Épouse de Premier ministre, femme du pouvoir ou de l’ombre ?
Épouse de Premier ministre, femme du pouvoir ou de l’ombre ?
Le Congo a jusqu’à ce jour connu plusieurs premiers ministres. Nous avons voulu non pas parler de ces acteurs politiques qui ont parfois dans des moments difficiles joué un rôle clé mais plutôt de leurs épouses. Ces braves dames étaient aux côtés de leurs maris, chefs du gouvernement congolais. Ils n’ont joué aucun rôle politique et on se demande ce que pouvait être leur influence dans l’ombre. Quels conseils avaient-ils donné à leurs époux devant telle ou telle situation qui menaçait l’unité du pays ? Quelle était la position de mama Pauline Lumumba lorsque Patrice et Joseph Kasa-Vubu s’étaient mutuellement révoqués ? Ou celle de Ruth Tshombe lorsque Lumumba et ses compagnons d’infortune connurent les pires sévices dans la villa Brouwez à Élisabethville ou encore lorsque son époux était sur le point de proclamer la sécession? Parlaient-elles aussi politique à la maison avec leurs maris et enfants? Donnaient-elles leur point de vue sur tel ou tel problème ou étaient-elles seulement de simples femmes de ménage comme toutes les épouses ? Quelle influence avaient-elles ? Avaient-elles parfois pesé de leur poids sur certaines décisions prises par leurs maris de Premier ministre ? Nul ne le saura. D’autant plus que la question n’intéresse pas les historiens congolais qui auraient dû peut-être se pencher sur ce cas précis.
Chacune d’elle avait son style et avait vécu ce qu’elle a vécu auprès de son mari : joie et bonheur du pouvoir mais aussi parfois désillusions et malheurs de la politique et de la vie. Julienne-Aurore Adoula s’affichait toujours à côté de monsieur surtout dans les voyages officiels à l’étranger. Il est difficile de dire si elle se limitait seulement à ce rôle protocolaire auprès du Premier ministre. De toutes ces femmes, Pauline Lumumba a été celle qui a le plus souffert des affres de la politique. Et ce n’est pas un hasard si de toutes les épouses de nos chefs de gouvernement, elle est la plus connue. Ces images où on l’a vu faire son deuil n’ont-elles pas fait le tour du monde ? Madame Kimba avait elle aussi connu des moments bien difficiles lorsque le gouvernement de son mari était désavoué au parlement et surtout lorsque celui-ci fut condamné à mort puis pendu à la place publique comme un vulgaire malfrat.
Une autre femme connaîtra un destin exceptionnel. Épouse du fils d’un riche homme d’affaire d’Élisabethville, elle deviendra vite la conjointe du président controversé d’un État sécessionniste. Elle s’appelle Ruth Machik Tshombe. Quel a été le degré de son ingérence dans la vie politique de son époux lorsqu’elle avait été la première dame du Katanga ? Elle avait vécu la gloire puis le bannissement avant que son mari ne devienne le Monsieur Tiroir-caisse que le Congo avait connu. Elle avait difficilement vécu le second exil qui a suivi la révocation en 1965 de son Moïse par Kasa-Vubu et la prise du pouvoir par Mobutu. Elle était presque habituée à cette vie faite de départ intempestif, de fuite et de retour fracassant au devant de la scène nationale. Elle qui portait souvent un mouchoir de tête comme toutes les femmes de sa génération, avait vécu dans l’angoisse la plus terrible les heures sombres de l’État du Katanga. Bien souvent pour sa sécurité et celle des enfants, elle était contrainte de se refugier en Rhodésie du Nord (Zambie) ou en Europe. C’est avec courage qu’elle s’est battue à côté de l’avocat René Floriot pour tenter d’obtenir la libération de son mari emprisonné à Alger. Les épouses de nos Premiers ministres ne faisaient pas la politique, peut-être qu’elles ne s’y intéressaient pas et se limitaient seulement à leur rôle de conjointes et de mères. Dans la première république, les Premiers ministres étaient de véritables chefs du gouvernement, de vrais coordonnateurs de l’exécutif. Ils avaient une marge de manœuvre quasi large. Que pensaient alors les épouses des Premiers commissaires d’État de l’ère Mobutu par le fait que leurs maris n’avaient aucun pouvoir réel et ne faisaient souvent qu’avaliser les décisions déjà prises d’avance par le Guide ? Conjointes de Premiers ministres, elles étaient à la fois femmes du pouvoir et de l’ombre mais surtout femmes du destin.
Samuel Malonga