Le suicide manqué d’Attel Mbumba
Cet article de Samuel Malonga sur Atel Bumba devrait paraître il y a deux jours, mais les difficultés techniques ont fait que sa mise en page n’a réussi qu’aujourd’hui. Curieusement, après le décès de Pépé Ndombe, en compagnie duquel Atel Mbumba avait longtemps évolué.Quelle coïncidence !!!
Le suicide manqué d’Attel Mbumba
Vers 1973, Pierre Attel Mbumba, Pépé Ndombe, Michelino Mavatiku et Deyesse Empompo faussèrent compagnie à Tabu Ley pour former l’orchestre Afrizam (African Zaïre Musique). Gary Stewart rapporta dans son livre Rumba on the River une déclaration d’Attel selon laquelle un entrepreneur l’avait ciblé et soudoyé avec un chèque de 5.000 zaïres (10.000 dollars) pour quitter Rochereau. C’est donc lui qui aurait amené ses amis dans son sillage. Et c’est peut-être aussi la raison pour laquelle le vieux Kasongo s’était acharné sur lui et rien que sur lui lorsque son épouse le quitta. Rentré en silence comme il était parti, Mavatiku prit la place désormais vacante, devenant du coup le troisième soliste de Rochereau après Guvano et Attel.
Deux titres avant le suicide avorté
Lorsque la journaliste-vedette de la Voix du Zaïre Pauline Kabangu Tshita s’en alla, la vie privée du soliste Mbumba entra dans une zone de turbulence qui bouleversa profondément et totalement son existence. Ce divorce sortit Tabu Ley de son silence pour lancer des mbwakela à son ancien soliste. Mongali et Leki ya Mongali tosuki wapi ? furent des flèches lancées à sa direction.
Paul Ndombe (à g) et Attel Mbumba
Sambi Noko ya libala, par Attel et l'Afrizam
Dans le monde musical congolais, il n’y a pas d’état d’âme dans les malheurs qui arrivent aux autres. C’est le règne
de la loi du Talion. Répliquant à la provocation, Attel réagit vite. Il donna suite à la question qui a servi de titre à la chanson de celui qui l’a rendu célèbre. Il mit sur le marché du
disque deux compositions signées de sa main. Comme la réponse du berger à la bergère, il dira dans Sambi noko ya libala :
« Noko ya libala mobomi libala kaka yo, position na yo ekoyebana te. Ekueli moninga yo osali feti ».
Un autre musicien à sa place aurait composé une chanson crue pour régler ses comptes avec Pauline. Attel avait-il écrit un pamphlet contre son ex ? Dans Mbumba, il parle d’un problème de couple. Et il est difficile de comprendre s’il s’agit bien du sien. A part peut-être quelques phrases telles que « Bolingo na yo esuka na nzela te. Nalinga, nalinga bato mingi » : ou bien encore celles du refrain : « Bolingo ekozalaka boye te. Ngai na yo tosuanaki se na butu. Sukisa bolingo yango se na butu », on ne retrouve aucune virulence. N’avait-il pas été un garçon timide et taciturne ? Dans cette chanson, il n’avait pas vraiment été direct comme l’était par exemple Dalienst Ntesa dans Beneda pour le cas Jarrya, Papy Tex dans Sango ya mawa pour l’affaire Pépé Akundji ou encore Tabu Ley lui-même dans C’est comme ça la vie lors de sa séparation avec Mbilia Bel. L’artiste Attel avait-il épargné la journaliste Pauline ou voulait-il protéger la fille qu’elle avait eu avec elle ? En auditionnant la chanson " Mbumba ", c’est comme si le redouté lavage des linges sales n’avait pas eu lieu sur la place publique. Ironie du sort, c’est pourtant sa guitare solo qui fit danser les mélomanes dans Cassius Clay de son ami Michelino Mavatiku, qui a caracolé plusieurs mois durant au hit parade de la Voix du Zaïre et dont les paroles disaient : « Obanzaki soki toboyani, na komidiembika singa na kingo to namela poison. (…) Ba crises bango bakozuaka, na ngai osuki nazui comprimé ya ba soucis ». Était-il un texte prémonitoire ? En tout cas, il donne matière à réflexion
Des questions en suspens
Que s’était-il réellement passé le jour où Attel avait voulu se donner la mort ? Avec le recul, il est difficile de faire l’autopsie de cette journée qui a failli tourner au drame. D’autant plus que les intéressés n’avaient fait aucune déclaration officielle. Mais des questions méritent bien d’être posées. Qu’est-ce-que Pierre Mbumba était-il encore parti chercher chez Kabangu alors que tout était consommé ? Était-il bien reçu par son ex? Dans quelles conditions la conversation s’était-elle passée ? Qui à part le couple en conflit était présent lors de cet ultime entretien ? Les deux protagonistes se sont-ils vraiment parlés? Attel avait-il réellement en tête l’idée de se suicider ou voulait-il seulement par cet acte désespéré forcer sa chère Tshita à revenir sur sa décision ? Où avait-il bu ce breuvage empoisonné qui avait sûrement été préparé par lui-même? De quel genre de produit s’agissait-il ? Ses proches n’avaient-ils pas soupçonné l’exécution de son plan macabre ? Tant de questions en suspens qui restent sans suite. En outre plusieurs versions en rapport avec cet auto-empoisonnement avaient circulé. Nous avons retenu celle qui nous avait paru la plus plausible et qui nous avait été rapporté par radio-trottoir lors des faits.
L’auto-empoisonnement
Les raisons de leur séparation nous sont inconnues. Pauline avait déjà quitté la parcelle familiale des Mbumba au quartier 7 à Ndjili où elle vivait avec Attel. Lorsque Tabu Ley avait lancé ses satires, Kabangu et son mari n´étaient plus ensemble. On peut bien le remarquer dans la chanson " Sambi noko ya libala ". Tout commença le jour où Attel partit chez son ex pour parlementer. Il cherchait vraisemblablement à recoller les morceaux de l’amour brisé. Le sujet de leur discussion portait sur leur relation. Et monsieur voulait et espérait convaincre madame à revenir sur sa décision et à rentrer au toit conjugal. Avait-il déjà de sombres idées quant à ce qui apparaissait déjà comme un divorce consommé ? Avait-il à l’avance préparé son plan au cas où la tentative de réconciliation échouerait ? L’entrevue se solda en queue de poisson. L´équation n´étant pas résolue, Attel rentra bredouille sans avoir la suite espérée. L’échec des pourparlers et l’intransigeance de Pauline l’avaient sonné. Désespéré et déjà habité par de sombres idées, il aurait franchi la ligne rouge au sortir du domicile de son ex en buvant le poison. Puis comme si de rien n´était, il prit le volant de sa voiture pour rentrer chez lui. Mais en cours de route, les effets de cette boisson toxique commencèrent à se manifester. Le soliste perdit connaissance et le contrôle du volant. Son véhicule partit terminer sa course contre un arbre. Amené d’urgence à l’hôpital à Kinshasa d’abord, au Bas-Congo ensuite, il sera sauvé in extremis mais avec des séquelles irréversibles. Attel Mbumba eut la vie sauve parce qu’il aurait parait-il dilué sa potion mortelle dans du lait qui aurait atténué sa toxicité. Sinon comment aurait-il survécu à cet auto-empoisonnement à l’acide? Cela relèverait tout simplement du miracle.
Pauline Kabangu Tshita
Pauline, par Attel et l'African-Fiesta National
Après l’épreuve…
Au lendemain des faits, les mélomanes apprirent cette effroyable nouvelle la peur au ventre. Cet incident bouscula le monde musical congolais car de mémoire d’homme aucun artiste n’avait jusque-là attenté à sa propre vie. Contrairement à Rochereau qui composa Mwana ya Vangu lorsque Guvano eut des ennuis de santé, Attel n’eut droit ni à ce privilège ni à cet honneur, même de la part de Ndombe Opetun qui était son confident, son complice et son ami de tous les jours. Ses potes de l’Afrizam l’avaient-ils suffisamment soutenu dans cette dure épreuve ou l’avaient-ils tout simplement abandonné à son triste sort. Au sortir de l’hôpital, il devint paraît-il allergique à l’électricité et était même physiquement diminué. Il ne s’en remit plus et délaissa la musique qui pourtant lui avait procuré la célébrité, le statut de vedette et une certaine aisance matérielle dans la vie.
Mont Stanley, le 31 décembre 1970. Au lendemain de son retour à Kinshasa et après avoir épaté l’Olympia de Paris, l´orchestre African Fiesta National est reçu par le Président Mobutu. Rochereau et ses musiciens s´entretiennent avec le Général. On reconnaît à partir de la droite Tabu Ley, Faugus Izeidi ( ?), Michelino Mavatiku (caché), …., Attel Mbumba, Pépé Ndombe, Seskain Molenga, Denis Lokassa, Kola Philo ( ?), Deyesse Empompo ( ?) et les autres. (Photo Information)
Nouvelle vie après la musique
Guéri et sauvé, la vie l’ayant emporté sur la mort, Attel Mbumba n’avait plus rien à faire à Kinshasa. il
partit "s’exiler" à Matadi, loin des turbulences de la capitale devenue le symbole de sa déception, de sa désillusion et de ses illusions. Dans la sérénité de la ville portuaire, il
deviendra électrotechnicien, lui le bricoleur de jadis qui à plusieurs reprises dépannait l’Afrisa dans des concerts lorsqu’il arrivait que certains matériels ne fonctionnaient plus
convenablement. Peut-être avait-il voulu par ce déplacement dans le Bas-Congo s’éloigner de la ville de son malheur où le suivait sans cesse les gestes de son auto-empoisonnement. Il
voulait fuir le spectre de cette femme pour qui il avait voulu mettre fin à ses jours. Quelques années plus tard, le soliste s’adressa à ses nombreux fans dans les colonnes du quotidien
Elima. Le mariage contre-nature entre un artiste-musicien et une journaliste-vedette n’a pas survécu. Le feuilleton amoureux entre Attel et Pauline venait de prendre fin. L’idylle qui
commença un soir à la Cité de l’OUA a failli se terminer en drame. Le suicide raté qui s’en était suivi avait complètement détruit la vie du soliste. Du sommet qu’il avait atteint dans la
chanson, Pierre Mbumba est tombé au plus bas de l’échelle en devenant un simple réparateur des radios. C’est ce petit métier qui le faisait paraît-il vivre. Ce soliste hors pair qui fit danser
l’Olympia de Paris, toute l’Afrique et le Congo entier était devenu l’ombre de lui-même lorsque l’amour le quitta un jour. Quelle déchéance que
celle que peut connaître l’être humain dans son existence ! Son suicide avorté était-il un signe de bravoure, une preuve d’amour, un geste de désespoir ou un véritable acte de lâcheté. En
tout cas " l’affaire Pauline " avec ses retombées avait mis un terme à la fulgurante carrière artistique d’Attel Mbumba. N’avait-il pas lui-même composé Chance eboya na nzotu : http://www.youtube.com/watch?
Mbumba, par Mbumba Attel et l'Afrizam
Samuel Malonga
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