LE POETE LUTUMBA SIMARO ET LE STYLE "LOLAKA"
LE POETE LUTUMBA SIMARO ET LE STYLE "LOLAKA"
Lutumba m’inspire encore cette semaine. L’immensité de son œuvre fait qu’on pourra écrire des tonnes et des tonnes des livres et d’articles. Parlons de lui pendant qu’il est encore vivant sur cette terre des hommes et faisons-lui l’honneur qu’il mérite.
Vous conviendrez avec moi que Lutumba Simaro, ce monument vivant de la musique congolaise moderne sur les deux rives du fleuve Congo n’est plus à présenter. Cela dit, je m’empresse d’ouvrir une parenthèse puis la refermer directement en vous disant qu’on aime bien l’appeler "le Poète Lutumba" à cause de ses proverbes (traduisez Masese en Lingala) et ses œuvres qualitatives et quantitatives qui peignent la société congolaise. Chaque mot, chaque phrase dans la chanson de Simaro doit être examiné en profondeur pour bien en saisir la portée exacte. Sinon on reste dans le superficiel. Il faut dire que ses phrases magiques ont traversé des frontières. Un exemple palpable, dans les années 70, les passages de ses chansons avaient constitué des sujets de philosophie pour les examens de baccalauréat de l’autre côté du fleuve Congo. Quoi de plus encourageant qu’on parle à nos élèves et étudiants de notre propre philosophie au lieu de leur bourrer la tête avec la philosophie occidentale. Lutumba est un auteur-compositeur d’exception qui a œuvré au sein du TP OK Jazz de 1961 à 1989, année de la mort du grand Maitre Franco. De 1989 à 1993, il va diriger des mains de maitre le TP OK Jazz avant d’aller fonder avec Ndombe Opetun, Josky Kiambukuta, Camille Lokombe N’kalulu, Partick Mangasa et autres le Bana OK. Pour rappel, Lutumba totalise aujourd’hui plus d’un demi-siècle de vie musicale.
Fidèle au style "Odemba" du TP OK Jazz, Lutumba est le fondateur de l’école du "verbe". Ceci consiste à utiliser dans les chansons des proverbes et autres éléments caractéristiques de notre sagesse. Ce style a été adopté à sa juste valeur par la plupart de nos musiciens qui n’hésitent plus un seul instant à introduire des proverbes dans leurs chansons. Il y en a qui utilisent ces proverbes à bon escient; d’autres par contre les utilisent à tort et à travers, c’est-à-dire non pas dans le véritable sens de transmettre la sagesse africaine, mais pour s’injurier au fil des jours, pour lancer des jetons ou quolibets autres musiciens. Disons en passant que le proverbe est un mode d’éducation par excellence dans la culture bantoue.
Lutumba est également le créateur du style "Lolaka". "Lolaka" en lingala signifie simplement la voix. Ce style consiste à ce qu’une chanson soit interprétée par un seul chanteur. Les exemples sont légion dans les œuvres anthologiques de ce grand artiste. Il suffit d’écouter "Ebale ya Zaïre", "Faute ya commerçant", "Mabele" pour se rendre vite compte qu’elles étaient interprétées par une voix monocorde, celle du brillant Sam Mangwana. Il était le premier à exceller dans cette pratique. "Maya", "Affaire Kitikwala" seront chantées par Lassa Carlyto tandis que Djo Mpoy Kanyinda s’illustrera dans "Kadima" et "Mandola". Madilu System figure la liste pour avoir interprété "Eau bénite", "Dathy Pétrole" et "Melesi bapesa na Mbwa". Malage de Lugendo viendra allonger la liste avec "Testament ya Bowule".
Plus tard, il introduira une autre innovation dans ce style. Au lieu que la chanson soit interprétée par un seul artiste, il combinera deux ou trois artistes. C’est ainsi que la chanson "Verre cassé" sera interprétée par Lassa Carlyto et Madilu System, "Mwana ndeke" et "Tuba-Tuba" par Carlyto, Pépé Kallé et parfois avec Malage, "Nalembi" chantée par Pépé Kallé et Mbilia Bel.
A suivre
Zéphyrin Kirika Nkumu Assana