Les orchestres des étudiants congolais en Belgique
Les orchestres des étudiants congolais en Belgique
Dans les années 60, des étudiants congolais en Belgique avaient écrit l’histoire dans un domaine où on ne les y attendait pas : la musique. Loin de leur pays natal, l’art leur permit de jeter un pont entre l’ancienne métropole et la mère-patrie. Ce cordon ombilical alimentait d’ailleurs les thèmes de leurs compositions. Artistiquement, le Congo n’était alors plus qu’à quelques encablures de la Belgique où ils vivaient. La combinaison études-musique était devenue une tradition qui provoqua un engouement auprès des Belgicains. Les groupes musicaux se multiplièrent dans les différentes villes du royaume et les étudiants-artistes en se frottant aux réalités du métier se professionnalisèrent. Des intellos qui se livraient pendant leur temps perdu à un métier qui à l’époque était considéré comme étant celui des voyous fut une véritable révolution. Par ce fait, ces jeunes venaient de briser un tabou. L’écho de leurs chefs d’œuvre traversa la Méditerranée et le Sahara avant de retentir dans l’espace musical congolais.
Artistes aguerris, ils écrivaient leurs propres textes, composaient leurs propres chansons et accompagnaient parfois dans les studios belges les vedettes de la musique congolaise (Luambo, Tabu Ley) de passage à Bruxelles. Certains parmi ces étudiants-musiciens s’étaient tellement distingués dans l’écriture des textes qu’ils étaient chouchoutés par leurs illustres aînés de la corporation. L’African Fiesta National de Rochereau par exemple partait accueillir Max Maxime Mongali à l’aéroport de Ndjili lorsqu’il descendait à Kinshasa pour passer ses vacances. Les groupes musicaux estudiantins de Belgique n’avaient rien à envier à ceux de Kinshasa. Au contraire, leur style avait colorié la musique congolaise. Leur influence marqua certains ensembles des jeunes de l’époque dont Thu-Zahina et Zaïko Langa-Langa à ses débuts.
La belle aventure des orchestres des étudiants congolais en Belgique commença un jour de juillet 1964 lorsque Jean-Pierre Nimy Nzonga créa le Yéyé National. Cette ferveur belgicaine traversa les décennies 60 et 70 avant de perdre de sa vigueur et de son élan au beau milieu des années 80. Ces groupes musicaux qui ont essaimé dans toute la Wallonie tout comme dans Bruxelles et ses environs ont légué à la postérité des œuvres d’une très grande valeur artistique. Mais quels étaient ces orchestres ? Qui étaient leurs fondateurs ? Quand avaient-ils vu le jour ? Quels étaient les musiciens qui les composaient ? Pour répondre à toutes ces questions, nous avons consulté et suivi l’ordre chronologique de création tel qu’établi par Jean-Pierre Nimy Nzonga dans son volumineux "Dictionnaire des Immortels de la musique congolaise moderne".
Juillet 1964 : orchestre Yéyé National (Bruxelles) de Jean-Pierre Nimy Nzonga (fondateur et guitare solo) ; avec Macaire Mangaya (chant et chef d’orchestre), †Louis Maxime Mongali Max Maxime (chant), Oscar Nsukami Balkis (chant), Isidore Nzanga Zizi (chant), Antoine Bokito Tony Dee (chant), †Roger Nimy Bouboul (chant), Léon Perry Bisengambi (chant), †Roger Kwamy Mambu Nzinga (chant), Max Mayaka (chant), Léon Ebeya Belon (guitare basse), Benoît Lubanda Benito (guitare), Léopold Bolemole Hammard (maracas et trésorier), Disu Ngelesi Pierre DEP Michelson (Tumba), Edmond Robson Tsasa (guitare), †Francis Bolenge Fifi (tumba), Christophe Mukoy (drums), Jacques Lumpungu (saxophone), †Shaumba Mulangala Bonita Bob Smith (tumba), †Arthur Lundu Lunart (guitare), Célestin Nyamaseko (chant), Edouard Monkato (tumba), †Charles Gaby Diomi (guitare), Eugène Diomi Ndongala (guitare) ainsi que le big manager Jean-Baptiste Mulemba Makubi dit Man Elijah (percussionniste).
Septembre 1964 : orchestre Afro Negro (Bruxelles) de François Bikoko (fondateur et guitare solo) ; avec Philippe Kabuiku (chanteur, maracassiste et chef d’orchestre), Mike Macauley (chant), †Antoine Tonio Diambu (chant), Antoine Bokito Tony Dee (chant), Denewade Tifour (chant), †Julien N’damvu Douglas (guitare), Boniface Matingu (clarinette), †Henri Pongo Existo (tumba), Henri Milliex (guitare basse), †Michel Galo (guitare), †Philémon Bongo, L’ombre (guitare).
1965 : orchestre Los Nickelos (Liège) fondé par les frères Nzeza (†Félicien (guitare basse) et Justin Masta (guitare solo) et Jules Ngole ; avec †François Kalala Fafa (tumba et chef d’orchestre), René Kasanda Karé (chant), †Venant Kinzonzi Zatho (chant), †Jean Maurice Bitumba (chant), José Mubuala Kelly (chant), Antoine Bokito Tony Dee (chant), Isidore Nzanga Zizi (chant), Marc Banguli Marco (chant), †Paul Lieke (guitare basse), †Justin Mangubu (trompette), Bernard Kandolo Ben Akhan (saxophone), †Camille Azimba Azin (maracas), Camille Ntoya Tocam (guitare basse), †Bernard Bokombe Bébert (guitare basse), †Freddos M’firi (chanteur salsa), Jean Ndomatezo Macchy (guitare).
1966 : orchestre Diamant Bleu (Louvain) fondé par †Gaston Kanza (guitare solo) ; avec Gaston Landu (chant), André Moloto Molotov (chant), Bernard Landu Kianda (chant), †Jean-Marie Phanzu (chant), †Debongo Orphée (chant), Emile Lukaku Donga (chant), Floribert Muteba (guitare basse), Robert Mondo (guitare), Gilbert Kala De Kalan (tumba), †Pierre Mbuze Nsomi (maracas), Jacques Lumpungu (saxophone), Omari (guitare), †Pierre Mubandu Passoire (maracas).
1966 : orchestre Ekebo (Mons) fondé par †Pierre Ngalula (guitare solo) Sinatra ; avec Raphaël Sasa Nzila (chant), Jean Paul Nsiala (guitare), Antoine Mitalungu Mitra (saxophone), Georges Diabika (guitare), André Pasi (chant), Félix Biata (guitare basse), André Lusakueno Sirius (batteur). Cet orchestre change d’appellation et devient, par la suite, l’orchestre Zaïko, et cela bien avant la création à Kinshasa d’un autre orchestre du même nom.
1966 : orchestre Tropical (Charleroi) constitué notamment de Camille Wazolao (guitare solo), Adolphe Mputu Aphy (chant), Marius Tuzolana (chant), Pierre Moji (guitare), Adolphe Puati (guitare basse), Joseph Lusambulu Jeef (drums), †Philémon Bongo L’ombre (guitare), Jules Marzetti (guitare basse).
1966 : orchestre Paquita (Liège) constitué notamment de James Lahele (guitare solo), †Michel Mansona Micky De Roos (chant), Leon Bisengambi Perry (chant), Camille Ntoya (guitare basse), Pandemoya Pakis (guitare), Teddy Kabeya (guitare basse), Walter Mudingayi (guitare).
1968 : orchestre Africana (Bruxelles) avec Omari (guitare solo), †Marcus Mambwini (chant), Teddy Kinsala (chant), Freddy Mayaula (guitare), Adolphe Puati (guitare basse).
Orchestre Banko avec Jean-Pierre Kabangi (guitare solo), Christian Bula (chant), †Jacky Simba (chant), Jean-Marie Tepatondele Lynx (guitare), †Bernard Bokombe Bébert (guitare basse).
Festival des Egalés avec Baudouin Bomele (chant), Baudouin Nsukami (chant), Ileka, Dolina, Kabengele, etc.
1979 : Bana Africa (Louvain-La-Neuve) avec Louis Leya alias Djo Lea, Nzau Claude, Bokata, Pierre Nsinga, etc.
La dislocation en 1985 de Bana Africa, le dernier groupe estudiantin congolais en Belgique, mit fin à la longue épopée de cette belle tradition belgicaine commencée au beau milieu des années soixante avec le Yéyé National. La ferveur s’étant estompée, les Belgicains étudiants-musiciens disparurent après avoir marqué la musique congolaise moderne de leur empreinte. Dommage qu’aucune Belgicaine n’est sortie du lot pour donner une teinte féminine à ces groupes légendaires. Notons que certains parmi eux sont plus tard devenus ministres de la République (Kinzonzi Zatho, Jean-Pierre Nimy Nzonga), éditeurs (Max Mayaka avec Kina Rama), musiciens professionnels (Karé Kasanda), professeurs (Ndomatezo), professeurs d´université (Kinzonzi Zatho), haut fonctionnaire (Tony Dee Bokito). La Belgique restera quant à elle le seul et l’unique pays européen où les étudiants congolais créèrent des groupes musicaux dignes de ce nom et où ils se muèrent en artistes-musiciens le temps de leurs études.
Samuel Malonga
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Nous remercions notre « fouineur » Samuel Malonga qui nous présente les différentes formations musicales des « Belgicains ».
Cependant, nous nous demandons pourquoi Nguz karl-I-Bond ne figure pas parmi les musiciens de Afro Negro en dépit de notre article de 2009 confirmé par son fils. Peut-on supposer que le nom de Nguz avait été écarté pour des raisons politiques durant sa carrière politique ?
Nous estimons que pour rétablir la vérité, il est temps de procéder à la correction de la liste des musiciens de l’orchestre Afro Negro en y incluant le nom de Nguz Karl Bond.
Messager
Pili Pili, par Zizi et Los Nickelos