DE « L’AUTRE LUMUMBA » À LA « CONGOLITUDE » OU LES INOXYDABLES ÊTRE ET CULTURE DU PEUPLE DU CONGO !
DE « L’AUTRE LUMUMBA » À LA « CONGOLITUDE » OU LES INOXYDABLES ÊTRE ET CULTURE DU PEUPLE DU CONGO !
Jean-Chrysostome MOKWA MPAMBA
MACO
Manchester (Royaume-Uni), 29 juin 2019. Pour commémorer les 59 ans d’indépendance de la République Démocratique du Congo, l’ONG Manchester Congolese Organisation (MACO) avait invité l’écrivain, journaliste et libre penseur, Norbert X Mbu-Mputu, pour un exposé sur son néologisme de « congolitude », contenu dans son dernier livre présenté aussi l’occasion, livre publié après près de vingt ans de recherches, L’AUTRE LUMUMBA (MediacomX, 2018).
Ce fut un important moment d’échanges, avec comme recommandations à l’auteur de songer à publier, sous plusieurs formes et surtout en format pour jeunes (bandes dessinées, albums de jeunesse, ouvrage infographique, film d’animation, dessins animés, procédures nouvelles en 3D), ses recherches sur la culture congolaise, sur l’histoire commune du Royaume-Uni et le Congo à travers l’explorateur Henry Morton Stanley, né au Pays de Galles, et surtout sur « The Congo Boys » (les deux premiers enfants Congolais arrivé en 1885) et « The Congo Institute of Colywn Bay ». Ceci pour permettre aux nouvelles générations d’enfants et des jeunes Congolais de la diaspora de les connaitre et de les user. Car, c’est là que se pose un problème sérieux : la cassure culturelle devient écœurant, des enfants en quête d’identité et perdant la congolaise et embrassant difficilement la britannique, d’où des tensions et des frustrations palpables par l’usage des drogues et autres stupéfiants. Il faudra organiser des visites communautaires parents, jeunes, enfants et vieux, sur ces sites par les différentes communautés congolaises de la diaspora, et y organiser autour des activités culturelles et historiques en invitant aussi d’autres communautés et les communautés d’accueil aussi. Ce que l’auteur, leader et organisateur de communauté lui-même, a promis de poursuivre à l’échelle transrégionale et de s’y atteler surtout avec la mise à jour de ces outils nouveaux, ayant lui-même entrepris des études universitaires en cinématographie pour ce besoin d’user le septième art comme un nouveau médium ou une courroie de transmission entre les recherches des laboratoires des chercheurs, parfois solitaires et solidaires, et le commun des mortels.
Après cet exposé et l’interview nous accordée, cette récapitulation aide à fixer les idées car « les paroles s’envolent, les écrits restent ! ».
L’AUTRE LUMUMBA
Patrice Lumumba n’est plus à présenter. Premier premier ministre de la République Démocratique du Congo à l’indépendance en 1960, dans un système hérité de la Belgique où le Chef du gouvernement gouvernait tandis que le président, Joseph Kasa-Vubu, un quasi alter ego du roi, ne faisait que régner, c’est Patrice Lumumba qui avait l’effectivité du pouvoir parce que son parti, le Mouvement National Congolais, MNC, arriva premier aux élections de Mai 1960 et sa coalition avec le PSA d’Antoine Gizenga, le CEREA d’Anicet Kashamura, le BALUBAKAT de Jason Sendwe, pour ne citer que ces partis politiques, avait la majorité dans les deux chambres.
Mais, bien plus, après avoir été démis illégalement de ses fonctions un certain 5 septembre 1960 par une décision inconstitutionnelle du président Kasa-Vubu, il fut le premier leader du monde, un nationaliste, à avoir été assassiné un certain 17 janvier 1961, quelques heures seulement après leur arrivé à Élisabethville (aujourd’hui Lubumbashi), dans la province du Katanga, avec le ministre et général Maurice Mpolo et le président du sénat Joseph Okito, les trois bénéficiant de leurs immunités parlementaires. Ce fut un assassinat odieux dont le modus operandi rappelle, comble de la répétition de l’histoire, celui du journaliste saoudien Jamal Khashoggi récemment dans le consulat saoudien d’Istanbul : diligenté par une ramification des comploteurs et des complots avec, dans le cas de Lumumba, tous les services secrets étrangers ayant des bureaux à Léopoldville, la capitale, chapeautés par la CIA américaine, et des acteurs locaux, Congolais ; mais surtout avec les corps disparus et sans sépulture ! Surtout que ce Congo, sans les acteurs d’alors Congolais eux-mêmes ne puissent en prendre conscience, était au fait la ligne de front de la fameuse Guerre froide : c’est-à-dire avec tous les coups permis et où personne ne souhaitait donner céder un petit territoire à l’autre. Pour se faire une conscience tranquille, Lumumba fut taxé d’être un communiste, ce qui, dans un tel environnement de la Guerre froide, était un crime de lèse-majesté !
Après plusieurs publications sur Lumumba dont la pièce de théâtre du Martiniquais Aimé Césaire, Une saison au Congo, et même le célèbre film du Haïtien Raoul Peck, Lumumba, lui dont les parents arrivèrent au Congo comme fonctionnaires de l’ONU autour de ces années soixante, un film malheureusement ne pouvant être tourné au Congo même, les dernières révélations d’acteurs et des témoins, surtout du côté de la Belgique (dont un certain Gérard Soete, celui qui, avec son frère, pendant deux jours, furent chargés de faire disparaître ces corps, comme ils l’expliqua sans état d’âme, en les démembrant, en les coupant avec des scies à métaux, en trempant dans de l’acide sulfurique, avant de brûler ou de broyer ce qui ne pouvait disparaître et de disperser le reste dont les dents dans la nature - quelle description sorcière comme on l’aurait pu dire !, les rapports de la Commission parlementaire de la Belgique qui, après le livre de Ludo de Witte, L’assassinat de Lumumba, offre désormais un travail mis à jour répondant, à une certaine mesure, la question de savoir l’implication, que l’on sait, du Roi Baudouin et de hautes autorités de la Belgique, l’ancienne puissance colonisatrice du Congo sur cet assassinat) permettent ainsi de revoir les récits et, c’est le leitmotiv de ce livre, d’apprendre les leçons qui s’imposent pour éviter de retomber dans ces erreurs débouchant sur des tragédies, comme c’est souvent le cas, lorsque l’on évite d’apprendre les leçons de l’histoire dont la répétition est un modus operandi.
C’est le sens du titre de L’AUTRE LUMUMBA : un Lumumba à toujours creuser, un Lumumba à ne jamais clôturer le récit, un Lumumba aux mille ramifications, un Lumumba à toujours actualisé ! Comme l’avait souhaité lui-même Lumumba dans sa dernière lettre à son épouse Pauline, une Afrique devant écrire sa propre histoire, une histoire de gloire, ce livre de 740 pages avec des illustrations et des croquis, destinés aux enfants de l’indépendance, revisite nombreux apocryphes dans l’histoire du Congo (comme ce fameux livre d’or de Gizenga qui n’en était pas un), analyse certaines théories, revisite certains récits, rectifient certaines erreurs (comme celle d’affirmer que Lumumba, dans son draft du discours du 30 juin 1960 devant le roi et considéré comme un crime de lèse-majesté, l’avait commencé avec des formules de politesse ; ou encore sur l’auteur de la chanson phare des indépendances « Indépendance cha-cha » qui fut une œuvre collective des musiciens congolais invités à la Table ronde sous le label d’African Jazz), redessine la via dolorosa de Lumumba depuis son départ de Léopoldville un certain 27 décembre jusqu’à son arrestation à Lodi dans la matinée du 2 décembre 1960 avant d’être acheminé, par un avion d’Air Congo convoyé et exhibé à la descente par la Major Gilbert Mpongo, avec Lumbala, Mushungu et Bondhe, et emprisonné à Léopoldville, puis à Thysville et la chronologie en quittant la prison cette matinée fatidique du 17 janvier 1961 avec Maurice Mpolo et Joseph Okito, jusqu’à leur assassinat la même nuit de leur arrivée à Élisabethville. Le livre est une visite guidée !
Comme l’avoue l’auteur, il ne fut pas facile de finaliser un tel sujet sur un tel personnage, car, l’Internet aidant, des révélations nouvelles ne cessent de tomber, des précisions et le fait que certains acteurs et témoins se mettent à raconter, dans un mea culpa ou un ponce-pilatisme, même si certains se taisent jusqu’à mourir avec leurs secrets comme un Mobutu et un Bomboko, pour ne citer que ceux-ci.
Le livre stigmatise les erreurs volontaires ou involontaires, conscients ou inconscients, d’un Lumumba et des autres acteurs autodidactes pour la plupart comme le fait pour Lumumba de quitter sa résidence de Léopoldville alors gardée par l’ONU (psychologiquement, il ne croyait plus en l’ONU et craignait de se faire arrêter comme un monsieur tout le monde dans sa résidence), l’implication ou le mauvais rôle manifeste de ceux qui auraient évité cet assassinat : l’ONU à son plus haut niveau (avec, dans le livre, pour la première fois, les révélations de l’ami du pilote ayant abattu, après la mort de Lumumba, et comment il l’avait fait, l’avion du secrétaire général de l’ONU impliqué dans la crise congolaise, le Suédois Dag Hammarskjöld, mort à Ndola dans la résolution de la crise congolaise pour rencontrer le sécessionniste et président du Katanga Moïse Tshombe), les Congolais au pouvoir à Léopoldville (le président Kasa-Vubu portant la responsabilité juridique de cet assassinat, le Colonel Mobutu en en portant la responsabilité logistique, Victor Nendaka, le responsable alors de la Sûreté nationale qui vouait, Dieu seul sait pourquoi une dent contre Lumumba, mais aussi Mpongo et surtout le fameux groupe de Binza), et aussi ces entourages des uns et des autres, une vraie « tour de Babel » qui fit de ces leaders, les trois les plus en vue, Kas a-Vubu, Lumumba et Tshombe formant, sans le savoir et le vouloir, ce que le professeur Thomas Kanza qualifie d’un triumvirat fatal.
Le livre, une vraie bibliothèque, offre plus : la copie de la déclaration de l’indépendance, un simple papier A4, sans entête officiel, sans armoiries ni du pays nouveau ni du pays colonisateur, quelques phrases contresignées par les deux Premier ministres et ministres des affaires étrangères belges et congolais, papier dont le pays n’a même pas de copie ; le pourquoi et le comment du 4 janvier 1959, une date constituant l’élément accélérateur vers l’indépendance du Congo, une indépendance jamais pensée et planifiée; les récits des sécessions du Katanga et du Sud-Kasaï, un état bandit avec son empereur Mulopwe Albert Kalonji et forgé du néant à cause du conflit entre deux frères tribaux les Lulua et Luba et comment anthropologiquement ce conflit fut solutionné avec un rituel religieux traditionnel; la gestion de l’État Populaire Orientale et sa fin quasi rocambolesque avec ce parachutage des mercenaires à Stanleyville (Kisangani) en 1964 dont les affreux de Tshombe sans pitié; la rébellion ou l’insurrection muleliste du Kwilu commencé avec deux pistolets; puis quelques paragraphes sur le régime de Mobutu et son MPR Parti-État dont les ombres sont et semblent avoir été vite copiées par les régimes venus après de Mzee Kabila et de Joseph Kabila; le point d’orgue que constitue le régime du « lumumbiste » ayant raté d’honorer Lumumba, de Mzee Laurent-Désiré Kabila et son AFDL « conglomérat d’aventuriers » dont les points de suspensions et son assassinat, hélas, continuent encore à faire ombrage à une renaissance du Congo avec, cette fois-ci par exemple, un Rwanda qui appliqua au Congo ce que l’URSS appliqua en Pologne et en Allemagne de l’Est après la Deuxième Guerre mondiale (rappelée dans le livre) : une zone tampon d’où il tira et tire grand profit avec l’exploitation du Coltan et d’autres minerais précieux congolais. Dans un tel Congo-Zaïre, une place revient à l’UDPS et son sphinx Etienne Tshisekedi dont la sarabande aventure honteuse du refus de son inhumation (à l’époque de la rédaction du livre) devenant un vrai fonds de commerce politique, sans oublier la Conférence Nationale Souveraine dirigée par Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, sont autant des bégaiement de cette histoire du Congo, ce qui justifie le sous-titre long du livre : « Peuple du Congo, histoire, résistances, assassinats et victoires sur le front de la Guerre froide ». Le tout devant être conjugué, non pas seulement au passé, mais au présent, assure l’auteur.
LA CONGOLITUDE ALORS
Puisque l’auteur est une ramification d’amoureux de philosophie, d’anthropologie et de sociologie, après un master en gestion des ONGs, en cinématographique, sans comptabiliser des diplômes et des formations divers et membre de plusieurs organisations internationales, après un passé de fonctionnaire et d’enseignant et de fonctionnaire internationale à l’ONU, le livre est aussi une visite à travers les théories, thèses et antithèses de l’auteur et de ses maîtres à penser ou de ceux qu’il croient s’arroger le droit d’être des disciples même spirituels. Il parle des « églisettes de sommeil », de Lumumba devenu, selon les mots lui soufflé par le Colonel Omer Djembe, un « fonds de commerce », mais aussi de ce « marché des dupes » entre les Congolais et les étrangers dans cette tragédie où un chacun ou chaque camp, tirant la couverture de son côté, pensait user l’autre ; il rappelle par exemple aussi ce conseil du « Camarade » Julien Ciakudia Sr. qui le conseilla dans un posting au sujet de la dernière bibliographie de Mobutu par Jean-Pierre Langellier l’ayant commencé avec ce récit fantasmagorique de ce Mobutu ayant abattu un léopard alors qu’il n’avait que moins de dix ans : « Cher frère, un tel livre qui commence par nous raconter une histoire de chasse sans témoin est à lire sans lunette dans l’obscurité pour bien en scruter l’objectif et la motivation de son auteur. Bonne lecture ».
Puisque le livre se voudrait être à la suite des autres grands sur l’histoire du Congo (David Van Reybrouck dont le livre Congo. Une histoire, ajoute à cette histoire la partie journalistique et la part d’oralité en sourdine dans celui très hautement académique qu’est la Bible en la matière, le livre du professeur Isidore Ndaywel è Nziem (Histoire du Zaïre : de l’héritage ancien à l’âge contemporain, 1997), l’auteur met en exergue une phrase méditative du professeur Joseph Ki-Zerbo (qu’il eut la chance de rencontrer et qui le guida dans cette écriture de cette histoire) : « avant de tourner une page de l’histoire (du Congo/Zaïre), il faut (bien) la lire ! » Toute une invitation faisant souvent défaut à toute une génération à laquelle l’auteur se situe lui-même !
Un autre livre à lire et à méditer, dit l’auteur, son propre livre de chevet, d’ailleurs récemment traduit en français, est celui du Professeur Thomas Kanza : Conflict in the Congo. The Rise and The Fall of Patrice Lumumba (1972). Car, l’auteur, universitaire, est un des rares de ces années des indépendances, avec Cléophas Kamitatu et Anicet Kashamura, pour ne citer que ceux-ci, à avoir publié leurs mémoires. Thomas Kanza hisse Patrice Lumumba dont il était l’ami qu’il présente, avec les autres acteurs qu’il connut et fréquenta, différemment de celui des mass médias, lui qui, avant l’âge de trente ans, avait eu l’opportunité de visiter toutes les grandes capitales du monde, rencontré tous les grands de ces années 60 : Lumumba, écrit-il, est pour le Congo, celui qu’est Castro pour le Cuba, Lénine pour la Russie, Nasser pour l’Égypte, Nkrumah pour le Ghana, etc.
C’est dans cet éventail des mots qu’apparait un néologisme inventé par Norbert X Mbu-Mputu : « la congolitude », sujet de la conférence du jour, se voulant être la célébration de l’histoire culturelle du Congo. Car, avec les crises actuelles postélectorales du Congo dont un certain régionalisme ou un raisonnement en mimique à rapprocher partisane de ce que la professeur Marcel Lihau qualifia jadis de la coterie tribale, il faudra réinventer les mots, élaguer les maux et repenser ce qui constitue la fondation d’une nation et d’un peuple : sa culture !
L’introduction de l’auteur annonça les couleurs. Il rappela ce proverbe africain disant que lorsque la case d’un autre brûle, non pas seulement qu’il fallait lui apporter de l’eau (pour que ce dernier le fasse aussi lorsque demain la sienne brûlera aussi), mais, dit-il, il faudra apprendre les leçons du pourquoi pour éviter à ce que la sienne ne puisse demain aussi brûler. C’est en voyant la crise ivoirienne de la décennie passée que l’auteur, journaliste, c’est-à-dire dont le job est de tenir le journal et d’informer selon la loi disant qu’il y a information lorsqu’un homme a mordu un chien et non lorsqu’un chien a mordu un homme, c’est-à-dire cherchant toujours la petite bête, que, avec son background multidisciplinaire, Norbert Mbu-Mputu s’était lancé dans des comparaisons, tout en sachant certes que toute comparaison n’étant pas toujours raison (d’être). Avec la crise ivoirienne, l’auteur s’était mis à écrire dans les journaux ivoiriens sur ce qu’il qualifia de la « congolisation de la Côte d’Ivoire » : une guerre ivoirienne ressemblant, comme deux goutes d’eau, à celle du Congo où une rébellion avait subitement les mêmes droits que le pouvoir en place, un pays balkanisé presque, avec au final un Jean-Pierre Bemba envoyé à la CPI, suivi d’un Laurent Gbagbo et d’un Charles Blé Goudé de la Côte d’Ivoire, avant que, ironie de l’histoire ou hasard de la chose, que l’histoire comparative ne les fassent tous blanchir et sortir des prisons aux mêmes circonstances presque. (Comme il l’ajouta en sourdine, la dernière crise ivoirienne avec un Guillaume Soro, ancien président du parlement quittant le camp du président Alassane Dramane Ouattara, alors que les deux étaient des alliés, semble être, copiée au Congo avec les accords FCC/CASH, ceux de LAMUKA et le grand drible des opposants Congolais à Genève, une « ivoirinisation » du Congo).
Aussi, avec l’usage de la fameuse « ivoireté », copiée aux élections passées congolaises pour naître la « congolité », l’auteur s’est dit qu’il fallait alors éviter ce piège de l’« ivoirinisation du Congo » et combler au fait le vide conceptuel en cherchant et en inventant un mot pouvant mieux expliquer et exprimer l’identité et le moi profond congolais. D’où, usant de son passé d’enseignant au secondaire où il était un féru de la littérature négro-africaine (avant d’en devenir l’un des auteurs nouveaux), et usant de son background d’avoir étudié le latin, il alla puiser dans les suffixes des mots et trouva que le suffixe « itude » exprimait l’état du dedans d’une chose ou d’un être, contrairement à « ité », exprimant un langage ou « ture », exprimant une couverture ou une ombre. D’où, partant de la « négritude » inventée vers les années 1930 par Aimé Césaire, avant d’être repris dans son Cahier d’un retour au pays natal (1939) et de venir l’un des courants littéraires le plus prospères de la littérature négro-africaine dont les trois piliers sont Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas et Léopold Sédar Senghor, avant de se faire joindre par Édouard Glissant, Birago Diop, Semble Ousmane, Ake Loba, Bernard Dadié, Cheikh Hamidou Kane, Wole Soyinka, Chinua Achebe, Guy Tyrolien, Jacques Roumain, Antoine-Roger Bolamba, pour ne citer que ceux-ci, pour Norbert Mbu-Mputu, pour éviter d’inventer la roue, il ne fallait plus aller loin et il inventa alors la « congolitude ».
DÉFINITION
Donc, « sur les pas de la « négritude », la congolitude est tout simplement la manière et le fait d’être Congolais. C’est la culture congolaise dans son ensemble ; c’est la façon particulière de se comporter du Congolais qui le différencie des autres. Tout comme « The Britishness » chez les Britanniques, chez les Congolais, les Congolais ont la « congolitude ». À la différence de la « congolité » sentant et proche de la fameuse « l’ivoireté », c’est-à-dire proche d’une xénophobie ombrageuse, différente de la « congoliture », néologisme inventée et usée par Roger Lumbala dans son essai, Kasaien, réveilles-toi (Kinshasa, 2009), c’est-à-dire un quasi langage puisque définie comme « l’étude du fait d’être congolais » donnant « l’obligation de parler et de combattre tous les maux qui peuvent chercher à ronger » la société congolaise, la « congolitude » est l’être congolais complet et plein, dans ses coins et recoins, dans ces brouilles et embrouilles.
Comme la négritude qui lui en donne une vision et une version la congolitude est la simple façon de se comporter du Congolais, de s’assumer Congolais, de l’être, de le vivre et de le survivre ; c’est la fierté de porter ce même moi profond, ce même sang existentiel dans nos veines; c’est la culture propre congolaise, tous les Congolais ayant quelque chose de commun malgré le puzzle ethnique apparent donnant des vertiges à l’étranger qui perçoit des différences entre l’est et l’ouest, entre le nord et le sud, entre les forêts et les savanes, entre les plaines, les plateaux et les montagnes ; la congolitude est ce sentiment de se sentir tous égaux, tous fils et filles d’une seule mère patrie : le Congo ; la congolitude est une dialectique et un dynamisme, c’est cette capacité et cette volonté que nous avons de le manifester, c’est un mouvement, une volonté, un combat contre la médiocrité et le défaitisme ou le pessimisme, une résistance à refuser d’être traité comme des parias ; la congolitude c’est ce for-interne et for intérieur congolais inoxydable ; c’est un hymne sacré et une sève vivifiante nous sachant ni veufs encore moins orphelins puisqu’ayant comme
pères et mères des vertébrés pur-sang et comme frères et sœurs des résistants et des combattants « refusant d’assister consterner à la réduction des tribus sauvages » malgré « les balles trouvant parfois un rempart sur la carapace de notre peau » avant que le feu et la foudre ne pulvérisent les os de quiconque venant à trahir cette terre Kongolaise, cette terre africaine, comme le clame Matala Mukadi Tshiakatumba dans son poème « Manzambi » tiré de son livre Réveil dans un nid de flammes (1969).
Dans cette recherche de définition, il y a peut-être pas meilleur symbolisme pour la congolitude que ce fleuve Congo « unissant par le sort » et « unissant par l’effort » pour la victoire ; ce fleuve, tout un lien sacré, puisque puisant ses eaux des limons de la Lualaba dans les savanes de l’extrême sud-est, remontant la forêt et les hauts plateaux de l’est, contournant la plaine marécageuse du nord, lorgnant les collines et vallées de l’ouest, se nourrissant des eaux poussiéreuses des affluents et confluents du centre, afin de se faire vomir, après des hauts et des bas des Cataractes, dans le ventre insatiable bleue de l’Atlantique à percevoir les eaux à plusieurs kilomètres, faisant fi de la marée haute ou basse. Malgré les risques de négativité et de négationnisme, d’égoïsme légendaire et de corruption, la congolitude c’est cette ouverture à l’autre, ce c’est cette solidarité et ce dialogue permanent ; la congolitude est un humanisme, un existentialisme et ce réalisme congolais ! La congolitude est au fait un puzzle à rassembler. Mais, c’est aussi une photo unique à découper en morceau pour en faire les pièces d’un puzzle…
Comme la négritude, la « congolitude », comme il le publia dans un premier article dans « Le Potentiel online », est le simple fait d’être Congolais ; c’est le Congolais et la Congolaise dans leur essence interne, dans leur moi profond, dans ce qu’ils ont d’inoxydable, c’est la culture congolaise dans sa diversité unitaire ou dans son unité diversifiée.
Au fait, avec ce fleuve assez spécial ayant un débit uniforme pendant toute l’année et baignant le pays du nord au sud, de l’est à l’ouest, le Congolais est le peuple du bassin uni et uniforme du Congo. Et, il ne faudra que passer une frontière congolaise où se retrouvent parfois des peuples transfrontaliers pour se rendre compte que quelque chose change lorsqu’on traverse le fleuve et ses eaux : ceux du bassin du Congo sont unique et ont une vision du monde et des choses différentes des autres. Bien plus, alors que le Congo est formé de 300 à 500 tribus (selon les définitions du mot), la dernière cartographie par le Père Léon de Saint Moulin, Conscience nationale et identités ethniques : Contribution à une culture de la paix (CEPAS), divisant le pays en huit sones ethnolinguistiques offre ceci de particulier en ce que ces zones sont unies par ce que l’éminent professeur appelle des « zones de cohabitation ». Au final, analyse Norbert Mbu-Mputu, les tribus congolaises forment au fait une chaine sacrée soudée, car, chaque tribu et sa terre a comme frontière une zone de cohabitation, c’est-à-dire devenant un maillon de la chaine nationale connectée.
Ainsi, la congolitude, dit-il, est et devient la culture congolaise qui est une, que tout explorateur traversant le fleuve et ruisseaux frontaliers trouve l’agir du Congolais différent des autres voisins, mais dans ce tout unitaire culture congolaise se retrouve toutes sa mosaïque kaléidoscopique des diversités apparentes causant parfois du vertige à tout non Congolais et tout non initié. Cette unité de la congolitude poussa le Père Franciscain Placide Tempels par exemple à découvrir et à écrire son livre célèbre de La philosophie bantoue, après une observation de la culture des Baluba seulement.
Puisque la négritude eut une étymologie latine « negritudo-negritudinis » inventée par son auteur, pour Norbert Mbu-Mputu, abordant dans le même schéma, trouva aussi un néologisme étymologique latine à sa « congolitude » : « congolitudo-congolitudinis ». Puis, rappelant Césaire, « je sais que le mot n’est pas très bon, explique Césaire lui-même. Mais, on n’a pas trouvé d’autres. En tout cas, il dit ce qu’il veut dire. C’est un mouvement littéraire qui s’est donné pour but d’exprimer les problèmes de l’homme noir sur la base d’une prise de conscience par celui-ci de sa propre condition » ; servant à restituer l’homme noir dans l’histoire, car c’est l’histoire qui fait la conscience mais, dialectiquement, la conscience pèse aussi sur l’histoire, « et la négritude, à mesure où elle pèse sur la conscience et essaye de forger à l’homme noir une condition nouvelle, a une influence très certaine sur l’histoire, sur l’histoire de tous les jours, sur l’histoire moderne de l’homme noir ». Aussi, la congolitude impose-t-elle à l’homme congolais cette prise de conscience de sa place dans son histoire et dans celle du monde où il doit devenir acteur et non contemplateur ; usant d’une intelligence active et non passive attendant que le travail lui soit fait par l’autre ou l’étranger. Juste pour éviter de tomber dans un piège xénophobe, comme avec la négritude née dans le giron de l’humanisme européen, la congolitude est un humanisme aussi.
LE CONGO DU BIG BANG : UNIS PAR LE SORT
Pour trouver un socle à un tel néologisme qui doit désormais être célébré, il n’a trouvé mieux que d’aller le connecter aux livre du professeur, philosophe aussi, Kaumba Lufunda Samajiku, Unis par le sort (NORAF, 2014). En effet, comme le professeur Kaumba l’expliqua lorsqu’invité par le professeur Elikya M’Bokolo dans son émission « Mémoire d’un continent » (RFI), contrairement à une certaine opinion voulant faire du Congo un pays né de la volonté d’un homme, d’un explorateur, fut-il Stanley ou Léopold II, avec la symbolique de son fleuve Congo unique en son genre le baignant entièrement avec ses affluents et confluents de la source à son embouchure, traversant et unissant le pays entier et en assure unité et union, le Congo est le Congo d’origine dont le peuple est uni par le sort (les eaux du fleuve). D’ailleurs, de l’avis de tout voyageur traversant les frontières congolaises, malgré les peuples à cheval parfois, le peuple du Congo est à la fois particulier, spécial et unique. Voilà, dit Mbu-Mputu, le Congo, au fait, c’est le « Congo du Big Bang », le Congo de cette explosion ayant été à l’origine de l’humanité. Mais, parlant de cette explosion aussi, il chute en disant le débat restera toujours, comme celui qui de la poule et de l’œuf a vu le soleil premier, de savoir dans ce « Big Bang » d’origine, est-ce l’explosion d’une première entité unitaire qui créa astres et êtres et choses ou est-ce plutôt l’explosion qui fit souder les matières éparpillées d’origine devenant alors unique par le fait de l’explosion !
Au fait, un puzzle, la congolitude, c’est le Congo, le Congolais et la Congolaise dans un temps deux ou plusieurs mouvements ; c’est le Congo du Big Bang, originel et original ! », donnant et causant parfois des vertiges à tout non initié ne pouvant pas comprendre comment une telle mosaïque des peuples et populations vivent en harmonie et l’affirme d’une façon jalouse.
Il faudra, invite Norbert, aller lire la dernière lettre de Roberto Garreton au peuple congolais pour se rendre compte de ce dualisme existentiel du Congo : après huit ans où il visita et fut au chevet des droits humains du Congo pour l’ONU, l’éminent avocat Chilien s’est dit être sincère pour n’avoir pas encore compris le Congo qu’il devra encore découvrir dans son for intérieur ; mais, curieusement, de tous ses voyages au Congo, il a connu et rencontré aussi un Congo et les Congolais unis, jaloux de leur unité nationale, de leur pays à ne jamais balkaniser, un pays de l’hymne national « unis par le sort » et du « Debout Congolais ».
Dans l’éventail des actes à placer dans la congolitude, l’auteur mentionne alors des habitudes alimentaires adoptées par tous les Congolais comme le « fumbwa », le « kwanga » (la chikwangue), le « pondu » (feuilles de manioc) aux multiples cuisons, les « mikate » ou galettes de farine de froment grillées ; mais aussi des habitudes culturelles traditionnelles comme les intronisations des chefs coutumiers, la régulation et le règlement des conflits comme celui entre Lula et Luba en 1960 ; puis les notions comme le « kimbutisme » (le fait et le respect pour quiconque ayant vu le soleil premier), le « kinzonzi » (la concertation dans son sens le plus conciliant de « balance of power » c’est-à-dire en prenant en compte aussi l’opposant et l’opposition, le « tshibau » ou l’interdit sexuel de profaner le mariage exogamique, les noms des tribus ou des clans étant les mêmes que ceux des propriétés terriens claniques ou tribales, une terre alors ontologiquement inaliénable et ne pouvant jamais être vendu à n’importe quel prix, mais ne pouvant qu’être donné en location, d’où tous les conflits des terres de ces nouveaux prédateurs pensant acheter la terre avec quelques sacs de sel comme hier les amis de Stanley le firent en échange des miroirs et des aiguilles, choses que les chefs coutumiers ne prenaient pas de la même façon que leurs nouveaux venus ; la place sacrée de la femme (tout congolais se ferra arracher ses cheveux devant quiconque insultera sa maman) et de l’enfant ; la liberté d’habiter n’importe où dans le pays; mais aussi cette facile adaptation et acceptation de l’autre comme le démontre l’adaptation ou la congolisation de la « rumba » dans la musique congolaise moderne et cette maitrise des instruments modernes incroyable. Cette congolitude va aussi dans cette ouverture du Congolais à accepter tout étranger ; comme avec la négritude, la congolitude est ouverture vers l’autre ; bon cœur et un homme de bien, le Congolais est tout sauf un monsieur méchant, tout en donnant parfois l’impression d’être distrait et de ne pas prendre au sérieux certaines choses ; la congolitude c’est aussi cette opportunisme congolais de sauter sur tout occasion possible ; c’est aussi son côté festif éternel ; mais surtout, ce que nombreux oublient souvent car ne le sachant pas, ce « syndrome du 4 janvier 1959 » : cette capacité pour le Congolais de se rebeller, de prendre son destin à main, et cela parfois à partir de ce que Père Léon de Saint Moulin, un des meilleurs observateurs étrangers du Congo, analyse avec les événements du 4 janvier 1959 en épinglant la part « des éléments d’environnement » dans ce choc de l’histoire… Qui aurait cru et qui pourrait comprendre pour une histoire d’un match de football et d’un meeting raté à cause des lettres envoyées et arrivées en retard, déboucha sur des morts d’hommes jusqu’à déclencher l’indépendance !
C’est un tel syndrome du 4 janvier que reconnait l’Américain Devlin, alors directeur de la CIA à Kinshasa à l’indépendance et pendant les années Lumumba, ayant œuvré à le mettre à l’écart (ou à l’assassiner aussi), lorsqu’il écrit dans ses mémoires, rapporte l’auteur : « La mort de Lumumba ne résolut ni les conflits politiques et militaires du Congo… Après l’annonce de la mort de Lumumba, Léopoldville resta calme et il n’y eut aucun rapport d’émeutes du Congo…. Lorsque le Quartier général [de la CIA] demanda pourquoi tout était calme, je répondis que, au Congo, rien ne réussit comme le succès et rien n’échoue plus que l’échec ». Ce que Norbert aussi, rappelle-t-il, met en exergue dans son roman Ville-morte (1999) : « Car, quiconque a grandi dans ce pays sait que c’est le jour où on a cru la république s’embrasser et être mise sens dessus-dessous qu’il en sera rien. Par contre, le jour où l’on croit voir tout marcher comme sur la roulette, qu’on apprend que là, de l’autre côté, ça a crépité ; qu’à l’Est, à partir des hauts plateaux et des montagnes, certains ont pris les armes. Et les armes chez nous se prennent toujours de ce côté-là. Chez nous donc, une vérité devient têtue : c’est de l’Est que nous proviennent tous nos malheurs ».
C’est cette congolitude que les Rwandais envahissant Kinshasa après la guerre du 2 août 2001 et cette ville de Kinshasa prise presque, avant que des habitants des faubourgs, avec des mains nues, ne puissent, par on ne sait quelle mouche, repousser les envahisseurs et sauver le régime de Kabila. D’ailleurs, toute l’histoire de la colonisation et de la traite négrière, depuis le Royaume Kongo, avec un Msiri réfutant les Belges, est échelonnée de ces récits de ceux se disant, comme le disent les Tetela « kema fumbe » (ne jamais être esclave de), avec des assassinats des agents de Léopold II, comme le célèbre Lekukoï ou le sujet Danois Lohman et le chef coutumier Utsr Augustin au service des collecteurs du caoutchouc de sang de Léopold II chez les Basakata vers les années 1910…
C’est cette congolitude ou ce miracle existentiel congolais souvent oublié que rappellent non pas seulement la chanson légendaire « Indépendance cha-cha », mais aussi comme le chante si bien Max Mongali dans « Lombonga (Révolution) : “Yeh Lombonga eh-eh, Lombonga ah eh-eh, ba mama bakolela !/Baboti ngai moindo na Congo monene, nakoli na kati ya bapaya, nalelaki ah mama !/Ntongo etanaka mpo ya moto nyoso ya mokili, Mbula matari akangisi mayele na nga na molili !/Bayibaki eh, bakosaki bayindo, Lumumba atelemi, atumbi moto na ebale !/Babanzaki, bazindisi bayindo, Liwa ya Lumumba epelisi mwinda na mokili. (…) Massamba Deba eh, Sekou Touré ne Nasser, wapi Ben Bella na Nkrumah, Tolela Boganda ah !/Uta na Mozambique, Angola kin’o Rhodésie, Sud Afrika, Nzambe oh, Afrika ya kotimbola./Angola ekozika eh, Mozambique ekobelela ah, bana y’Afrika nyonso tolela baninga, a Nzambe !/Mao na Ho Chi Minh bilombe ya révolution, wapi Guevara na Malcolm, toyemba Lombonga ah Nzambe !/Bolivie na Guatemala, Venezuela na Uruguay, Vietnam, bilombe ya guérilla, nde bolongi etumba ! » (Révolution ! Révolution ! Les mamans ne cessent de s’interroger en pleurant ! Noir, je suis né, dans le grand Congo, j’ai grandi sous la colonisation étrangère, je ne cessais de pleurer à chaudes larmes ! Le soleil se lève pour tout citoyen du monde, Mbula matari, le colon, a tenté le tout pour tout pour bloquer ma réflexion dans le noir et contrecarrer ma révolte ! Ils ont pillé, ils ont menti, volé et violé les Noirs, Lumumba s’est levé, il a mis le feu sur la rivière ! Ils pensaient en avoir fini avec des Noirs submergés dans les eaux profondes et réduits au silence, la mort de Lumumba a allumé une lampe, une lumière désormais éclaire le monde et plus rien ne se cache désormais. (…) Massamba Deba, Sékou Touré et Nasser, où est Ben Bella, Nkrumah, nous pleurons jusqu’alors Boganda qui nous manque ! Du Mozambique, Angola passant par la Rhodésie, l’Afrique du Sud, Dieu du ciel, cette Afrique qui se fait violer ! L’Angola brûle, le Mozambique pleure, fils d’Afrique compatissons et soutenons les luttes des autres, Dieu du ciel ! Mao et Ho Chi Minh, des leaders des révolutions, où est Guevara et Malcolm, chantons pour la révolution, Dieu du ciel ! Bolivie et Guatemala, Venezuela et Uruguay, Vietnam, vous qui êtes les leaders des guérillas, confiant, vous gagnerez !).
Une telle congolitude peut bien se remarquer même dans des manifestations les plus ordinaires comme dans cette guéguerre sans merci que se livrent la « kinoiserie » (cette capacité langagière du kinois de tous banaliser et de tous congoliser) et la « chinoiserie », pour ne prendre que celle-ci ou la volonté de l’étranger d’imposer ou de « léopoldiser » ou, pour reprendre Bokomba Kassa-Kassa dans ses deux essais Les enjeux de la réhabilitation du pouvoir coutumier congolais (2012) et Réformes, révolution et indépendance pour un Congo meilleur (2011), de « léopoldiniser » le Congo : ce Congo que l’on voudrait être façonné par une seule personne à l’instar de Léopold II, d’où les assassinats, des résistances comme ces combattants de Londres faisant la loi en leur façon depuis une décennie alors qu’ils n’ont ni organisation sous-jacente, ni structure ad hoc, encore moins de document constitutif, sauf une chose ils existent avec leur « muntakalisation », « ingeta », « lumbe-lumbe ».
Vous allez au Congo, vous rencontrez le Congolais, semble conclure Norbert, voyez-en lui sa « congolitude », célébrez-la avec lui et à sa manière, respectez-la et les vaches du monde ne seront que bien nourries par le Congo. L’auteur dit que la « congolitude » née de son laboratoire ferra son bonhomme de chemin avec des détracteurs ou des usagers, car, les mots comme les attributs des sciences humaines, évoluent ou non, selon parfois des lois inexplicables. Son rôle fut de l’avoir inventée, à tout Congolais d’en faire usage surtout en se sachant ne pas être orphelin ou veuf, car ayant pour Père un Patrice Lumumba, lui-même venu dans le socle d’un Kimbangu, ou d’un Kimpa Vita et des autres résistants congolais et africains comme cette histoire jamais entendue des femmes de Nder du Sénégal ayant refusé tout esclavage des négriers Maures, préférant se faire immoler, textuellement comme le furent les Juifs de Massada.
La congolitude, c’est ce peuple du Congo souvent oublié mais que retrouve Van Reybrouck dans la traduction anglaise de son livre, pragmatisme anglo-saxon oblige, Congo. The Epic History of a People (Congo. Une histoire épique d’un peuple) et que Senghor présente dans sa préface à Esanzo. Chants pour mon pays, d’Antoine-Roger Bolamba : « Bolamba ! Il nous vient du Congo belge, où il n’y a pas que ports, mines, barrages, usines et dollars, où il y a des hommes » ; ce surtout ce Congo dont Frantz Fanon a dit aussi : « L’Afrique a la forme d’un revolver dont la gâchette se trouve au Congo ».
Quoi de mieux pour exprimer cette manifestation de la « congolitude » que l’exemple de ce fait que, alors que nombreux diront, « makambo ya ba Congolais esimbaka te » (rien de bon avec les Congolais), voici que l’ONG Manchester Congolese Organisation (MACO) venait de signer un contrat avec la mairie et va alors gérer son propre bâtiment, devenant la première organisation congolaise à avoir ses propres bâtiments à Manchester, lieu de célébration de la Congolitude pour surtout la cinquième génération des Congolais au Royaume de sa Majesté Élisabeth II, avec les ces premiers Congolais qui y arrivèrent, comme il l’expliqua, en 1885, ces deux garçons venus de Pala-Bala, amenés à Colwyn Bay au Pays de Galles et qui y moururent et où, avec leur bienfaiteurs et pasteurs, le Révérend Hughes, fondèrent « The Congo and African Institute of Wales », ayant formé, de 1891 à 1912 des centaines d’enfants noirs amenés d’Afrique et d’Amérique et renvoyés chez eux, les deux premiers, Nkanza et Kinkasa, morts et enterrés à Colwyn Bay et dont les tombes, avec le soutien de l’Ambassade du Congo à Londres, via la chargée d’Affaires alors Madame Thérèse Kafenga, finança la réhabilitation de ces tombes devant devenir un lieu de pèlerinage historique pour tout Congolais du Royaume-Uni. Voilà encore une manifestation de la congolitude, alors que nombreux trouveront impossible pour l’ambassade de financer de tels travaux ! Et pourtant !
Mais, pour éviter à la « Congolitude » d’être caricaturer négativement, il faudra dire et redire que, étant l’alter ego de « The Britishness » chez les Britanniques, il lui faudra, non plus un « leadership de sauvetage » dans un bal des chauves (et des chauves-souris), concepts hérités d’Etienne Tshisekedi, mais des leaders Congolais sous l’ombre de Patrice Lumumba, agissant avec son esprit, comme le fit un Jean-Baptiste qui vint avec m’esprit d’Eli le prophète, un Jerry Rawlings du Ghana qui régna sous l’ombre de Kwame Nkrumah, s’étant dit, dans une interview que l’important pour lui était de mettre en place des institutions et un système nouveau pour que, même si le diable tombait du ciel, par le fait des procédures, ce diable respectera la volonté du peuple ; au fait, comme le conseille aussi Chinua Achebe dans un essai à lire en remplaçant « Nigeria » par « Congo » : « The Trouble with Nigeria ». Le problème congolais ne puis être rétrograder aux « kwanga et makayabu » (la bouffe des chikwangue et des poissons salés), c’est un problème existentiel que doit prendre à cœur des fils et filles qui, comme dans nos villages où, lorsqu’il y a danse, le soir au clair de lune, le tam-tam n’est jamais cédé entre les cuisses de n’importe quel quidam ! La congolitude, un mot, un mouvement, une dialectique, une approche de prendre les choses congolaises au sérieux et dans leurs profondeurs et non pas dans leur superficialités.
ENFIN…
Une chose est vraie, tous avions été bien servis par un tel exposé ressemblant à un voyage touristique à travers le Congo profond, mais un Congo tourné vers le future aux mains des Congolais. L’auteur reste ouvert pour d’autres sollicitations dans différentes communautés pour parler de ses recherches, ses trouvailles, ses livres, ses concepts, mais aussi pour faire parler les vieux muets souvent qui ont pourtant des choses et des enseignements à nous apprendre. Le livre L’AUTRE LUMUMBA. Peuple du CONGO : Histoire, résistances, assassinats et victoires sur le front de la Guerre froide (MediacomX Ltd, 2018, 740 p.) qui connaitra une traduction en Anglais, est déjà en vente et en ligne (http://www.lulu.com/shop/http://www.lulu.com/shop/norbert-x-mbu-mputu/lautre-lumumba-peuple-du-congo-histoire-r%C3%A9sistances-assassinats-et-victoires-sur-le-front-de-la-guerre-froide/paperback/product-24161972.html), avant qu’il le soit sur les autres moteurs des ventes en ligne. L’auteur en profite pour remercier ainsi tous ses nombreux amis l’ayant supporté dans un tel travail ardu.
Quant à sa « congolitude », il en est comme ce proverbe disant : « mbwa azali na makolo manei, kasi alandaka se nzela yoko » (le chien a quatre pattes, mais ne marche que sur une seule direction). Cette congolitude, stigmatise l’auteur, existe et nous en sommes ses disciples, ses apôtres, ses fils, ses filles, pour la transmettre, dans une « unité par le sort », à nos enfants pour une Congo débout ! La Congolitude est une façon pour le Congolais de faire sien l’invitation du maître Socrate : « Connais-toi, toi-même », pour éviter à ce qu’autrui et surtout étranger viennent te mettre les doigts dans les yeux, alors que ceux-ci sont grandement ouverts. Certes, la congolitude n’est pas un aveuglement ou une utopie légendaire se versant parfois dans la fameuse culture des « mabanga » (dédicaces) de la musique congolaise moderne où, faute des phénomènes et de vrais leaders de la société, des moins valeureux et des médiocres parfois se voient arracher des titres, s’octroient des épithètes et des attributs du sujet ou s’arrogent des compléments de noms qui sont au fait des identités d’emprunt et fausses (Jaques Ilunga, étage ya suka (au-dessus duquel ne peut se retrouver aucune autre personne) ; Serge Kassanda, FMI, Fonds Monétaire International) ; Adam Bombole, le Grand Saoudien car, il n'a que foutre de la hausse ou la baisse du dollar ; Didier Kinuani est l'infinitif qu'on peut conjuguer en matière d'argent et aussi le sauveur de l'humanité puisque grand acheteur des pierres, entendez des diamants ; Didier Franck Le Sanhédrin car c'est lui dicte la loi divine ; le PDG Ibrahim l'homme d'en face ; Koko Malanga le new cavalier ; Dany Ndende Real de Madrid , l'homme qui arrête le temps ; Patsho Muluba le capitaine des vaisseaux ; Jean-Dominique Okemba le train spécial qui mène partout et à destination ; Jojo Dona Gracia la premier dame de Joburg ; Etats-Unis Kabaka Muzunga qui dirige le monde entier; Ntumba Masikini le grand bailleur des fonds ; Patrick Bolonya huitième merveille, la couleur d'origine, l'homme de la race rare ; le Brun Masela Champs Elysées par où passe le président élu; Papson Izebonga l'Unité centrale qui commande tout ; Solange Camara, la diva supérieure ; Riva Menga, le héros dans l'ombre ; Bruno Matadi, L'homme en question ; Éric Tola, l'empereur Hiro-Hito). Et même le musicien lui-même n’échappe pas à ce épiphénomène : c'est Koffi Olomide et Papa Wemba qui battent le record de tous les « se-sentant-mal-dans-leurs-propres-peaux» - Papa Wemba, Shungu Wembadio de son vrai nom est, Ekumany, Vieux Mzee Fula Ngenge, Vieux Bokul, Kuru Yaka, Mangrotoko Grand-Prêtre, Bakala dia Kuba, Le Grand Mayas; Koffi Olomide, Antoine Akpeba de son vrai nom est Papa Plus, Papa Sucre, Quadra Koraman, Tshatsho, Rambo ; à leurs côtés, leur alter ego Emeneya Mubiala est Djo Kester, King Kester, Nkua Mambu pour dire le propriétaire de tous les dossiers, comme aurait dit Awilo Longomba, Muntu ya Zamani, Ya mokolo oleki bango, Muntu Mukwabo, puis il fut « Jésus » aux premiers jours de leur orchestre Victoria Eleison ; Noel Ngiama Makanda est phénomène par excellence, il est Werrason le roi de la forêt, le roi de la jungle, le roi des animaux « mokonzi ya banyama » (le roi des bêtes) ; JB Mpiana est le souverain premier, l'unité de mesure, Bin Adam, Salvatore del Patria (le sauveur de la patrie), le héros national ; Marie Paul est le roi soleil (qui montre le chemin) ; Adolphe Dominguez est Cassius Clay, Mohamed Ali, Trinita Bush; Blaise Bula dit Ingénieur, est Alpathino, Diego Cao, etc. (http://www.congovision.com/nouvelles/cv_mputu_mabanga.html).
La congolitude exige ainsi une vraie analyse SWOT du congolais pour devenir conscient de nos forces, faiblesses, opportunités et risques. Mêmes les fameuses insultes « BMW » (Biere, Money, Women – Bière, Argent, Femmes) doivent devenir des outils et des moyens de sursaut d’orgueil, selon le proverbe disant que « quelqu’un qui te mord te rappelle que tu as aussi des dents ». Ceci surtout dans l’agir politique congolais où il devient parfois difficile de croire à un leader ; de militer dans un parti ; de devenir membre d’une coalition donnée ; avec « des éléphants annoncés arrivant avec des pieds cassés ». C’est ça aussi la congolitude : à boire et à manger culturel congolais ! Certes, des exceptions et des personnalités vertébrés sortant du lot, parfois moins bruyant existent et ils sont nombreux ! Certes, ces « 4 janvier 1959 » et ces « autres » Lumumba ne surgissent et ne naissent pas à toutes les saisons ! Hélas ! Faute de les avoir à tout coin des rues et à tout tournant de l’histoire, conclut l’auteur, il faudra les fabriquer, les forger, les former, les enfanter, les façonner, les pré-fabriquer, les trainer, les entrainer, les aspirer et les inspirer par des récits des héros comme Patrice Lumumba !
De L’AUTRE LUMUMBA à la CONGOLITUDE, il n’y a qu’un pas à franchir facilement !