Henri Bowane, créateur de la Rumba moderne
Rendre à Henri Bowane sa place de
créateur de la Rumba moderne, à côté, sinon au dessus des vedettes Wendo Kolosoy et Joseph Kabasele.
.
Il est de bon ton de s’aligner sur les affirmations des chroniqueurs de musique
congolaise et donner à Wendo et Kabasele, la paternité de la Rumba moderne, tout en passant sous silence le rôle central de Henri Bowane – Papa Loningisa
Il faut dire que Henri Bowane est sans conteste, le véritable compositeur de la chanson Marie Louise dont l’interprète Antoine Wendo tirera toute la gloire. La chanson Marie Louise porte en elle, les bases du style Lolaka. La ligne mélodique de marie Louise est le modèle de référence, aujourd’hui encore de beaucoup de chanson chantées en solo, à l’instar de Mongali (Rochereau- style fiesta) voire Mabele (Simaro – style Odemba) et même plus près de nous les générations Wenge s’inscrivent sur ce modèle défini depuis les années 50 (48/50) par ce génial guitariste et vocaliste, doublé d’un producteur hors-pair.
Lorsque dans les années 51/53, la guitare électrique fait son apparition dans les studios d’enregistrement de Kinshasa, Bowane transfuge de Ngoma, monte le groupe Loningisa pour les éditions du
même nom. Curieux de découvrir de nouveau talent – c’était aussi un tourneur et un producteur qui gérait avec son frère un bar dans la commune de Kinshasa (le Quist ?)- s’intéresse aux
Goza et bills de « Nouvelle cité » Ngiri ngiri et Dendale, où le Grand Bill Néron a inventé le Nzambele, un style musical tout à fait nouveau, mais marginal, qui fait les délices des
jeunes désoeuvrés de ces quartiers où les gros bras font la loi. Il faut dire que Leopoldville est sous la loi des yankés. Ngiri-Ngiri est le territoire des Mofewana et de Bois dur, alors
qu’à l’intérieur du quartier, chacune des rues ou groupes de rues représente un « fief » dominé par un Sherif local, sur le modèle des western et des yankés. Grâce à Dewayon et ses
textes, nous savons que Bana Bosenge ( habitant la rue Bosenge) étaient en guerre contre les Bana Ingende. Les combats opposant ces jeunes se déroulent sur les rythmes de Nzambele, rapporte
Kolonga Molei, dans son livre Kinshasa ce vilage d’hier. Et Franco dans sa chanson-mémoire « lettre au DG » souligne l’intensité de ces bagarres qui nécessitent notamment de faire son
« kamo » chez le Vieux Eboma, un kamo qui donnait la force d’assécher un arbre, d’un coup de parfois qui dansent sur ces sonorités Le mouvement des bills et yanké s’est accompagné
d’un tête.
En tout cas, si l’histoire ne nous dit pas comment Henri Bowane a entendu parler des
jeunes de Bosenge, qui autour de Ebengo Dewayon ont monté un groupe au rythme très dansant : Bana Watama ou Watams, va les prendre en charge pour les produire. Il faut dire que chez les
Watams, ont jouait de très peu d’instruments : le patenge (un tam-tam carré sur pieds), le maracas ou Kuakasa (dont le meilleur utilisateur était Tchadé Mpiana) et bien entendu, une
guitare rudimentaire qu’utilisait Dewayon. C’est henri Bowane qui, en prenant en charge l’arrangement des œuvres de Watams pour le compte de Loningisa, va donner à tout cela uns structure. Bien
entendu, Dewayon et son compère Jeannot Nganga, en bana Lac ont su composer des chansons, parfois sommaires mais très cadencés, ont fait le reste. Le style Loningisa est né donc de la rencontre
entre Henri Bowane et son sebene d’une part, la gouaille de Goza et des bills de Ngiri-Ngiri et les compositions de Dewayon Ebengo d’autre part. Un style qui préfigurait la rumba d’aujourd’hui.
Le générique « Yoka sebene » n’a rien à envier aux 19 minutes de Ngwasuma de Zaiko kolo mboka, puisque l’on y retrouve aussi bien les cris des atalaku: « Yoka, yoka,
mindongi » que les improvisations de court strophes des musicians – Madeleni na luli yo aye, madeleni nabala yo » à l’instar des génériques de Wazekwa, Koffi ou Werra. Le
Loningisa est une musique dansante et saccadée comme ce titre Nyekese interprêté par Dewayon et Nganga au Chant, Franco et Bowane à la guitare, un titre qui se danserait aisément comme un
Ndombolo d’aujourd’hui. Et si Bowane a réussi cette prouesse, c’est parce que c’est avant tout un instrumentiste. Celui qui règle la mélodie sur les guitares pour en dégager le substrat
dansant qu’est le sebene ou solo de guitare.
Il n’y a pas longtemps encore j’en discutai avec un aîné de l’effacement de Bowane derrière les Wendo et Kallé. Un effacement qui s’explique tout simplement par l’aura de ceux qui sont au premier plan – les chanteurs, alors que les instrumentistes, à l’arrière-plan, auront toujours du mal à exister, à moins de prendre le micro comme un certain Franco ou Essous ou plus près de nous Mopero ou Lokua Kanza.
Henri Bowane, bien plus que Wendo ou Kallé est le vrai Père de notre Rumba dont il a posé les bases mélodiques du chant et le modèle du sebene et de la rythlique. On doit reconnaître à Wendo la starisation de nos artistes et à kallé, le modèle orchestral des groupes congolais, qui reste encore à ce jour, un modèle unique, difficilement exportable au délà des deux Congo.
Joseph PULULU
Nyekese, par Dewayon
Sebene, par Bowane