de coutume au Brésil, le gamin reçoit le surnom de Dico qui est utilisé dans la famille. Dondinho, le père de Pelé joue dans l’équipe locale de Vasco de Gama. A l’âge de trois ans, le gamin l’accompagne à l’entrainement. C’est derrière les buts qu’il suit avec passion les arrêts du portier Bilé qu’il appelle "Pilé". Cette faute de prononciation se transforme peu à peu en "Pelé". Il est l’objet des moqueries de ses camarades d’école à cause de ce lapsus. L’intéressé hait ce surnom qui sonnent horriblement. Il le méprise car le considérant comme une insulte. Un jour, il frappe un ami de classe. Ce qui lui vaut une expulsion temporaire de trois jours. Toutefois, la star n’est pas à 100 % sûr de l’origine de cette appellation. Ce nom  pourrait aussi provenir du mot pelada qui désigne un match joué pieds nus sur un terrain de fortune ou dans la rue. C’est pendant ces parties que le Roi a affuté ses armes avant de devenir professionnel. Pourtant, il existe en hébreu le terme pele (prononcez pèh-lèh). Il se trouve dans cinq livres de l’ancien testament de la Bible hébraïque notamment dans Exode, Psaumes, Isaïe, Lamentations et Daniel. Ce mot se traduit généralement par miracle, merveille, prodige, admirable, manière étonnante. Sans le savoir, la vie du gosse a déjà été tracée par la Providence. Ce nom qu’on lui a donné comme par prémonition ajouté aux qualités de footballeur qui dorment dans son corps sont un don de Dieu. Pelé va devenir le nom de sa gloire et de sa célébrité, la marque déposée du Brésil, le dieu de tout un peuple réuni autour du ballon rond, une référence planétaire.

 

O Rei

Le Brésil est le pays du football qui y est considéré comme une religion. Dico est passionné de ce sport. Mais Doña Celeste, sa mère, ne veut pas que son fils néglige ses études au détriment de ce sport qu’elle considère comme un chemin sans issue. Elle finira par céder aux vœux de son fils qui tient mordicus à devenir footballeur professionnel. En 1950, alors qu’il a neuf ans, le jeune garçon  console son père en larmes puisque le Brésil a perdu la finale de la Coupe du monde à domicile face à l’Uruguay. Pelé lui  fait la promesse solennelle de venger cette humiliation en lui disant :  ″ Ne t’en fais pas, papa. Un jour, je te le promets, je gagnerai la Coupe du monde pour toi. Ne pleure pas″

Initié par son père, Pelé joue d’abord dans de petits clubs non bottés. Doté du talent pour le jeu et d’un style qui lui est propre, il intègre  en 1953 le Baquinho, l’équipe juvénile du Bauru AC entraînée par l’ancien international Waldemar de Brito. Avec son sens inné du but, le chétif ado apparaît dans les journaux locaux. Vu son énorme potentiel, le coach finit par présenter le timide gamin au Santos malgré les réticences de sa mère. Il signe son contrat professionnel en juin 1956. Il joue son premier match avec l’équipe première trois mois plus tard le 7 septembre. Ses remarquables performances lui valent une place méritée dans l’équipe nationale en janvier 1957.

Agé à peine de 16 ans et 9 mois, il joue son premier match avec la Seleção contre l’Argentine le 7 juillet de la même année. Mais c’est plutôt pendant la Coupe du monde 1958 organisée par la Suède que son génie éclate au grand jour. Au début de la compétition, Pelé et Garrinccha assistent aux rencontres du banc de touche. Mais après deux matchs joués, la Seleção connaît des difficultés. Didi et Nilton Santos implorent l’entraîneur Vicente Feola d’utiliser les services du prodige lors du match décisif contre l’Union Soviétique. Pelé joue son premier match le 15 juin 1958 à Göteborg. Il ne marque pas mais donne une passe décisive qui permet à Vava de réussir son doublé. Le Brésil est premier de son groupe et est qualifié pour les quarts de finale. Stupéfait, le monde découvre un gamin qui a du talent à revendre, un petit génie qui joue à sa guise, un artiste qui crée, innove et transforme le stade en une salle de spectacle inouï. Il éblouit par la limpidité de son jeu et par ses dribles déroutants, enchante le public par des gestes incroyables, étonne par la finesse de sa rapidité. Il marque des buts splendides et réussit à amener la Seleção à son tout premier sacre mondial. Ce meneur de jeu hors pair est champion du monde à seulement 17 ans et 249 jours. Il marque coup sur coup six buts de légende dont deux en finale contre le pays hôte.

Ce dimanche 29 juin 1958, à la fin  de la rencontre au Rasunda stadium de Stockholm, Pelé est intronisé Rei do Futebol en présence de son "homologue" suédois le roi Gustav VI Adolf et devant 49.700 spectateurs. En réalité,  c’est le magazine français Paris Match qui le premier l’a honoré avec ce titre en le couronnant "Roi". Devenu la première icône planétaire du football, le gosse surdoué est porté en triomphe par ses coéquipiers. La révélation du tournoi vient de réaliser la promesse qu’il a faite six ans plus tôt à son père, celle de remporter la Copa do mundo et d’offrir le trophée Jules Rimet aux Brazileiros.

 

 

 

Pratique des arts martiaux

Au tout début de sa carrière, Pelé s’initie aux arts martiaux. Conscient que la préparation physique est fondamentale dans sa vie de footballeur. Dans la salle de sport de son club Santos, il apprend  le karaté pendant un an. Ce sport de combat lui a appris à tomber et à sauter. Il a ensuite fait le judo pour améliorer son équilibre et à parfaire son agilité. Ce qui a fait qu’il tombait à peine lorsqu’il driblait ses adversaires. Etant droitier, il a surtout entraîné son pied gauche, qui avait moins de puissance. Perfectionniste à l'extrême et possesseur d'un physique rare, Pelé répétait souvent les fondamentaux comme les coups de pied et les sauts.

 

Le plus beau but

Le 2 août 1959, Santos FC affronte Juventus de Sao Paolo dans le cadre du championnat pauliste. L’équipe de Pelé mène déjà par 3 buts à rien. Puis le Roi héritant d’une balle à l’entrée de la surface de réparation réussit trois sombreros de suite sur trois défenseurs, réalise le quatrième sur le gardien avant de marquer de la tête dans les bois vides. Le geste, l’action, la vitesse d’exécution et la manière sont sublimes. Ce but est considéré comme le plus beau de sa carrière. Problème, ce chef-d’œuvre n’a jamais été filmé. A l’époque, tous les matchs ne sont pas diffusés à la télé. Ce sont pour Pelé des centaines de buts qui ont échappé aux caméras. Celui-ci n’a été observé que par des personnes présentes au stade cet après-midi-là. Sur base des témoignages des anonymes et de Pelé lui-même, une société brésilienne a dans les années 2.000 modélisé une réalisation en 3D.

 

Gardien de but

Pelé qui selon Johan Cruijff "a dépassé les limites de la logique" est un footballeur complet. Ambidextre, il peut jouer des deux pieds avec aisance et marquer. Si ses dribles et feintes sont connus de tous, personne ne pouvait s’imaginer que ce génie du foot  pouvait aussi être un bon gardien de but.

Dans Santos tout comme dans la Seleção, Pelé a presté comme troisième gardien.  Il a enfilé les gants dans quelques matches. "Bien que je ne sois pas si grand, j’ai toujours été un bon gardien de but à cause de mon saut. Avec Santos et l’équipe nationale, j’ai toujours été le gardien de réserve. J’ai joué quatre fois dans les buts du club et une seule fois, en amical, pour le Brésil", a écrit le roi Pelé dans son autobiographie parue en 2006. Dans les année 50-60, il est le joueur de champ désigné pour jouer dans les buts pour le club et la Seleção pays. Pendant les matches qu’il a été’ dans les perches, ses filets n’ont pas été violés. Pelé n’a donc encaissé aucun but et l’équipe a remporté tous ces matches.

Trésor national

Au début des années 60, Pelé est sollicité par plusieurs clubs européen dont le Real de Madrid et l’AC Milan avec de gros contrats à la clef. Toutes les offres tendant à exporter la superstar sont bloquées par Santos. Son transfert en dehors du Brésil est rendu impossible par le décret signé par le président Jânio Quadros en 1961. Alors qu’il n’a que 20 ans, il est déclaré ″Trésor national non exportable″. L’embargo dont il est l’objet ayant été levé, il quitte le Brésil en 1975 pour aller jouer dans Cosmos de New York.

Le 19 juillet 1966, Pelé dit adieu à la Seleção

Au Chili, en 1962, Pelé blessé lors du deuxième match contre la Tchécoslovaquie suit le reste de la compétition dans les tribunes. C’est le virevoltant ailier droit Garrincha, le joueur aux jambes arquées mais aux dribles déroutants, qui joue les premiers rôles. Grâce à lui l’équipe auriverde gagne la coupe pour la deuxième fois consécutive. Quatre ans plus tard en Angleterre, la Seleção fait mauvaise figure. Après une première victoire sur la Bulgarie (2-0), les doubles champions du monde perdent leurs deux derniers matches par le même score (3–1) contre la Hongrie et le Portugal. Pelé est l’objet des tacles incéssants, la cible choisie qu’il faut à tout prix mettre hors d’état de nuire. Les défenseurs cherchent le plus souvent ses jambes pour tenter de les casser. Blessé contre la Bulgarie, il va terminer le match sur une jambe. Il est ensuite littéralement achevé par les défenseurs portugais. Pelé est victime d’une déchirure du ligament au genou. Il sort puis revient sur le terrain en boitillant, les remplacements n’étant pas autorisés. "J’ai commencé le travail, Morais l’a terminé", déclarera le bulgare Dobromir Zhechev. Les deux défenseurs sont restés impunis car les cartons jaune et rouge n’existent pas à l’époque. Pelé connaît un tournoi infernal.

Le 19 juillet 1966, après le match contre le Portugal d’Eusébio au Goodison Park de Liverpool, Pelé est amer. Meurtri, il déclare aux journalistes médusés après l’élimination du Brésil  : "Je ne participerai plus jamais à une Coupe du monde. C’est fini. C’est la dernière fois que vous me voyez porter le maillot du Brésil. Je refuse que le football devienne une guerre. Sinon, je raccrocherai les crampons." L’annonce fait l’effet d’une bombe dans le monde du foot et surtout au Brésil. Le choc est immense. Le peuple brésilien et la Seleção viennent d’avaler des couleuvres. A 26 ans, le meilleur footballeur du monde vient de mettre fin à sa carrière internationale. Il dénoncera plus tard la passivité coupable et le laxisme indigne de l’arbitrage. Il ira jusqu’à parler de complot européen contre l’Amérique du Sud, le Brésil en premier, au Mondial anglais.

Aussitôt dit, aussitôt fait, O Rei se met en retrait de l’équipe nationale. Il résiste aux appels du peuple et aux sollicitations officielles. Pendant deux ans, le Roi ne répond à aucune invitation du sélectionneur. Pendant deux ans, le Brésil  joue 15 matchs sans Pelé. Pendant deux ans, Pelé n’exprime aucun regret. Mais dans l’ombre le professeur Julio Mazzei, directeur technique de Santos FC, réussit à le raisonner. La pépite brésilienne avoue que la Seleção lui manque. A l’été 1968, après plusieurs discussions avec Mazzei, son épouse Rose et ses parents, sans oublier la pression du président de la CBD Joao Havelange et des militaires au pouvoir, le génie revient sur sa décision au plus grand bonheur des Brasileiros. Il appelle aussitôt les responsables de l’équipe nationale et leur demande s’ils accepteraient de le reprendre. La fédération brésilienne répond d’emblée par l’affirmative. Son retour en sélection a lieu au Paraguay le 25 juillet 1968. Il marque deux des quatre buts brésiliens qui font une véritable promenade de santé à Asunción (4-0). Il tire son épingle du jeu lors des qualifications au Mondial en terre aztèque : six rencontres, six victoire, six buts de Pelé.

Mais coup de théâtre! Le sélectionneur João Saldanha juge Pelé trop lent, en mauvaise forme voire trop myope. Il  ne le retient pas dans le groupe qu’il convoque en mars 1970 pour disputer un match de préparation face au Chili. Mécontent, Havelange, qui ne conçoit pas la Seleção sans Pelé le limoge. Il le remplace par Mario Zagallo, deux mois avant le début de la Copa do Mexico. Le King peut jouer sa quatrième Couoe du monde d’affilée. Enfin!

 

 

O milésimo gol

Le 19 novembre 1969, le match Vasco de Gama – Santos se joue au  Maracana devant près de 70.000 spectateurs. Il ne reste que cinq mimnutes a jouer lorsque le King est fauché dans la surface de réparation. L’arbitre accorde le penalty à Santos. Pelé veut lui-même faire justice. Le stade ne scande-t-il pas son nom ? Il place le ballon, tire et marque. C’est le 1000e but de sa carrière professionnelle. Il est 23h23. Pelé ramasse le ballon dans le but, l’embrasse. Il est soulevé aussitôt par ses fans. La rencontre est arrêtée pendant vingt minutes car le terrain est envailli par les supporters et les photographes. Le Roi fait un tour d’honneur avec le maillot de Vasco estampillé du chiffre 1000. Il dédie le plus célèbre de ses buts aux enfants pauvres du Brésil. Même les cloches de l'église ont sonné pour saluer l’événement. Mais des recherches ultérieures ont suggéré que ce but était en fait son 1.002e. Le même jour mais quelques heures plus tôt, les astronautes Conrad et Bean de la mission Apollo 12 ont posé leur module lunaire sur la surface de la lune.

Au Brésil, le milésimo immobilise la vie politique. Dans la capitale, les activités du Senat sont paralysées pour la reception du Roi du football. La séance de la Chambre est suspendue pour permettre aux députés de demander des autographes à la star du foot brésilein. A Brasilia, Pélé parade dans une voiture des pompiers. Pour couronner l’évenement, un timbrte est édité pour célebrer l’historique gol mil do rei. La firme allemande Mercedes offre au King la S-280 de ses modèles haut de gamme. Le 3 décembre 1972, Pelé franchit un nouveau cap du millier. Même si Santos a perdu par 2-1 contre Ceará Sporting Club de Fortaleza, le célèbre n⁰ 10 a joué ce soir-là son 1.000e match sous le maillot des Santos.

Samuel Malonga

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