Pour les 86 bougies de Jeannot Bombenga
Pour les 86 bougies de Jeannot Bombenga
Jeannot Bombenga a soufflé ses 86 bougies le mois passé. Né le 25 août 1934 à Wanga dans l’ex-province de l’Équateur, le patriarche de la musique congolaise traîne une longue carrière depuis ses débuts en 1959 dans le Jazz Africain à côté d’un certain Rochereau. Tout a déjà été dit et écrit sur ce grand artiste. L’homme a marqué son époque par des titres de haute facture. Pour ce joyeux anniversaire, nous allons parler de certains de ses titres qui ont animé la vie socio-politico-sportive dans la capitale du Congo.
Compositeur des génériques
Lorsque le nouveau régime s’installe et prend ses marques, le slogan ″retroussons-les manches″ mobilise les artistes-musiciens. Plusieurs titres sont écrits et passent à la radio dans le cadre de la vulgarisation de la révolution prônée par le pouvoir militaire. Mais de toutes ces chansons, 1967 mbula ya sacrifice de Bombenga est retenu comme générique du journal parlé. Plus tard, à l’issue du concours national de la chanson organisé par le ministère de la Culture et Arts en marge du sommet de l’OUA (Organisation de l’unité africaine) tenu à Kinshasa, c’est de nouveau Bombenga qui fait mouche. Sa chanson Congo nouveau Afrique nouvelle chantée en trio (Bombenga, Ntesa etMangwana), bien que sortie 2e dudit concours, est choisie comme jingle des informations du grand journal de la mi-journée à la radio. Devenus des génériques pour la profondeur de leur message, les deux titres ont fait de Bombenga le grand compositeur des indicatifs des journaux parlés au Congo.
Le pseudonyme Lolango
A ce que l’on sache, Bombenga n’a jamais eu un pseudonyme officiel. Seul Jeannot dérivé de son prénom Jean accompagne son patronyme qui fait aussi office de nom de scène. Mais la chanson Bopesa ye liteya chantée en duo avec Ntesa vient changer la donne. Le refrain du titre est en lomongo et le terme ″lolango″ (amour en lingala) y est repris plusieurs fois. Privé jusque-là de pseudonyme, les mélomanes profitent de cette belle mélodie pour lui en gratifier un. Désormais, il va s’appeler Jeannot Lolango.
Au cœur de la tourmente
En 1968, une affaire politique qui n’a rien à voir avec la musique secoue les deux Congo et finit par coller une connotation belliqueuse à l’innocence de la chanson Nzele sukuma. La brouille entre Mobutu et Ngouabi entraîne les deux capitales les plus rapprochées du monde dans un conflit d’un autre âge. La guéguerre prend même une nouvelle dimension car à côté des cartes blanches de Kinshasa auxquelles répondent les cartes rouges de Brazzaville, le régime de Kinshasa trouve une autre astuce. Pour monter les enchères, le titre de Bombenga est choisi comme la véritable réplique à tous les assauts médiatiques venus de l’autre rive. Nzele sukuma qui commence par le proverbe Olukaka makambo okozua (qui cherche trouve) passe quasiment en boucle chaque jour. Mais lorsque la hache de guerre est enterrée et les deux présidents-frères réconciliés, la chanson finit enfin par retrouver sa dimension artistique et toute la caractéristique noble qui ont conduit l’élégant Bombenga à l’écrire.
Chantre du patriotisme congolais
Le patriarche peut aujourd’hui se targuer d’être parmi les artistes-musiciens qui ont chanté pour la gloire du pays ou de ses dirigeants. D’entrer de jeu, il écrit des textes patriotiques. Aujourd’hui, il revendique plusieurs chansons de Grand Kallé. Des titres où sont écrits sur disque son nom et celui de son mentor sont en réalité les siens affirme-t-il (Ebale ya Congo, Indépendance économique). En 1987, il collabore à l’écriture de la chanson collective Tokufa pona Congo. Pour avoir écrit des chansons pour éveiller les consciences, Bombenga a sûrement été un chantre du patriotisme congolais.
Pas de mbokela
Un des grands mérites dans l’écriture de ses textes est l’absence des diatribes à l’encontre de ses collègues. Les mbokela sont le propre des artistes-musiciens congolais qui en font grandement usage pour régler mutuellement leur compte. Le patriarche s’est dérobé de cet exercice on ne peut plus incompatible avec sa vision du savoir-vivre. Dans ce registre, il admet avoir écrit seulement Mobali ya ngelele pour secouer un ami amoureux de la langue de Molière. Le français était l’arme que son don juan d’ami utilisait pour impressionner la gent féminine et pour réussir ses baratins.
Quand le foot s’en mêle
Champion de Kinshasa en 1967,V. Club participe à Kisangani à la 5e édition du tournoi final de la Coupe du Congo organisé par la Fécofa en septembre 1968.. Dans le cadre coquet du stade Lumumba, le club kinois fait face aux équipes venues des provinces notamment Englebert (tenant du titre), Saint Éloi et Sporting Malekesa le champion local. Rentré à Kinshasa les mains vides, le club vert-noir devient la risée des supporters du Daring. Alors que la chanson Mado fait tabac, les daringmen transforment une phrase du refrain chantée en swahili. ″Lubumbashi ee. Lubumbashi ee…mina kufa …. Mina kufa″ devient ″Kisangani ee… Kisangani ee… Véa kufa ….Véa kufa″. La riposte véclubienne ne se fait pas attendre. Profitant de la méforme de Kakoko et pour répondre à la provocation de leurs rivaux, les véclubiens exploitent la chanson Boma l’heure de Luambo Franco. Ce titre devient le surnom qu’ils collent à l’international du Daring pour se moquer de lui. En cette année 1968, Jeannot Bombenga, malgré lui, est indirectement mêlé dans une altercation politico-sportive. À côté du conflit Mobutu-Ngouabi qui a opposé les deux Congo pendant un bon moment, commence une autre querelle avec pour toile de fond une de ses compositions. Ce fait inédit place le chanteur au centre d’une double guéguerre fratricide entre d’un côté deux présidents qui se sont longuement chamaillés par médias interposés et de l’autre les supporters de deux équipes kinoises rivales que tout oppose mais qui n’ont de commun que la couleur verte arborée sur leurs maillots et leur appartenance à la ville de Kinshasa.
Samuel Malonga