LA CRÉATION
LA CRÉATION de l’Abbé Paul KODJO
16.000 ! 16.000 exemplaires seulement. Certes, pour l’époque, c’était énorme. Mais pas de quoi révolutionner l’industrie du disque. Et pourtant !
Et pourtant, à sa sortie au milieu des années ’70, ‘’La Création’’, savoureuse parodie du Livre de la Genèse, à la façon ‘’français-tirailleur’’ ou ‘’ version petit nègre’’, ainsi que l’écrit un linguiste distingué, a d’abord fait le tour de l’Afrique ayant le français en partage.
Avant de séduire le monde francophone, dans son ensemble. Toutes les radios l’ont diffusée. Des écoliers aux parents, des jeunes aux vieillards, tout le monde en connaissait au minimum une tirade. Quelques radios québécoises la passaient à longueur de journée.
Son ‘’créateur’’, Paul Kodjo, fut ordonné prêtre le 9 janvier 1949, dans le diocèse de Gagnoa, en plein pays bété, dans le centre-ouest de sa Côte d’Ivoire natale.
Dans ce parler coloré, si familier à chaque Ivoirien, ‘’La création’’ fit un tabac. A sa suite, Paul Kodjo sortit ‘’Le Saint Homme Job, ‘’Les Béatitudes’’ ainsi que ‘’La Panthère et l’Agneau’’, adaptée d’une fable moralisatrice de Jean de la Fontaine.
Véritables condensées d’humour et de poéticité, variétés orales, populaires et ‘’africaines’’, toutes ces œuvres restent, aujourd’hui encore, d’une incroyable créativité linguistique et stylistique.
Que la Bible soit ainsi revisitée à ‘’la sauce africaine’’, ce fut une première! Mais selon certaines sources, Paul Kodjo avait reçu ‘’l’Imprimatur’’, c’est-à-dire le feu vert de sa hiérarchie ecclésiale.
Au demeurant, cette initiative s’inscrivait parfaitement dans ce que l’Eglise catholique avait appelé, après le Concile Vatican II, le processus de ‘’l’Inculturation’’. En d’autres termes, la meilleure manière d’adapter l’annonce de l’Evangile dans d’autres cultures, notamment africaines.
Sur la forme, d’autres pays, comme le Cameroun mais surtout la RDC, ont également expérimenté ce genre de créations paralittéraires (bandes dessinées, sketchs radiophoniques, pièces de théâtre…), avec des variables locales. Au Congo en particulier, les exemples sont légions.
En revanche, le contre-exemple de ce qui précède, c’est ‘’Nakomitunaka’’ de Verckys. Contrairement à La Création, cette chanson n’était pas du tout une parodie bienveillante mais plutôt une dénonciation en règle de la forme prise par l’évangélisation en Afrique et surtout au Congo. Dans un contexte de conflit larvé entre le président Mobutu et le Cardinal Malula.
A ce titre, l’Inculturation, pourtant initiée par l’Eglise catholique dès 1966, apparait comme une tentative de réponse au juste questionnement de Verckys.
Clin d’œil à Blondé, à qui le présent article est fraternellement dédié, « Nakomitunaka>> signifie : <<Je ne cesse de me demander>>. Elle a été traduite sur Mbokamosika.
SIMBA NDAYE