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Publié par PEDRO

Une caractérisation du tribalisme (deuxième partie)

 

Vous comprendrez, chers mbokatiers, qu’en vous présentant une deuxième partie d’un texte, j’essais tout simplement de m’inspirer des Mwambe de Johnny Bokelo. Dans cette deuxième partie, je voudrais vous livrer trois épisodes qui nous amèneront – méthode inductive – à « ma » définition personnelle du tribalisme.

 

Premier épisode : je suis à l’aéroport O. R. Tambo à Johannesbourg et je bavarde avec trois jeunes angolais pendant que nous attendons nos vols respectifs. Quand je dis au revoir, l’un d’eux me demande : « O Kota é angolano ? ». Cette question n’est pas discriminatoire. Elle est sincèrement informative. Je ne parle pas portugais avec un accent acceptablement angolais et je n’utilise pas des mots comme kota et ndengue qui identifient un angolais.

 

Deuxième épisode : le vol de ce même jour m’amène à Maputo où je reste pendant une semaine. Le jour du départ, des jeunes filles mozambicaines me disent que je n’ai pas un accent angolais ; ils avaient cru que j’étais mozambicain. Cela signifie que mon accent n’est pas « étranger ». Par « non étranger », je veux dire que je parle portugais comme un autre citoyen des PALOP (pays africain de langue officielle portugaise).

 

Troisième et dernier épisode : Rewind vers 1990. Je suis à Warwick avec deux amis du Congo Brazzaville qui ne font pas le même cours que moi, mais avec qui je bavarde souvent en français. Ils ne connaissent pas mon nom de Pedro, mais mon nom kikongo qui n’est pas différent de Lukoki, Luvumbu, Kiala, Makengo ou Mpululu. Puisque je parle français avec un accent acceptablement rdcongolais, ils s’étonnent quand un jour je cite un proverbe en kikongo. « Tu es donc angolais ? », s’aperçoivent-ils.

 

Conclusion : Il existe une dimension sociolinguistique de mon angolanité. Dans mon cas personnel, mon angonalité passe nécessairement par le kikongo. Ce passage obligatoire signifie que, moi personnellement, je ne peux être angolais que dans la mesure où je suis mukongo. Cette subordination involontaire de l’identité nationale à l’identité ethnique, c’est ce que, moi personnellement, j’appelle « tribalisme ».

 

Pourquoi est-ce que j’insiste sur MOI PERSONNELLEMENT ? C’est pour vous dire que certaines définitions ne sauraient être universelles. Je ne dis pas que tous les angolais doivent passer par une identité ethnique. Il y a trop d’angolais détribalisés et ma définition ne les concerne pas du tout. Ils parlent leur portugais avec un accent très acceptablement angolais et n’ont pas besoin d’un passage obligatoire par une langue nationale angolaise. En revanche, je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de bakongo qui parlent portugais avec un accent mozambicain. Je ne veux donc pas que ma définition les concerne. Et que dire de tous ces non-bakongo qui parlent parfaitement le kikongo ?

 

Finalement, l’angolanité n’est pas la nationalité (citoyenneté) angolaise. C’est quelque chose de flou, mais de réel, dans la tête des gens. Ce n’est pas une catégorie juridique. Les constitutions ne savent pas ce que c’est. C’est ce qui fait qu’un muzombo se dise mumbata s’il veut être plus acceptablement rdcongolais. C’est aussi ce qui fait que, si tu es citoyen congolais, et tu déclares devant le TPI que tu vas parler en kinyarwanda, vingt congolais dans la salle froncent (involontairement) les sourcils.

 

PEDRO

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P
Mon cher Nyanguila,<br /> J’ai oublié de répondre à ton commentaire et je me sens dans le devoir de le faire maintenant. Cette histoire des bazombo qui se font passer pour des bambata, je l’ai aussi apprise sur le site. Je crois que c’est notre frère Samuel Malonga qui me l’a apprise. Je ne connais personne dans cette situation moi-même, mais j’ai vite senti qu’il s’agissait d’une stratégie intelligente. J’imagine combien de jeunes « bambata » doivent avoir échappé au recrutement par le FNLA au début des années 70. Avec le recul, nous savons qu’ils auraient péri comme de la chair à canon dans une guerre civile et n’auraient jamais combattu les portugais (leur patriotisme mal gaspillé). Je me demande aussi combien de vrais bambata ont envie d’être autre chose, de peur d’être soupçonnés d’être des faux. C’est le paradoxe d’appartenance. Aujourd’hui même, il y a un vrai problème du côté angolais. Le Ministère de la Justice a décidé de mettre dans nos passeports « né à Maquela do Zombo », le nom du chef-lieu du district. Chaque fois qu’on me demande où je suis né, je cite le nom de mon village, parce que naître à Maquela do Zombo t’exclut. Les angolais te regardent et t’accusent d’être un touareg de Kidal.
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N
Cher Pedro,bonjour et tous mes remerciements pour votre réponse concernant ce fait malheureux,duquel les bazombos étaient mis à l'index et méprisés,contre lequel nous aurions dû lutter et faire disparaître pour qu'on sache bien que tout&quot;muzombo&quot;est avant-tout un pur&quot;kongo&quot;de la même souche que tout&quot;mukongo&quot;!Enfin,vous avez bien fait référence au problème du FNLA et je crois que le président de ce mouvement,dont vous vous souvenez bien et paix en son âme,y était pour une grande influence pour le mépris infligé à nos&quot;bazombos&quot;!En cela,je me souviens de mes conversations avec un ami&quot;muzombo&quot;qui me dit que,dans les années 60 et 70 à Kin et à l'intérieur,tous les réfugiés Angolais éligibles pour recevoir de l'aide de toute sorte,que ce soit en nature ou bourse d'études,auprès de tous les Etats soutenant la lutte pour l'indépendance de l'Angola mais il y avait déjà une discrimination au sein du FNLA dans lequel les&quot;bansansala&quot;étaient favorisés au détriment des&quot;bazombos&quot;!Et dans les bureaux du FNLA,il y avaient des expressions des &quot;sansala&quot;pour que l'on soit vite identifié et bénéficier des bourses d'études pour l'Europe!C'était malheureux et regrettable et je crois que la stigmatisation des&quot;bazombos&quot;trouve son origine à partir de cette inimitié!En attente,bien à vous et courage.
N
Cher Pedro,bonjour et merci pour votre exposé,en ce qui concerne les bakongos mieux vaut que certaines mauvaises consciences,qui sèment la zizanie ou la division,disparaissent!Un muzombo n'a pas besoin à se fondre en mumbata pour se faire bien voir en Rdcongo car chez les bakongos,comme dans toutes les tribus du monde et aussi en Europe,il y a des clans ou groupes qui sont nés depuis longtemps!Enfin,hormis ce dérapage dans le langage Kinois,sur les bazombos,qui a eu cours vers la fin des années 50 et début des années 60,que ce soient un mundibu,muyombé,muntandu,munyanga,munsansala,musingombe,muzombo,et tous les autres que je ne pourrai citer,sont tous des bakongos!Qu'on se le dise et,pour bien savoir sur le sujet,mieux vaut consulter les ouvrages de sociologie sur le peuple Kongo.En attente,bien à vous.
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