Basile Ntondele Diazolo, chercheur et inventeur congolais
Basile Ntondele Diazolo, chercheur et inventeur congolais
Prélude
L’annonce de son décès à la clinique Ngaliema a fait l’effet d’une bombe. La date du vendredi 9 août 2013 restera dans l’histoire comme celle de la disparition de l’un des plus éminents pharmaciens, ethno pharmacologues, chercheurs et inventeurs que le Congo ait connu. Vieux Diazos qui a été l’honneur et la fierté de la famille, le meilleur parmi nous, un savant pour notre lignée, le plus brillant et le plus méritant de toute notre parenté ; lui qui a valorisé la médecine traditionnelle en transformant des plantes en comprimés et en sirop ; lui qui parti de rien a bâti un laboratoire et un centre de recherche de référence nationale, s’en est allé, laissant tout le monde dans une très grande consternation. Nos larmes tout juste séchées mais dont les traces sont encore visibles; le deuil à peine terminé mais la tristesse toujours perceptible ; l’émotion à moitié tombée mais l’insupportable absence de mbuta Ntondele désormais présente, j’ai bien voulu parler de l’homme qu’il fut, de ses recherches et de ce qu’il lègue en héritage au Congo afin de me libérer de ce chagrin qui m’étouffe. Affligé par cette perte incommensurable, ces quelques lignes sont l’hommage posthume d’un cadet à son illustre aîné.
Jeunesse et études
Fils de papa Mankusa et de mama Pauline N’Sansi, Basile Ntondele Diazolo voit le jour le 16 mai 1944 à Nseke-Kayi dans le Manianga, territoire de Luozi dans la province du Bas-Congo. Il est le troisième d’une famille de cinq enfants. Son nom (Ntondele) veut dire "merci" en kikongo. Est-ce par prémonition de ce qu’il deviendra plus tard que ces parents ont d’avance remercier le Ciel en lui donnant ce patronyme riche de signification? Toujours est-l qu’il commence sa scolarité chez les catholiques à Mangembo où il termine son cycle primaire. Il veut devenir enseignant mais rate son admission à l’Ecole normale de Gombe-Matadi. L’opportunité de se rendre à Léopoldville se précise de plus en plus. C’est alors qu’il va habiter à partir de 1956 chez sa tante maternelle à Yolo-Sud. Dans la capitale, il change de section. Il fait les humanités scientifiques bio-chimie au Collège Saint Georges des Frères des écoles chrétiennes à Léo II (Kintambo). Il y obtient son diplôme de fin d’études secondaires à une époque où les examens d’Etat n’existent pas encore. Il est admis la même année à l’Université Lovanium dans la faculté de pharmacie d’où il sort gradué en 1968. Il épouse Marie-Thérèse Meya, la sœur cadette du professeur Nicolas Bayona ba Meya, ancien président de la Cours suprême de justice et ancien ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire sous Mobutu. Il veut terminer son cursus universitaire et malgré son âge, Basile Ntondele reprend le chemin de la "Colline inspirée" (Unikin) où il décroche en 1987 sa licence en pharmacie. Il débarque à Metz en France en 2005 pour sa spécialisation en ethno pharmacologie. C’est aussi dans cette optique qu’il prépare et obtient avec distinction son DEA (diplôme d’études avancées) à l’Université de Kinshasa en 2011. Basile Ntondele Diazolo porte donc plusieurs casquettes. Il est à la fois pharmacien, ethno pharmacologue, phytothérapeute, chercheur et inventeur.
De la pharmacie "La Quinine" au CRMTA
Basile Ntondele débute sa vie professionnelle comme jeune pharmacien à la Cophaco aussitôt le premier cycle de ses études universitaires terminées. Il travaille d’abord à Matadi. Il est ensuite muté à Bukavu et à Goma puis rentre enfin à Kinshasa. Voulant travailler comme indépendant, il démissionne de son poste et devient son propre patron. Il se lance dans les affaires. Il obtient un crédit immobilier auprès de la CNECI et s’installe à la Cité Salongo où il ouvre la pharmacie "La Quinine" vers 1973 avec plus tard deux extensions sur l’avenue de l’Université et à côté de l’hôpital Mama Yemo. Ce n’est que plus tard au milieu des années 80 qu’il s’intéresse vraiment à l’ethno pharmacologie et aux plantes qui guérissent au vu de ce que fait sa mère. Mama N’Sansi qui a déjà rejoint la capitale est tradipraticienne. Elle exerce à Foncobel (Kimbangu) dans la commune de Kalamu. Sur la liste de ses clients se trouvent des célébrités sportifs comme le gardien Nsiampasi de Bilima. Ils viennent la consulter pour des maladies que la médecine moderne n’arrive pas à guérir. Elle utilise plusieurs plantes médicinales avec lesquelles elle prépare des tisanes et des infusions pour ses malades. De tous ces végétaux dont se sert la guérisseuse, un seul intéresse particulièrement le pharmacien Ntondele. Il l’étudie à fond dans son labo de fortune et arrive à découvrir ses grandes vertus thérapeutiques et ses propriétés curatives. Avec ce végétal, il invente en 1987 son premier médicament : la Meyamicyn. A partir de ce moment, il délaisse la simple vente des produits pharmaceutiques pour se consacrer entièrement à la recherche, à l’invention, à la fabrication, à la production et à la commercialisation de nouveaux produits à base des plantes médicinales locales. Il crée les deux outils scientifiques qui lui permettront de mener à bon port ses travaux pharmaceutiques: le laboratoire "La Quinine" et le Centre de Recherche et de production des Médicaments Traditionnels Améliorés (CRMTA). Le but affiché est de revaloriser les plantes médicinales qui foisonnent dans les forêts congolaises. Celles qu’il exploite sont cultivées sur plusieurs hectares dans son propre domaine forestier pour éviter la pénurie. Dès lors, commence un laborieux travail de recherche sur ce qu’il a appelé "le transfert de la recherche fondamentale à la recherche appliquée sur les plantes médicinales". Afin de revaloriser la pharmacopée traditionnelle du Congo, l’ethno pharmacologue manifesta sa volonté de collaborer avec les tradipraticiens du pays qui constituent pour lui une banque des données non négligeables, car ces derniers connaissent beaucoup de choses. http://crmtaphyto.com/.
Le CRMTA et le laboratoire "La Quinine"
Les installations de ces deux institutions privées sont implantées dans son ancienne domicile à la Cité Salongo. Les activités démarrent avec l’autofinancement. Lorsque la belle aventure commence avec l’invention de la Meyamicyn, le chercheur Ntondele manque des machines appropriées. Il utilise alors les moyens du bord. Et c’est le mortier de sa femme qui sert d’outil de production. Ce matériel rudimentaire a servi pour piler les écorces des plantes médicinales. L’argent gagné avec la production de ce nouveau produit permet à l’ethno pharmacien de s’offrir un équipement moderne. Ces machines sont toutes inventées avec son imagination et avec la contribution des étudiants de l’ISTA. Dans la salle de stérilisation du laboratoire, est installé un système de tyndallisation dans 3 cuves de 600, 800 et 1000 litres de volume. L’opération de stérilisation dure au moins 3 jours. Au total, il y a 13 salles dont celles de broyage, d’analyse, de stérilisation d’eau, de conditionnement, de séchage, de pharmacognosie, de l’échantillon, de stockage des emballages, d’extraction aromatique, de compression, de mélange et granulation, et de préparation sirop. Les plantes utilisées proviennent pour la plupart de la forêt. Avant qu’elles ne soient passées à la première étape de broyage, elles subissent un traitement qui consiste à les sécher. Après avoir broyé les écorces de plantes, Basile Ntondele et son équipe de pharmaciens congolais étudient les effets toxiques et secondaires pouvant entraîner des réactions dans le corps humain. Dans la salle d’analyse, il y a 500 herbarium, c’est-à-dire 500 sortes de plantes qui servent à la fabrication des médicaments. Parmi elles, quatre seulement sont exploitées et ont donné ces produits pharmaceutiques qui ont fait la renommée du chercheur. http://www.prise1.ca/GOUVERNEMENT-ENDIMELI-INVENTEUR-YA-DIAZOSTIMUL-_-mgT-po8orN0.html.
Basile Ntondele Diazolo, 16.05.1944 - 09.08.2013
De nouveaux médicaments made in Congo
En 20 ans de recherche soit de 1987 à 2007, quatre produits en comprimés et en sirop sont sortis du laboratoire "La Quinine".
- la Meyamicyn, appellation dérivée du nom de son épouse Meya, est utilisée contre les diarrhées aiguës ou chroniques d’origines infectieuse, amibienne, toxico-alimentaire et contre les levures. C’est aussi un antipoison.
- le N’sansiphos, appellation dérivée du nom de sa mère N’Sansi, combat le paludisme (malaria).
- le Zinginalis, extrait d’une plante de la famille des "zingibéracées", lutte contre les hémorroïdes.
- le Diazostimul, appellation dérivée de son pseudonyme Diazos, extrait d’une plante médicinale de la famille des "rubiacées", est un excitant sexuel qui combat les formes d’impuissances sexuelles suivantes : l’anaphrodisie ou absence de désir sexuel, l’anérection ou absence d’érection, l’anéjaculation ou absence d’éjaculation, l’éjaculation précoce, l’anorgasmie ou absence de désir sexuel chez la femme ainsi que la stérilité masculine et féminine.
http://www.youtube.com/watch?v=TYlOJA2QpPA
L’inventeur a fait savoir que l’aspect toxicologie du principe actif de ces produits est régulièrement évalué au laboratoire chimique de l’Université de Kinshasa. Ces médicaments qui sont aussi en circulation au Congo-Brazzaville, au Mali, au Bénin et en Angola se distinguent de leurs homologues du genre par le fait qu’ils ne proviennent pas de synthèses chimiques mais plutôt de plantes naturelles. Ils possèdent de ce fait de nombreuses propriétés remarquables sur le métabolisme humain. Tous ces médicaments sont approuvés par l’Organisation mondiale de la santé. La Meyamicyn et le N’sansiphos sont par contre déclarés "médicaments essentiels" par le ministère congolais de la Santé publique. Selon certaines indiscrétions, l’ethno pharmacologueBasile Ntondele projetait de mettre encore sur le marché deux autres nouveaux remèdes à savoir Matanga, un fortifiant pour permettre aux gens de ne pas se lasser pendant les veillées mortuaires et Menga, un produit pour renforcer l’immunité du sang.
Anecdote
Dans la famille, certains sont émerveillés par l’intelligence, le génie, la réussite et la capacité de Basile Ntondele à gérer ses affaires. Qui sait. Peut-être a-t-il un nom porte-bonheur. Le grand-frère dont le pharmacien est puîné n’hésite pas à donner à son fils le nom de "Mayele ma Ntondele" dans l’espoir que ce patronyme lui portera chance et réussite dans la vie.
Conférences
Le 25 juin 2007, l’ethno pharmacologue Ntondele est invité au Cameroun pour donner une conférence à la faculté de médecine de l’Université des Montagnes (Udm) à Bangangté. Etudiants, pharmaciens, médecins, tradipraticiens et autres chercheurs en plantes médicinales basés dans la province de l’Ouest camerounais sont venus l’entendre. Le thème porte sur "De la recherche fondamentale à la recherche appliquée dans la médecine traditionnelle en République démocratique du Congo. Mise au point des médicaments à base des plantes médicinales". L’objectif premier de cette conférence est de "faire découvrir le transfert de la recherche fondamentale à la recherche appliquée sur les plantes médicinales par l’inventeur Dr Basile Ntondele Diazolo". L’Udm qui dispose d’une faculté de médecine, est engagée dans la production des médicaments traditionnels à base des plantes médicinales. Question de répondre aux attentes des couches démunies. Déjà, en plus du stage académique annuel effectué en RDC par les étudiants camerounais, un partenariat est en train d’être noué entre cette institution universitaire et le CRMTA. Le 11 octobre 2012, en marge du sommet de la Francophonie tenu à Kinshasa, Basile Ntondele participe aux débats et tables rondes au village de la Francophonie où il expose ses idées sur la mise au point des phytomédicaments (médicaments faits à base des plantes) en R.D.Congo. La faculté de médecine de l’Université de Kinshasa l’invitait souvent pour y animer des matinées scientifiques ou pour faire des exposés sur ses médicaments dont l’efficacité n’est plus à démontrer.
Village Ntondele
Situé à Kinkole dans la commune de la Nsele, ce site une fois terminé abritera les nouveaux bâtiments du CRMTA et du laboratoire "La Quinine" qui dans un futur proche doivent quitter leur actuel emplacement exigu de la Cité Salongo. Le pharmacien Ntondele ne verra ni son inauguration ni sa mise en service. Suivant ses vœux et avec l’accord des autorités urbaines, il y reposera désormais pour l’éternité. Car c’est dans l’enceinte de ce village qui porte son nom et qu’il a lui-même bâti avec ses propres moyens qu’il fut inhumé le lundi 19 août dernier. http://www.youtube.com/watch?v=D-WnRfRfMSg
Requiescat in pace!
La salle Assanef et ses abords furent pris d’assaut par 4.000 personnes au visage marqué par la douleur. Trois ministres du gouvernement Matata, le président de l’Assemblée nationale, la famille du défunt, les membres du conseil provincial de l’Ordre des pharmaciens de Kinshasa, les représentants des pharmacies de Kinshasa, les délégations venues du Bas-Congo, de Brazzaville, du Cameroun, des amis et connaissances sont tous venus honorer la mémoire de Basile Ntondele. Cette salle où était exposé son corps a connu deux faits majeurs dans la vie du chercheur. En 1965, c’est là qu’ont eu lieu la proclamation des résultats de fin d’études secondaires et la remise des diplômes de sa promotion. La famille et ses amis s’y sont rendus nombreux pour le féliciter. Comble de l’histoire, 48 ans plus tard en 2013, c’est dans cette même salle qu’a eu lieu la veillée mortuaire au cours de laquelle sa famille et ses amis éplorés, en deuil et baignés dans un océan de sanglots sont venus lui rendre un émouvant dernier hommage. Comme c’est triste ! Maintenant qu’il a tiré sa révérence, puisse ses travaux sur les plantes médicinales inspirer d’autres chercheurs congolais. Que la terre de nos ancêtres qu’il a tant aimée et servie de tout son cœur lui soit légère. Et que le Très-Haut par sa grâce et sa bonté infinies lui accorde la paix éternelle.
Adieu mbuta Diazos !
Samuel Malonga
Témoignages
http://www.infobascongo.net/beta/?p=13269
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