La légion sportive congolaise à l'étranger
Depuis quelques années bien des sportifs se naturalisent devenant ainsi étrangers dans le pays de leurs propres ancêtres. Nous les voyons aujourd’hui concourir sous les drapeaux de leurs pays d’adoption. Ce phénomène s’accélère de plus en plus, mais n’est en soi pas un fait nouveau et la RDC n’échappe pas à la règle. C’est Léon Trouet Motombo Mokuna qui fait figure de pionnier en ouvrant le premier la porte de l’Europe sportive. Il quitte son V.Club chéri en 1954 pour évoluer comme professionnel au Sporting de Lisbonne. Puis plus tard, en 1957, il va jouer à La Gantoise (actuel A.A Gent). Il est l’attraction du public car il est le premier Africain noir dans la compétition belge. Puis, c’est le tournant de sa vie. Il franchit le Rubicon un jour en passant outre son statut de simple Belgicain, se débarrasse de sa nationalité congolaise et se naturalise Belge. Mais victime du racisme et de la discrimination des sélectionneurs du royaume, le premier Diable Rouge congolais ne jouera que dans l’équipe nationale B malgré ses prouesses et ses boulets de canon. Il s’en plaindra même dans une interview qu’il accorda à la presse flamande. Le Belge Trouet s’installa plus tard au pays de ses ancêtres plus précisément à Kinshasa, la ville qui l’a fait découvrir au monde. Il est entraîneur par intermittence (Lions, V. Club, Mazembe, Léopards) et verse dans les affaires. Il fait de l’import- export et s’occupe de Congo Shipping son magasin pour articles de sport. Il est aussi en bon terme avec son vieil ami « Jeff ». C’est ainsi qu’il appelait le maréchal Mobutu. Son commerce marche bien. Parfois, selon ses propres dires, c’est son pote de président qui lui envoie des clients. Mais le temps de la rupture entre les deux hommes viendra avec la zaïrianisation. Devenu depuis bien longtemps « monsieur Léon » donc sujet belge (un noko noir) et non plus « citoyen Mokuna » ; devenu de fait
étranger sur cette terre qui l’a vu naître et grandir, tous ses biens sont confisqués et cédés à d’ « authentiques » Zaïrois. Bien qu’il soit lui-même véclubien comme Trouet, Mobutu n’a pas d’état d’âme, politique de recours à l’authenticité oblige. Selon les révélations d’Adelar Mayanga Maku à la télévision flamande, Trouet aurait européanisé mieux « néerlandisé » son nom lorsqu’il prit la nationalité belge. Il n’était plus « Mokuna » mais serait devenu « Van Mokoen ». Et Mobutu n’a jamais apprécié ce geste, la nationalité zaïroise étant une et inaliénable. Aussi, son patronyme congolais qu’il a « flamandisé » sonnait très mal dans les oreilles du citoyen Sese Seko, lui , l’Africain intègre, qui venait tout juste de se débarrasser de son double prénom occidental. Tombé en disgrâce et ayant tout perdu, monsieur Léon van Mokoen se vit obliger de rentrer chez lui en Belgique. Zaïrianisé jusque dans les poches, l’ancien enfant terrible du football congolais quitta le Zaïre de son ami Mobutu, la mort dans l’âme. (Tapez d’abord : http://programmas.canvas.be/canvasdoc-docville2010/# puis cliquez sur Belga sport: Léon Mokuna).
En 1966, une catastrophe sportive se passe au stade Tata Raphaël devant Mobutu médusé en présence des milliers des compatriotes massés sur les gradins. L’équipe nationale « Les Lions » est ridiculisée par les Black Star du Ghana. Touché dans son orgueil, le président décide alors de la renforcer en faisant appel aux Belgicains non sans avoir transformé ce nom en « Léopards ». Bien des joueurs congolais de Belgique rentrent comme Ndala, Mayama, Muwawa. Mais Henri Erumba fait le choix de rester. « Que sont-ils devenus aujourd’hui, ceux qui ont répondu à l’appel présidentiel ? » se demande-t-il. Puis de conclure : « J’ai bien fait de rester ». En 1972, Julien Kialunda qui n’a pas suivi la vague de ses amis en 1966, accepte cette fois-ci de venir renforcer les Léopards le temps d’une CAN. Mais après le mini-échec de la campagne camerounaise, il est presque oublié par la fédération qui n’honore pas les engagements pris à son égard et rentre déçu à Anderlecht. En 1985-1986, alors qu’il jouait en Ligue 2 où il a marqué 29 buts en 30 rencontres, Eugène Kabongo Ngoy, est poussé par les dirigeants du Racing Club de Paris de prendre la nationalité française. A l’époque, les équipes de l’Hexagone ne pouvaient avoir que trois étrangers. Pour passer outre cette loi contraignante, des joueurs surtout africains se faisaient souvent naturalisés tout en gardant leur nationalité d’origine à l’instar du Congolais François M’Pélé. De passage dans la capitale française, Mobutu reçoit Kabongo en privé et le conseille de ne pas renoncer à la nationalité de ses ancêtres. Qu’au contraire, il en devait être fier. Eugène, Était-il au courant de la mésaventure de Trouet ? En tout cas, l’ancien avant-centre de l’AC Matonge ne céda pas, ne se naturalisa pas et resta Zaïrois. Quelques années après, Mobutu organisa une soirée arrosée pour fêter l’anniversaire de Mutombo Dikembe, basketteur américain d’origine congolaise. Il y invita tout le gotha du sport national. Le Français Claude Makélélé, dont le nom porte des accents en France, était aussi présent. Ces sportifs réunis autour du président, ne faisaient-ils pas en sourdine l’honneur du Zaïre dans leurs pays d’adoption et dans les compétitions internationales ? Ne voyait-t-on en filigrane à travers eux le dynamisme de la jeunesse zaïroise encadrée par la JMPR? En tout cas, pour la circonstance, le Président-Fondateur ne lésina pas sur les moyens. Surprise sur prise, il apporta à ses convives un plateau bourré de diamants et leur dit gentiment: « Servez-vous ». Claude Makélélé, comme les autres invités présidentiels d’ailleurs, mit la main dans le plat et prit quelques gemmes : http://dai.ly/bHS9mu. Rappelons aussi qu’en ce qui concerne les naturalisations, nos artistes-musiciens ne sont pas en reste. Alors qu’il avait des ennuis judiciaires, bien des compatriotes étaient étonnés d’apprendre que Papa Wemba, le Bakala dia Kuba, n’était plus congolais mais plutôt … citoyen belge résidant en France.
Ils sont nombreux ces sportifs congolais de haut niveau qui font désormais la fierté d’autres nations au détriment du Congo où ils sont parfois nés. Ils sont nombreux , ceux qui aujourd’hui défendent des couleurs étrangères. Il sont nombreux, ces jeunes Congolais qui grâce à la naturalisation ont obtenu ce qu’ils voulaient. Il sont nombreux ceux qui chaque jour davantage, pour une raison ou une autre, veulent obtenir cette nationalité étrangère qui ouvrent les portes de la réussite dans leur domaine précis. Ils sont pour la plus part à jamais perdus pour le sport national. Officiellement et sportivement, ils ne sont plus des nôtres, le Congo n’est que le bénéficiaire collatéral de leurs exploits. Mais qui sont-ils, ces sportifs congolais de la diaspora ? On ne les trouvent pas seulement en Occident mais aussi dans le continent parfois dans les pays frontaliers. Nous avons essayé de dresser une liste qui sûrement doit être complétée par les mbokatiers. Voici les quelques noms trouvés et à vous de faire le reste.
- France : Claude Makelele, Péguy Luyindula, Stève Mandanda, Rio Mavuba, Jirès Kembo Ekoko, Gaël Kakuta, Chris Mavinga , Cédric Makambu Pour le Congo-Brazza : Jo-Wilfried Tsonga (http://dai.ly/c5mKjV), Dominique Malonga, Martin N’Kouka, Charles N’Zogbia, Amine Linganzi Koumba.
- Belgique: Léon Mokuna, Henri Erumba, Henri Balenga, Vincent Kompany, Romelu Lukaku, Yulu Matondo, Gaby Mudingayi, Blaise Ngoma-Muanda, Jérôme Mbo Mpenza, Emile Mpenza, Nathan Kabasele, Dimitri Mbuyu, Anthony van den Borre, Edouard Kabamba, Landry Mulemo, Dedryck Boyata, Jonathan N’Senga (athlétisme).
- Pays-Bas: Kiki Musampa.
- Allemagne : Cédric Makiadi Mapuata.
- Suisse: Blaise Nkufo.
- Portugal: Aziz Makukula, José Bosingwa. Pour l’Angola : Jean-Jacques Nzadi da Conceição (basket).
- Etats-Unis : Mutombo Dikembe, Didier Ilunga-Mbenga, Christian Eyenga. Pour le Congo Brazza : Serge Ibaka.
- Togo : Sylvestre Tommy.
- Algérie : Raïs M'Bolhi.
- Rwanda: Elias Ntaganda, Saïd Abed Makasi.
Samuel Malonga