Passage des artistes étrangers au Congo
Le Congo, terre de culture, a attiré par le passé bien des artistes africains. Installés surtout à Kinshasa pour leur carrière musicale, ils ont fait la pluie et le beau temps dans cette ville cosmopolite. Beaucoup parmi eux se sont affirmés en gravant leurs noms sur le socle de la musique congolaise. Avec le temps, ces musiciens venus d’ailleurs ont fini par perdre leur apparence d’étrangers en se fondant et en se confondant avec les congolais de souche, empruntant leur manière, leurs qualités tout comme leurs défauts. Ils étaient venus d’un peu partout. La première vague commence dès l’époque coloniale avec les Congolais de Brazzaville et les Angolais déjà installés au Congo Belge. Mais il y a eu aussi ceux qui sont venus des contrées lointaines comme le Rhodésien ou Zimbabwéen Isaac Musekiwa (OK Jazz), le Camerounais Emmanuel N'Djoké Dibango, dit Manu Dibango (African Jazz), Saki (Afrisa), le Tchadien Malawi Ennessy (Afrisa) et les autres. C’était l’époque où Léopoldville devenu plus tard Kinshasa était encore Poto moyindo. Mais le Congo artistique a aussi été visité par les grands noms de la musique internationale. Par vague irrégulière, ils se sont produits à Kinshasa apportant un petit plus à notre musique. L’aventure commence déjà dès l’accession du pays à la souveraineté internationale. Près de quatre mois seulement après l’indépendance, alors que la situation politique n’était guère reluisante, Louis Armstrong dit le Satchmo inaugura la visite des musiciens étrangers dans notre sol. C’était le 28 octobre 1960. Il sera accueilli dans ce grand temple du sport que fut le stade roi Baudouin. Ce fut pour lui comme un retour au source. L’Africain-Américain dont les ancêtres avaient été emmenés de force par les esclavagistes au- delà de l’Atlantique venait de retrouver les siens. On vit le célèbre trompettiste tout sourire, porté en « tipoy » par ses frères de race, qui sait , peut-être par ses propres frères de sang. En tout cas, sans se tromper, il était sur le sol de ses aïeux. Il n’a pas hésité à jouer de la trompette pour satisfaire tout ce beau monde qui lui avait réservé un accueil digne d’un roi : http://www.dailymotion.com/video/x5x6r0_louis-armstrong-au-congo-en-1960_music. Louis Armstrong n’était pas un inconnu. Son visage était bien celui que les Congolais voyaient sur les pancartes publicitaires de Pepsi Cola sur les devantures des magasins et des boutiques bien avant l’indépendance.
Arrivé à Leopoldville, Louis Armstrong est accueilli par le directeur des Affaires culturelles Albert Mongita en tenue traditionnelle
Les années se succédaient et ne se ressemblaient pas. La fin des années 1960 vit successivement des artistes du Music-hall français devenir les invités de marque de la culture congolaise. Johnny Halliday se produira au stade en 1968. Puis fut le tour de Françoise Hardy au Cultrana, Claude François dit Cloclo accompagné par ses Claudettes, sans oublier Sylvie en mai 1969. L’Afrique reviendra à la charge. Le pays sera honoré par le passage de la chanteuse Miriam Makeba, appelée aussi Mama Afrika, chantre de la lutte contre l'apartheid en Afrique du sud. Le tissu aux motifs marqués du boubou qu’elle porta fut aussitôt adopté par les Congolaises et fut immédiatement baptisé de son patronyme. Son hit « Pata Pata » fut déformé par certains malintentionnés : http://www.youtube.com/watch?v=e-VrfadKbco&feature=related. Vers les années 1970, c’est un grand monsieur qui sera à l’honneur, une star dira-t-on. En tout cas, Kinshasa ne serait pas cette mégapole culturelle s’il n’avait pas accueilli sur son sol cet immense artiste aux multiples surnoms : The Godfather of Soul, Soul Brother Number One, Mister Dynamite, Hardest working man in show business. Le show man en question n’était autre que James Brown. Un de ses spectacles eut Mont Ngaliema pour cadre. Son patinage légendaire, son extravagance vestimentaire, ses prouesses scéniques et la qualité esthétique de ses exhibitions laissèrent plus d’un Congolais pantois. Le roi de la « soul music » avait à coup sûr influencé le trio Madjesi et le Sosoliso. En février 1970, ce sera le tour du Camerounais Eboa Lotin dont l’atrophie due à l’injection de la quinine paralysa la jambe gauche alors qu’il était encore enfant. Comme Luambo, Eboa chantait et grattait simultanément la guitare. Comme le Grand-Maître, il était chanteur-guitariste. De Kinshasa, l’artiste camerounais gardera ses meilleurs souvenirs. Et comme pour saluer son œuvre, Rochereau interpréta sa chanson « Matumba (Muñenge ma ngando) » à l’Olympia en décembre 1970. Quatre ans plus tard, en marge du super combat du siècle entre George Foreman et Mohamed Ali se produisit le plus grand événement culturel de tous les temps au Congo. Le gotha de la musique internationale couplé aux artistes congolais participa au Festival de la musique noire au stade du 20 mai. Pendant trois jours, les rythmes musicaux congolais côtoyèrent la salsa, le Rn'B, la Soul et le Blues. Pendant 72 heures, les artistes du continent et ceux de l’Outre-Atlantique ont ensemble rendu hommage à leurs racines. C’était insolite ! Il y avait à l’affiche des noms aussi prestigieux que ceux de James Brown, BB King, Celia Cruz, Johnny Pacheco, Bill Withers sans oublier les orchestres comme The Fania All Stars ou The Spinners : http://www.youtube.com/watch?v=HOfST5xO9Ms, http://www.youtube.com/watch?v=uogSHKOEWVU.
La mama Afrika, Miriam Makeba
Dans les années 1980, la donne changea. Les artistes invités par la culture congolaise venaient des Antilles et de l’Afrique noire. Ce fut une belle occasion pour les Antillais de se produire à Kinshasa et de rencontrer le public congolais qui les avait déjà adoptés. Le zouk est une musique tropicale venue des Caraïbes. Son rythme envoutant aux accents pimentés est différent de la rumba son pendant cubain. Les groupes musicaux se succédèrent et ne se ressemblèrent pas. Les Congolais savouraient de toutes les musiques du monde. La sauce culturelle étant variée, le Congo eut rendez-vous avec la musique créole avec la venue du Zouk Machine , le trio féminin qu’accompagnait le groupe Expérience 7. Mais c’est surtout avec le Kassav’ que le zouk caribéen connaîtra son apogée. Et c’est en ballade dans les rues de Kinshasa que Jacob Desvarieux et ses amis tournèrent le clip de la chanson « Syé Bwa » : http://www.kotonteej.com/2009/10/kassav-sye-bwa-in-kinshasa/.
Le groupe Kassav , de à d: Jocelyne Béroard, Georges Décimus, Patrick St Eloi, Jean-Philippe Marthély, Jean-Claude Naimro et Jacob Desvarieux
De la Jamaïque, la musique rasta envahit nos discothèques par les œuvres de ses plus nobles représentants avec les hits comme « No woman no cry ». Bob Marley, le roi du reggae ne se produisit jamais à Kinshasa. C’est plutôt son lieutenant Jimmy Cliff qui fit le voyage plusieurs années après la mort du maître. Sa prestation au stade du 20 mai fut une fête grandiose. La capitale sortit ce soir-là tout ce qu’elle avait de look rasta. Cliff fit un très long séjour au Congo et en profita pour enregistrer des chansons avec des artistes de la place dont Manuaku Waku. Le titre de sa chanson « Hakuna matata » rappelle à bien des égards son passage dans notre pays. Alors que l’apartheid était agonisant, la Sud-africaine Yvonne Chaka Chaka dont les clips passaient déjà à la télé avant même de fouler le sol congolais réussit elle aussi à dompter le public et marqua de son empreinte son passage en RDC. Elle avait aussi séduit le public par sa beauté, sa jeunesse et l’élégance de sa voix. Personne ne savait alors qu’elle était enceinte. De retour en Afrique du Sud, Yvonne accouchera quelques mois plus tard. Certaines de ces vedettes qui nous ont rendu visite ont parfois utilisé des langues non comprises par les Congolais. Heureusement qu’ils saisissaient le langage universel de l’art. Notons que nous n’avons pas tenu compte des artistes et groupes musicaux de Brazzaville, car nous avons la même culture. Le Ngathsie lui-même n’avait-il pas dit que Kinshasa - Brazza ezali mboka moko ? Les Mbokatiers, eux, sont invités à ajouter dans leurs commentaires les noms des artistes qui manquent.
Samuel Malonga
1.Matumba, par Eboa Lotin
2.Umquombozi,par Yvonne Chaka Chaka