Le saxophoniste Max Massengo, « le chef des chefs », disparait
Il était un chef….
Le saxophoniste Max Massengo, « le chef des chefs », disparait
Max Massengo légendaire chef de l’orchestre Negro-Band, est décédé ce vendredi 27 Juin 2014 à l’âge de 76 ans. Avec lui, c’est un peu de l’histoire de la musique congolaise qui s’en va.
L’émotion et la stupeur nationale, suite au décès, de celui que l’on a toujours affectueusement appelé « Le chef des chefs » pour sa longévité à la tête de l’orchestre Negro-Band. Il est difficile de se faire à l’idée que Max-Massengo n’est plus parmi nous, alors qu’il y a moins d’une semaine, il était apparemment sans problème de santé particulier.
Connaitre ses racines : par Mfumu
« Rigobert Massengo, dit Max. Ecce homo est né le 28 décembre 1938 au quartier Bacongo à Brazzaville. Marié, père de quatre enfants. Il débute dans l’orchestre Sexy Jazz avant la création du Negro Band, point de départ de son parcours professionnel. Son instrument de prédilection est la clarinette, d’où son nom de scène, Max Clari. Il a remisé cet instrument pour le saxophone, désormais son compagnon de route.
Pendant des années, Max Massengo est l’âme de l’orchestre Negro Band qu’il conduit au Congo, en Afrique et en Europe. On se souvient de la mémorable épopée en Côte d’Ivoire de ce groupe. En 1966, Jackson Gangbo, producteur de leur tournée, abandonne l’orchestre et les musiciens à l’étape d’Abidjan. Pas moyen, pour ces derniers, de rentrer au Congo. C’est grâce à une avance sur les droits d’auteur, versés par la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), que le « chef des chefs » réussit à ramener ses troupes au Congo. Quatre éléments prennent la poudre d’escampette au moment de l’embarquement : José Missamou, Jean-Raph Loumbé, Maurin Zalakanda et Julio Lucas. Ils disparaissent dans la nature. « Les Zoulous », qu’ils vont créer à Abidjan, devient l’orchestre de référence en Côte d’Ivoire pendant de nombreuses années.
Signe de son dynamisme, Max Clari, à la tête de son Negro Band, se rend plusieurs fois en Europe, ramenant, chaque fois, outre des disques, des équipements de musique. Mais le début de la décennie 1970 est désastreux. L’orchestre connaît des scissions et des départs qui l’affaiblissent. Pour se maintenir sur l’orbite musicale brazzavilloise, le chef des chefs crée l’orchestre Mbunzila, dénomination suggérée par un de ses succès des années 1960Mbunzila kamboka tambwanko. Il s’agit, dans cette chanson d’une femme infidèle qui, après avoir dénigré publiquement son époux, s’en va chez ses parents. Désormais libre, elle vivote. Redoutant de basculer dans la prostitution, elle reconsidère sa position et décide de regagner le domicile conjugal. Triomphateur, le mari l’apostrophe superbement : « Pourquoi reviens-tu ? Il paraît que je suis indigent ! »
L’orchestre Mbunzila vit d’expédients avant de sombrer corps et biens. Suit une période erratique pour le chef des chefs. Depuis quelque temps, il essaie de faire revivre le Negro Band en compagnie de son compère Michel Boyibanda, autre cofondateur de cet orchestre qui a connu son heure de gloire. La duplication de leurs anciennes œuvres est la première étape de cette résurrection. »
1970 dans les studios de Pathé-Marconi à Paris, l’orchestre Negro Band participe pour la première fois à des enregistrements dans l’un des meilleurs studios du monde. Au terme d’un travail époustouflant, l’orchestre réalise les plus belles œuvres de son histoire. Ce qui lui vaut l’appellation de « Negro-Band à tout casser ». Les titres comme : « Maseke », « Marie Hélène », « Gilette ya le 4 Mai », Mado ndima mokumba » et « Antoine Mokono » sont en tête des hits parades africains pour leur succès commercial.
Après la fermeture des éditions Pathé-Marconi quelques années après, ces œuvres qui avaient acquis la dimension de la musique internationale, sont devenues introuvables sur le marché. Dans son rôle de promouvoir la musique africaine, FEMOCA, (festival des Musiques Originaires du Continent Africain) n’est pas restée insensible à cette situation. Il permet le contact avec la « Rumba Odemba », rythme à partir duquel Negro-Band a réussi sa grande expérience modèle. Rassembler pendant plus d’un demi-siècle des milliers d’adeptes autour de ses prouesses rythmiques, dont le meilleur compromis a été le retour à l’usine pour la réhabilitation des vieux œuvres du groupe, qui se succéderont sur plusieurs volumes.
A l’affiche en 2013, la réédition impatiemment attendue d’un des plus beaux fleurons du catalogue Ndombe. Les œuvres de l’album enregistrés dans les années 60, au cours des brillantes années de Negro-Band, et qui lui ont permis à l’époque de présenter sa composition de choc avec quelques meilleurs musiciens de la musique congolaise de l’époque.
Pris en tempo d’enfer, les titres de cet album sont certainement les interprétations les plus enflammés de la « Rumba Odemba », dont il faut ajouter une composition de la chanteuse Lucie Eyenga, qui date de 1962 :
- « Annie Bala Osepela », « Mbounzila Kantabouako » (Démon Kasanaud)
- « Botika likunia », « Mpasi ya mokili », « Ndako na ngai ekomi Wenze » (Baguin Mokuna)
- “Nkuezi ku niongandi” (Nezy Jean-Marie Foussikou)
- « La Rosette », « Jolie toilette », « Antoine Kitunga » (Max Massengo)
- « Georgette Na leli yo » (Lucie Eyenga)
Naturellement, on retrouve dans cet album, les chanteurs Démond Kasanaud, Michel Boyibanda, Nezy Foussikou implacables plus impétueux, et le soliste-guitariste Baguin Mokuna qui sont parvenus à contrôler parfaitement toutes leurs idées et leur inspiration. Ces chansons laissent loin derrière elles les plus convaincants morceaux de bravoure des formations « Odemba ». Dix œuvres qui replacent l’auditeur dans l’atmosphère d’ambiance des années 60/70.
L’audition de cet album engendre aussi une satisfaction : le retour sur scène de quelques musiciens de cette époque qui ont pu remettre sur les rails un Negro Band ressuscité voici trois ans avec ses figures de proue Michel Boyibanda et Max Massengo.
Negro-Band c’est aussi un parcours de 56 ans d’existence.
Pour la petite histoire, c’est le 18 Novembre 1958 au bar « Domingo » », commune de Kinshasa, à Léopoldville, qu’est né l’orchestre Negro-Band.
Les cofondateurs en majorité natifs de Brazzaville placent en tête le kinois Jean Mokuna « Baguin », guitariste soliste qu’entouraient : Franklin Boukaka et Michel Boyibanda, chanteurs (premier noyau fondateur) suivis de Max Massengo, clarinette. Denis Loubassou « Tintin » percussionniste. Casimir Elosa « Elo », bassiste. Jean-Marie Foussikou, chanteur. Louis Nguema « Lily », guitariste accompagnement.
On compare déjà à tort les premières productions de Negro Band à celles de l’OK Jazz, car « Baguin » très bon soliste insuffle à son groupe un style rationnel pour atteindre les amoureux de la rumba « Odemba ».
1960, l’orchestre s’installe définitivement à Brazzaville, néanmoins il fait la navette entre les deux capitales, s’octroyant la faveur rythmique sonore dont il animait chacun de ses concerts.
1960, Max Massengo succède à jean Mokuna « Baguin » à la tête de l’orchestre qui devra dorénavant affronter la rude concurrence aves Les Bantous et le Cercul Jazz.
1962, le Negro-Band a le mérite de graver pour la postérité, un disque avec la célèbre chanteuse Lucie Eyenga dont les titres « Georgette » et « Adoula » comptent parmi les meilleurs de l’année. Au cours de la décennie, l’orchestre enregistre la venue de Maurice Bongolo (chant). Grégoire Louvouezo (basse). Rubin Tomba Major (batterie). Ibrahim Diop « Terzief el diablo » (Saxo). Robert Massengo (tumbas) et José Missamou (salsero)
1970, le Negro Band est à son apogée, précisément lorsqu’il se rend à Paris pour effectuer des enregistrements chez Pathé Marconi. Le séjour parisien de Negro-Band a permis la sortie de plusieurs disques à succès qui sont restés au palmarès des meilleurs albums réalisés par les orchestres congolais de l’époque. On se souviendra longtemps des chefs d’œuvres comme « Maseke », « Marie Hélène », « Gilette ya le 4 Mai », Mado ndima mokumba » et « Antoine Mokono » joués avec une énergie farouche dans une ambiance chaude et excitante.
Le voyage à Paris sera suivi quelques années après, par le séjour triomphant à Abidjan en Côte-d’Ivoire. José Missamou, hélas ! Déserte le Negro-Band pour former avec les congolais de Côte-d’Ivoire, l’orchestre, Les Zulu.
1971, le 27 Mai, éclate un conflit qui pousse les dissidents Rubin Tomba « Major », Louis Nguema « Lily », Démon Kasanaut, Ibrahim Diop « Tersief el diablo », à créer l’orchestre « Les Rebelles » Masano. Ils seront rejoints par José Missamou qui a fini par retourner à Brazzaville.
Enfin, 1980, l’orchestre Negro-Band « Mbuzila » cesse d’exister pour renaître des cendres trois décennies après, le 07 Juin 2010 au bar « La Détente » à Brazzaville avec quelques anciens et des nouvelles recrues. Un enchantement à la fois émouvant et intimiste.
Depuis, les retrouvailles des deux pièces maîtresses du groupe (Max Massengo et Michel Boyibanda) fonctionnent en plein régime. Ils puisent joyeusement à la moulinette, la rumba, l’afro-beat, la salsa, et diverses musiques du monde. A 56 ans, jusqu’au moment où meurt Max Massengo, le Negro Band passe pour l’orchestre le plus ancien du Congo, encore en exercice. 2014 étaient placée sous le signe de la commémoration à Brazzaville en Novembre prochain, les 56 ans d’anniversaire. Hélas ! le destin a réservé le contraire.
Remercions, toutefois Femoca et particulièrement le réalisateur Don Fadel pour le dernier album exemplaire et essentiel qui a démontré peut-être mieux que tout autre que la musique de Negro-Band était d’une pureté, d’une rigueur naturelle que l’on a coutume d’accorder à la Rumba-Odemba.
Adieu l’artiste
Clément Ossinondé
Nota : L'UMCD (Union des Musiciens Congolais de la Diaspora) et Femoca Paris ont la profonde douleur d’informer les artistes musiciens de la diaspora de cette tragique disparition. La date et le lieu des retrouvailles à cet effet, sera communiquée ultérieurement. (Loko-Massengo)