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Publié par SIMBA NDAYE

CHEFS D’ŒUVRE ET REVOLUTION DU SYNTHETISEUR

WALLY BADAROU

Quelle nouvelle technologie n’a pas été chahutée à ses débuts ? Toutes. Et l’irruption du synthétiseur dans la musique moderne n’y a pas échappé.

Depuis l’américain Thaddeus Cahill dès 1896, cet instrument, destiné à créer, produire, modifier et améliorer tous types de sons, a été perfectionné à l’infini. La technique dite de synthèse sonore a révolutionné à jamais le son et la musique. Pour le meilleur et pour le pire. Choisissons les meilleurs dans la musique africaine. Et pour nous les meilleurs, ce sont deux spécimens hors catégories.

Le premier sans conteste, c’est Wally Badarou. Le grand manitou du synthé, c’est lui. Ce Franco-Béninois, né à Paris en 1955, a marqué à jamais l’histoire de la musique africaine et mondiale. Si son nom ne vous dit rien, son titre ‘’High Life’’, sorti en 1984, vous rappellera probablement quelque chose, à moins que vous ne débarquiez de la planète Mars.

Les radios du monde entier, les discothèques aux quatre coins du globe, les émissions de télé comme générique, ont usé et abusé de ce tube. De Kinshasa à Abidjan, de Douala à Kingston en Jamaïque, de New–York à Nairobi, les boîtes de nuit ont fait danser des millions d’ambiançeurs. Wally Badarou, à l’œuvre prolifique et aux collaborations multiples, est et demeure un précurseur et un maître dans l’usage du synthétiseur.

 

Le deuxième phénomène, indiscutable lui aussi, a dégainé trois ans plus tard. Lorsque Jean Emeneya Mubiala sort ‘’Nzinzi’’ en 1987, le choc est immense, un vrai séisme. King Kester avait frappé fort, très fort. Rien à voir avec les canons traditionnels de la musique congolaise.

Toutes les ressources du synthétiseur explosaient dans cette chanson iconique, au texte presque minimaliste. Et pourtant, un peu avant lui, Kanda Bongo Man ainsi que Aurlus Mabele avaient, en la matière, un peu défriché le terrain.

Mais, là, Emeneya franchissait un cap. Peut-être jamais atteint depuis. Comme le dit un fin connaisseur, King Kester était très en avance sur son temps.

En septembre 1988, en guest-star d’Abeti Masikini dans un Zénith de Paris plein à craquer, Djo Kester gagnait définitivement ses galons de star internationale. Ce soir-là, nous avons vécu des instants mémorables avec son interprétation magistrale de cette chanson fétiche. Souvenirs personnels.

 

Trente-sept ans plus tard, Nzinzi demeure un authentique chef d’œuvre. Si l’artiste a tiré sa révérence le 13 février 2014 à 57 ans, l’empreinte de cette merveille demeure indélébile.

 

Pour le reste, sur les apports et les innovations du synthétiseur, le débat reste ouvert. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les avis sont souvent tranchés. Aussi respectables les uns que les autres.

Les puristes crient à l’imposture et fustigent la facilité. Ils qualifient le synthé de regrettable prêt-à-porter musical. Aujourd’hui, disent-ils, il suffit de programmer un ordinateur et hop !

De leur côté, les modernistes hurlent au génie et à l’inventivité. Pour eux, le synthé symbolise le progrès et l’avenir du son.

Et vous, de quel côté vous situez-vous ?

 

SIMBA NDAYE

Paroles de la chanson (Nzinzi), traduites par Simba Ndaye

Mwasi ya bato elengi mingi na ko lula ye eee
La femme d'autrui est plaisante à séduire

Yayo moko po nini o bongisaka ye te eeee eeeh
Et la tienne, pourquoi ne veux-tu pas l’embellir ?

Moninga abongisi elengi mingi na ko lula ye ee

Lui a rendue belle la sienne, et tu veux la séduire
Yayo moko po nini o kipa ka ye te eee

Mais la tienne, pourquoi ne veux-tu pas t’en occuper ?                                   
Bongisa mwasi nayo nzinzi yee eeeh

Prends soin de ta femme Nzinzi,
Ebele ya mbongo oyo'okozuaka papa
Kaka ba kwiti na basi oyo ba yina mabala ooo

Avec tout l’argent que tu gagnes, tu ne que t’enivrer

En compagnie de femmes qui détestent le mariage

Bongisa mwasi nayo nzinzi ye eee

Prends soin de ta femme Nzinzi
Ne la laisse pas tomber eeeh
Elle est si fragile

 

Ooo Nzinzi ee mobali mabe o Nzinzi ee yo mobali mabe o

Nzinzi, tu es un homme mauvais

Ooo Nzinzi ee kitoko ya pamba oo Nzinzi ee tala ndenge o nzulusi ngai

Nzinzi ta beauté ne vaut rien, regarde comment tu m’as déshonorée.

Mbanda a lati jaune o ngai na lata rose yo oo

Mon rival s’habille en jaune, moi je mets du rose

Mbanda a kumbi Benz oo ngai na kumba Rolls

Mon rival conduit une Mercedez, moi je pilote une Rolls

Mbanda na Ferrari, ngai na Lamborghini

Mon rival en Ferrari, et moi en Lamborghini

Mbanda a kumbi BMW oo ngai na kumba nini yo oo

Mon rival conduit une BMW, que vais-je conduire ?

Mbanda a lati rose oo motema na ngai pasi yo oo

Mon rival s’est vêtu de rose mais mon cœur souffre.

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S
Blondé,<br /> Ces derniers jours, je me suis souvenu du groupe Woya, qui avait sorti son tube ''Kacou Ananze'' en 1986. Avec ''Chèque sans provision'' sur la même face du 45T. Le clip passait en boucle sur la RTI. De fait, Woya utilisait déjà un clavier ainsi qu'une boîte à musique avec drums incorporés. La photo d'un clavier apparaissait même sur la pochette. Tu devrais, si tu en trouves le temps, faire un petit papier sur ces jeunes ensembles très dynamiques qui avaient boosté la musique ivoirienne au cours de ces années-là.<br /> Simba Ndaye
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S
Mon cher Blondé,<br /> Bien que nuancée (car tu reconnais la qualité du son émis par le synthé), ton opinion est très claire. Merci de l'avoir exprimée. Tous les avis sont respectables et c'est ce que nous demandons.<br /> En ce qui concerne le différend qui a opposé François Lougah à Wally Badarou, j'étais au courant. A ce propos, voici ce que le second avançait, beaucoup plus tard (le 7 avril 2010) et qui avait sans doute été pris en compte dans la résolution du conflit: ''Le titre (High Life) entretenait la confusion: la musique elle-même n'avait pas grand chose à voir avec le traditionnel 'high life' ghanéen ou nigérian. Elle combinait cependant électronique avec guitares 'soukous' zaïroises, afterbeats antillais, water-drums et grosses caisses 'juju' nigériannes, à des mélodies inspirées de l'ivoirien François Lougah. Les écoliers, leurs ébats, la scène pouvait être n'importe où sous le soleil tropical''. <br /> Voici donc une partie de l'argumentaire de Wally Badarou. Avait-il raison? Ce n'est pas à moi de juger.<br /> En revanche, sur le manque de visibilité de la musique ivoirienne à l'échelle internationale, tu as raison. Mais Mbokamosika est conscient de sa très grande richesse et en a longuement parlé. (cf: http://www.mbokamosika.com/2018/12/bailly-spinto-ou-l-extraordinaire-richesse-de-la-musique-ivoirienne.html).<br /> Simba Ndaye
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B
Double merci pour ton article très instructif et pour la traduction de cette chanson que j'aime tant. Pour la question posée, franchement, je n'apprécie pas le Synthé. Pas les sons de cette machine qui sont purs et plaisants mais pour ce que le synthétiseur a détruit la musique surtout dans nos contrées. Avant, il était rare de voir un grand artiste qui ne soit adossé à un orchestre lesquels étaient finalement des écoles de formation des futurs artistes. Tous les mbokatiers connaissent les grandes écoles musicales congolaises. Bien que peu connus par manque de distribution et de publicité, la Côte d'Ivoire avait aussi trois courants dominants: Il y avait Amédée Pierre dont l'orchestre a formé plein de jeune talents tels Ernesto, François Lougah etc. et l'orchestre d'Anoma Brou Félix et enfin Maadou Doumbia. Il faut noter aussi que la RTI organisait pendant les vacances un concours de jeunes orchestres dont les fruits sont Meiway et autres. Aujourd'hui rien de tout cela. A Abidjan, un certain ASSOGBA s'est rendu très célèbre avec une chambre exiguë avec à l'intérieur une synthétiseur. Tous les jeunes qui peuvent crier et sauter vont le voir, il fait une programmation du genre TIC DA TOU TOU et hop! voilà le nouveau musicien. C'est çà la persistance du coupé décalé un genre musical très très pauvre. Il n'y a plus d'instrumentiste. Notre boîte à musique dans son évolution actuelle fait tout.<br /> Concernat HI-LIFE de Badaru, je ne sais pas si vous vous souvenez qu'il y a eu un procès entre ce dernier et Lougah François qui l'accusait d'avoir plagié une de ses chansons NA YOU WI YO. L'ivoirien a perdu la partie.
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S
Les amis, chers Mbokatiers,<br /> A part l'opinion tranchée de Tabu Ley rapportée par Sam Malonga, j'observe que personne n'a pris position dans le débat entre ''Puristes'' et ''Modernistes''. Le tout n'est donc pas de savoir quand et par qui le synthé a été introduit au Congo.<br /> C'est pourquoi je repose la question: ''Et vous, de quel côté vous situez-vous?''.<br /> Et interdiction de sortir le joker MDR...<br /> Simba Ndaye
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M
A mon avis, notre frère Crispin Rėgis Lukoki est bien placė pour nous ėdifier là-dessus en tant que musicien.
Z
Je crois Papa Wemba était le premier d'avoir fait jouer le synthétiseur dans son album "siku wa mungu", car son album était antérieur de celui d'Emeneya et, surtout, comme il ne faisait trop de bruits que les autres , ainsi on l'avait bien remarqué.
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S
Petit Bizet,<br /> Je ne sais pas si tu me croiras mais lorsque j'ai envisagé la rédaction de cet article, le premier cas, le premier nom qui s'imposait à moi, c'était bien évidemment le maestro Freddy Kebano, le ''rat'' du studio IAD de Brazza. D'ailleurs, ce gentil qualicatif était réducteur car Freddy Kebano était plus que cela. A la fois homme de culture, journaliste, musicien accompli, on peut effectivement affirmer que c'est lui qui a introduit l'électronique dans la musique congolaise. Ses reprises en instrumental, dès 1981, de plusieurs titres comme Osala ngai nini, Missengue, l'Argent appelle l'argent ou Nsona l'ont imposé comme un maître en la matière.<br /> Mais, encore une fois, très honnêtement, je n'ai pas assez d'éléments pour certifier qu'il utilisait déjà un synthétiseur ou un clavier amélioré. Surtout qu'à l'IAD, il disposait de consoles d'enregistrement multipistes ultras perfectionnées. Dans tous les cas, merci pour cette interactivité.<br /> Simba Ndaye.
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P
Ah ah, Yaya, je te crois ne t'inquiète pas. Je me permets juste de t'affirmer qu'il utilisait bien un clavier pour l'album "Hits de 1981".<br /> Ensuite, pour répondre à la 'vraie' question du billet que tu as écris, je dirais simplement qu'effectivement je me place du côté des puristes car je défendrai bec et ongles jusqu'à ma mort que la Rumba de chez nous doit se jouer avec de la guitare; c'est l'élément qui fait que nous avons pu nous émanciper des Cubains et autres latinos. Cependant, on ne peut nier l'influence d'un morceau comme 'Nzinzi' qui du coup sort du cadre de la Rumba pure ou classique ou originelle car le Sebene disparait. En fait, sous ses airs de question très simple, ton interrogation soulève je pense plus une question de fond que de forme, je crois. Mais au risque de me répéter, je me mets du côté des 'puristes'.<br /> Bien à toi, Yaya et à tous les Mbokatier(e)s
P
Excellent article, mais il me semble que Freddy Kebano, grand ingénieur du son du studio IAD de Brazzaville est l'un des pionniers car, dès 1981, il reprenait déjà des hits de Rumba congolaise au synthé. Toutefois, à vérifier.
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S
Et puis, Max, j'en conviens. La disparition de la section-cuivre est une vraie tragédie, pour la musique congolaise en particulier.
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S
Bonnes questions de Max de Glasgow. <br /> Sous toutes réserves, il me semble que Pépé Felly et l'instrumentiste de Mpongo Love dans Kapwepwe, Rebe, Niekese etc...utilisaient un clavier. Entre un clavier et un synthé, la différence est abyssale, même s'ils ont parfois la même apparence.<br /> Un clavier est destiné aux musiciens qui souhaitent utiliser un grand nombre de sons d’usine et d’accompagnements automatiques, et ce dans n’importe quel style de musique. En d'autres termes, le clavier a déjà en magasin un certain nombre de sons, préreglés, qu'il lui suffit juste de moduler.<br /> En revanche, le synthétiseur est bien plus performant. Il est conçu pour les musiciens qui veulent créer et/ou retravailler leurs propres sons, et ce dans le moindre détail. Les capacités du synthé sont dès lors infinies, selon l'humeur, la folie ou la démesure de l'artiste. <br /> Un mot peut résumer la différence entre les deux instruments: c'est le mot CREATION. <br /> Et une image peut la symboliser: le musicien utilisant le synthétiseur est comme un écrivain devant une feuille blanche, source d'inspiration. Le chef d'oeuvre est au bout de sa plume.<br /> Simba Ndaye
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M
Article de haute facture sur l'introduction du synthétiseur dans la musique africaine (congolaise en particulier). Merci beaucoup.<br /> <br /> Juste quelques questions:<br /> - Quel est cet instrument que Mpongo Love utilisait dans Kapwepwe, était-ce un piano, un harmonium ou un synthétiseur?<br /> - Était-ce avant ou après Nzinzi que Pépé Fély Manuaku avait utilisé le synthé avec Nzenze dans Grand Zaïko?<br /> <br /> Kester Emeneya avait vraiment révolutionné la musique congolaise avec l'album Nzinzi car après lui, presque tous ont sauté sur le synthétiseur jusqu'à ce jour.<br /> <br /> Je regrette toutefois la disparition de la section cuivre qui a conduit à la perte de ce feeling humain que procure un bon souffle (exemple: Mombassa de Lipua Lipua, Pambindoni de Bella Bella, les conversations entre la guitare de Franco et le saxo de Verckys Kimwangana dans plusieurs chansons du TP OK Jazz, etc...). Et comme l'ont dit certains des Mbokatiers dans cette discussion, la génération des bons souffleurs a disparu (vivants: Kiamwangana, Mekanisi???,... n'y sont plus intêressés); quel gâchis!.<br /> <br /> Est-ce que l'INA-Kinshasa forme encore des souffleurs? Les Kimbanguistes continuent à en produire pour leur propre consommation.<br /> <br /> Koffi Olomidé avait fait appel à Philipe Guez dans Ekatsaka; depuis lors, rien.<br /> <br /> Nous pouvons quand même encourager et remercier certains groupes qui utilisent encore le souffle dans leur chansons. Au fait, je n'en connaîs que deux jusque là: Jean Goubald dans son dernier album et le célèbre groupe cher à feu Alain Moloto, le Groupe Adorons l'Éternel qui a des très bons souffleurs. Ces deux entités musicales congolaises nous gratifient quand même de temps en temps de bonnes partitions de souffle.<br /> <br /> Max de Glasgow.
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S
D'accord avec toi, Sam, sur les avis (partagés) suscités par l'intrusion du synthétiseur. Il y'avait et il y'aura toujours les pour et les contre. Tout l'article est fondé sur cet aspect et se termine d'ailleurs sur un appel au respect des différents points de vue.<br /> En revanche, si comme toi, je regrette vivement la disparition de la section-cuivre, il me semble qu'elle est antérieure à l'intromission du synthé. Bien évidemment, le nouvel instrument a accentué cette disparition. Mais j'ai toutes les raisons de croire que la mise au rencart de nos grands souffleurs remonte à l'éclosion du clan Langa-Langa et ses multiples démembrements. Lesquels ont privilégié les pincées aigües des guitares solo, accompagnées des cris et onomatopées à n'en plus finir. A coup sûr, la ''mort'' de la section-cuivre correspond à la mort d'une certaine ''idée'' de la musique congolaise. Je suis entièrement d'accord avec toi.<br /> Simba Ndaye
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S
Bel article.<br /> Même s'il avait été ouvertement critiqué par de grosses pointures comme Tabu Ley, le synthé a tant soit peu révolutionné la chanson congolaise. Dommage que son emploie a précipité la disparition de la section cuivre. Le saxo et la trompette étant considérés comme instruments de musée, nous ne connaîtrons peut-être plus jamais ces grands souffleurs qui autrefois ont été à l'avant-garde des groupes mythiques comme OK Jazz, Afrisa, Bella-Bella, Continental, Grands maquisards et autres.
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