L'AMBASSADEUR MIKE HAMMER, ENTRE EXTRAVAGANCE, FRASQUES ET FOLKLORE
L'AMBASSADEUR MIKE HAMMER, ENTRE EXTRAVAGANCE, FRASQUES ET FOLKLORE
Un ambassadeur, c'est le représentant d'un état envoyé dans un autre état pour y défendre les intérêts de son pays et ceux des ressortissants de celui-ci, promouvoir les relations amicales entre les deux états dans divers domaines (économique, commercial, culturel, militaire,..). Il est couvert de l'immunité diplomatique c'est-à-dire qu'il bénéficie de privilèges telles des exonérations fiscales, l'inviolabilité de la résidence, celle des correspondances et colis expédiés et réceptionnés, l'immunité de poursuite judiciaire.
Suivant une certaine tradition largement admise comme un code de conduite, sans être la règle, un ambassadeur ou bon diplomate se comporte avec beaucoup de distinction, de dignité, de discrétion et de réserve dans le language. À la limite, c'est un vrai "gentleman", quelqu'un qui maîtrise parfaitement les règles de bonne conduite dans la haute société, dont la courtoisie et la galanterie envers la gent féminine, le savoir-vivre,... Il agit dans le silence et impose par sa seule prestance et pratique l'art de séduction pour créer et élargir son propre réseau des contacts et amitiés dans les hautes sphères politiques de l'état accréditaire.
Cependant de nombreux ambassadeurs et diplomates aux profils très différents ont existé et exercent parfois avec des résultats diplomatiques inattendus.
Au Congo par exemple, deux diplomates américains venus à plus de cinquante ans d'intervalle sortent du lot; Larry Devlin (1922-2008), chef de la section de la CIA opérant sous le couvert de premier conseiller d'Ambassade dans les années qui ont suivi l'indépendance jusqu'en 1966, et Mike Hammer, Ambassadeur depuis 2018.
Les deux ont en commun la particularité d'exercer une très grande influence dans le cours de la situation politique du Congo à des périodes cruciales de crise.
C'est au plus fort de la Guerre Froide que Larry Devlin avait été affecté à Léopoldville. Il a été au centre de tous les évènements importants de l'histoire du Congo d'après l'indépendance dont l'assassinat de Lumumba et la lutte contre les rébellions lumumbistes qui s'étaient succédées. Dans les mémoires qu'il a publiés, Larry Devlin ne se cache pas pour dire qu'il lui est arrivé plusieurs fois de participer à l'action quand il fallait neutraliser l'"ennemi", c'est-à-dire tout celui ou groupe hostile au gouvernement pro-américain de Léopoldville. Il agissait comme le proconsul américain au Congo avec une large marge de liberté de décision, comme par exemple l'utilisation des fonds sans en référer à Washington quand il fallait corrompre des hommes politiques y compris des dirigeants rebelles, acheter la loyauté des soldats pour le compte de Mobutu, organiser des manifestations anti-lumumbistes, ....
Il entretenait des contacts quasi-quotidiens avec Mobutu, se permettant souvent de lui dicter la conduite à suivre. Au finish, Larry Devlin se félicite d'avoir réussi à contenir l'influence de l'URSS en Afrique, un exploit reconnu
par l'administration américaine qui l'a honoré par la plus haute distinction de la CIA, la médaille d'honneur pour services exceptionnels.
À l'opposé de Larry Devlin, Hammer agit à ciel ouvert. Il pratique une diplomatie que l'on pourrait qualifier d'immersion culturelle. Il n'hésite pas par exemple à exhiber publiquement des pas de danse, à manger "congolais" dans des "malewa", restaurants de fortune des quartiers populaires, à surgir dans des classes et prendre la place des enseignants pour montrer le soutien du gouvernement américain au projet de gratuité de l'enseignement, ... Pour faire bonne mesure, il s'est attribué des appellations typiquement congolaises, comme Nzita ou encore Amani.
Dans d'autres occasions, il s'affiche avec la première dame, habillé en uniforme cousu en tissu multicoloré "africain"!
Ne l'a-t-on pas vu assis au sol, jambes croisées comme le commun des paysans dans des discussions autour de la question très sensible de Minembwe? Il ne lui reste qu'à prendre en ménage une femme congolaise pour faire complètement Congolais.
Derrière cette image folklorique, se cache pourtant un personnage d'une grande efficacité agissant pour les intérêts américains actuels, c'est-à-dire la consolidation du pouvoir de Félix Tshisekedi. Contrairement aux usages diplomatiques, Mike Hammer ne s'en cache pas. Il s'est affiché comme agent de marketing politique dans l'organisation des premières visites de celui-ci aux États-Unis et ne se prive pas de faire des déclarations de soutien. Il aurait aussi joué un rôle précurseur dans l'organisation des Concertations annoncées par Félix Tshisekedi, en faisant le tour des acteurs politiques importants de l'opposition.
Mike Hammer n'a pas encore terminé sa mission au Congo et aura sans doute beaucoup à relater dans les mémoires qu'il écrira à l'exemple de Larry Devlin.
Photos:
1 Mike Hammer dégustant des mets congolais dans un Malewa, loin des hamburgers et hot dogs;
2 Mike Hammer en agent de relations publiques. Ici à Washington, devant la statue de Martin Luther King Jr
3 . Larry Devlin dans sa retraite dans l'état de Virginia
4. L'étroite proximité des diplomates américains avec les dirigeants congolais, déjà dans les années 1960. On reconnaît sur la photo à partir de la droite, Victor Nendaka suivi d'un diplomate américain, Larry Devlin (en maillot de bain), l'Ambassadeur américain Goldberg, Mobutu, Mme Déclin et Justin Marie Bomboko. Cette photo a été prise en 1966 pour sceller une reconciliation entre Mobutu et l'Ambassadeur. Celui-ci avait colporté des bruits sur les aventures extra-conjugales de Mobutu. Celui-ci en fortement irrité au point de menacer l'ambassadeur indélicat d'expulsion!
Ngimbi Kalumvueziko