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Publié par Messager

 

 

 

Le mystère de « mbasu »

 

C’est une maladie terrible qui tue. Dans certains marchés de Kinshasa se vendent les  ingrédients nécessaires pour sa préparation ou son expansion. Les jeteurs de sort les utilisent pour paraît-il nuire aux autres. Il s’agit de "mbasu". Louis Kalonji nous en parle davantage.

 Samuel Malonga

 

Le mystère de mbasu 

 

Elle a fait explosion dans certains quartiers de Kinshasa, depuis surtout l'année 2002. On l'appelle mbasu: une maladie qui s'attaque notamment à la peau des jambes et des bras, jusqu'à la couvrir de plaies douloureuses et extrêmement profondes, détruit la peau, les muscles et peut même entamer l'os. Identifiée au 19ème siècle dans le district ougandais de Buruli, longtemps ignorée, I'ulcère de Buruli est devenu une maladie  "émergente" et fait peur.

 

Presqu’inconnue jusqu’il y a peu d'années, la maladie progresse rapidement et terrorise les gens. A vrai dire des cas de mbasu (nom donné par les Bandibu) ont été rapportés entre les années 1950 et 1970 dans la province du Bas-Congo, notamment dans le foyer endémique de Songololo-Kimpese. Cependant l'origine de cette maladie ne manque pas d’exciter l’imagination des gens. Mbasu, on se dit, ne peut venir que de l’ensorcellement: ce sont des individus méchants et jaloux qui recourent à mbasu pour se venger ou bloquer les personnes qu'ils ne veulent pas voir progresser. C’est une malédiction, c'est la punition pour un mal commis: en fait, la maladie attraperait de préférence les voleurs, les débiteurs qui refusent de payer leurs dettes, les coureurs de jupons etc. Un homme d'une trentaine d'années vient de mourir dans un quartier de la commune de Masina, à Kinshasa, parce qu'il aurait été pris en flagrant délit d’adultère avec la femme de son voisin. Le mari de la femme avait juré de recourir à mbasu pour châtier le coupable. De même une femme d'une quarantaine d'années que sa rivale (deuxième bureau de son mari) voyait d'un mauvais œil, vient de mourir de la redoutable maladie.

 

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On vous assure

Le recours à des explications qui n'ont rien à voir avec la médecine est très fréquent. Fleury, qui a souffert de mbasu et qui fut soigné et guéri, raconte sa tragédie. Il habitait dans la parcelle familiale qu'il avait bien aménagée par ses moyens personnels. Certains membres de la famille, envieux de son succès et désireux de partager sa fortune, sont arrivés à le menacer: «Ou tu mets en location la grande maison que tu as bâtie pour toi et tu partages avec nous le loyer, ou... tu vas voir»! Deux mois après cette menace, la maladie de mbasu s'est déclarée sur sa jambe droite. Après des soins à l'hôpital, qui n'ont rien fait, il a été soigné par un tradi-practicien. Entre-temps, la parcelle litigieuse a été vendue et l’argent partagé entre tous les ayant droit. La victime est guérie, même si pas encore complètement.

On raconte que pour envoyer ce mauvais sort communément appelé «mpese» (mycose) à leurs victimes, les jeteurs de sort utilisent une poudre grisâtre, qu'ils achètent et qui coûterait au marché deux dollars environ. Cette poudre est jetée sur le passage de la victime, devant sa maison ou sa parcelle. Si la victime est loin, la poudre est lancée en direction du coucher du soleil en citant son nom. Des potins sans nombre. On vous assure que des enseignants, mécontents de leur directrice lui ont jeté la fameuse poudre: maintenant "ses jambes sont comme p! " Attention où vous mettez les pieds: l’esprit mauvais qui aime habiter les flaques d’eau puante, peut vous attraper et vous coller la malédiction de mbasu.

 

Finalement!

Cette maladie touche aujourd'hui plus de 31 pays dans le monde, dans les régions situées entre les Tropiques du Cancer et du Capricorne. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime qu'au moins 100.000 enfants et adultes sont contaminés en Afrique. En Côte d'Ivoire, environ 15.000 cas ont été enregistrés depuis 1978 et jusqu'à 16% de la population de certains villages sont touchés. Au Bénin, 4.000 cas ont été enregistrés depuis 1989. Au Ghana 6.000 cas enregistrés au cours d'une enquête nationale en 1999. Mbasu c'est une maladie causée par une mycobactérie, le Mycobacterium ulcerans. Elle peut commencer par une simple irritation indolore sur le corps, qui se transforme progressivement en une plaie ouverte où la bactérie, de la même famille que les germes de la lèpre ou de la tuberculose, ronge inexorablement le corps. Jusqu'à présent, le seul recours contre l’ulcère de Buruli était l’excision. Après le "décapage" des zones touchées, venait la phase de reconstruction par greffe de peau. Grâce aux recherches financées aussi par l’Association Française Raoul Follereau, une course contre la montre s'était engagée pour mettre au point un traitement antibiotique. Le 17 mars dernier, l’Organisation Mondiale de la Santé faisait savoir que l’espoir était devenu réalité: le traitement de l'ulcère de Buruli sera, désormais, antibiotique!

 

Louis Kalonji


Afrique Espoir N° 33 Janvier-Mars 2006

 

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