Ce que Verckys n'a pas dit....,par Célestin Mansévani
Sacré Verckys ! Je crois que personne ne s’est ennuyé en écoutant son interview accordée à Frank Wooter de Radio Centraal. La grande leçon à tirer de cette entrevue, c’est que Kiamuangana Mateta est l’homme qui connaît le mieux nos artistes musiciens. Il a été volubile, très à l’aise, connaissant ses dossiers. Il est lui-même passé par plusieurs étapes et épreuves qui l’ont façonné. Il a côtoyé feu Franco Luambo Makiadi, il a été viré de l’O.K. Jazz pour avoir fait du « nzonzing », il a connu les entrées et sorties du Grand maître, il a eu mal à partir avec ce dernier qui n’a jamais accepté d’être sous les ordres de quiconque, paraphrasant Armando Brazzos qui a dit la même chose lorsqu’il a expliqué les raisons qui ont poussé Franco à ne pas faire partie de l’orchestre qui représenta notre pays à la Table Ronde de 1959. Luambo ne voulait recevoir des ordres ni de Grand Kallé ni de personne. Verckys est, à mon avis, le témoin le plus précieux et le plus vivant de notre patrimoine musical. Lui-même auteur compositeur, saxophoniste familier avec d’autres instruments de musique, il est devenu preneur de son par lui-même, a ouvert une maison d’édition, a produit et distribué des disques en plus d’être président de l’Union des musiciens congolais et membre de la SABAM. Aucun artiste congolais n’a une feuille de route aussi impressionnante. Personne n’a contribué autant que lui à l’essor de notre musique. On n’a qu’à penser à tous ces orchestres qui sont partis de son écurie pour aboutir aux ensembles qui font la pluie et le beau temps de nos jours. Tous lui doivent une fière chandelle. Appelez-le icône, monument ou prophète, comme vous voudrez, mais Verckys est pour la musique congolaise contemporaine ce que furent respectivement Wendo Kolosoy pour la musique congolaise et le Grand Kallé pour la musique congolaise moderne.
Il y a des vérités qu’il nous a apprises, d’autres qu’il a à peine effleurées. d’autres dont il n’a pas voulu parler et enfin d’autres encore sur lesquelles on ne lui a pas posé de questions. Tout cela fait que nous avons beaucoup appris mais nous sommes néanmoins demeurés sur notre soif.
Au sujet de Franco Luambo Makiadi, qui fut son patron, nous savons, grâce à lui, que le Grand maître ne différait pas beaucoup de ses homologues patrons d’orchestres qui en font arracher aux musiciens en matière de rémunération.
Sa mésaventure européenne et sa décision de se faire justice en allant vendre une bande contenant des enregistrements et se faire verser sept cent mille francs belges, ramenant deux voitures flambantes neuves à Kinshasa ont été des actes très téméraires quand on connaît son patron.
À propos de la monotonie de notre musique actuelle, le président de l’UMUCO il n’a fait que confirmer ce que l’opinion publique sait déjà.
Cependant, je ne suis pas tout à fait d’accord avec lui lorsqu’il parle de l’influence du passage à Kinshasa de James Brown. La musique de Tabu Ley a pris un nouveau tournant à partir de cet événement-là, ne fût ce qu’au niveau du patinage sur scène et du côté spectacle. Beaucoup de nos jeunes musiciens ont aussi profité de ce virage. À propos du Seigneur Ley, qui a mis abruptement fin à un contrat de trois ans juste au bout de six mois, la radio-trottoir semble avoir raison, elle qui a surnommé notre homme « Kasongo ou encore « Mampuya »
Verckys m’a souvent reçu chez-lui sur Eyala où il avait sa résidence et son petit studio. Il m‘a aussi accueilli une ou deux fois avec Denewade au Veve Center sur Kasa-Vubu. Je retiens surtout entre autres moments de notre collaboration la chanson « Nakomitunaka » qui aurait pu connaître un succès du tonnerre au pays. Lorsque Verckys a vu le clip que j’ai réalisé avec Simaro Lutumba à la télé où j’avais simulé, dans « Mabele », la scène du dernier jugement avec un ange en blanc qui accueillait les justes et un en noir avec sa queue pendante qui s’emparait des âmes damnées, il est venu me trouver. J’ai écrit un scénario. Nous sommes allés le filmer en play-back à Binza I.P.N. dans le décor enchanteur d’une villa cossue qui faisait partie de la centaine de résidences de luxe que le général Bumba possédait dans ce quartier. Tout s’est bien passé. J’ai réuni des images de photos et statues pour illustrer la chanson au montage. Tout le matériel a été saisi et frappé d’interdit par un de mes supérieurs ! Je venais juste de débuter à Télé-Zaïre ! Personne ne m’a jamais dit le rôle joué par feu le cardinal Malula dans cette histoire. J’ignorais même jusqu’à ce jour que Verckys, que je prenais pour un kimbanguiste, avait été excommunié. Quelle méchanceté ! Quand je pense que des Ghanéens ont eu le culot de plagier cette ouvre ! Il n’y a pas longtemps, j’ai découvert une chanson de Franco intitulée « Le pouvoir noir » qui semblait avoir été placée sous le couvert du secret et qui exploitait le même thème différemment. Apparemment, lui aussi a eu peur des représailles !
Concernant la chute de l’orchestre Sosoliso, le bruit a toujours couru que c’est Franco qui lui avait jeté un mauvais sort, à lui, et à tous les autres orchestres montants. On apprend aujourd’hui que l’ordre était venu de très haut suite à une indiscrétion dont le trio sportif s’était rendu coupable en République Centrafricaine. Ô Kinshasa, cité des bobards ! Verckys lui-même a connu quelques problèmes avec Soki Vangu (on disait de ce dernier : « Abangaka bakolo te ») ainsi qu’ avec Canta Nyboma qui a raconté au cours d’une émission de «Bakulutu » l’épisode où Vévé lui a repris sa voiture. Qu’en fut-il au juste ?
Lorsque Verckys refuse de citer le musicien visé par sa satire dans la chanson « Bankoko baboi », d’aucuns ont prétendu que c’était Youlou Mabiala (l’étranger) Par contre, de mauvaises langues ont déclaré que Vévé a eu des démêlés avec Bombolo Léon alias Bolhem, la fondateur et chef d’orchestre de Négro-Succès. Ils habitaient tous deux la rue Eyala. Depuis leur prise de bec et la mort de Bavon Marie-Marie, Bolhem vivait désormais reclus et son orchestre a été désarticulé. Quand des rumeurs circulent et qu’on est en position de les faire taire, il ne faut jamais rater l’occasion. Yorgho, lui, ne s’en privait pas. Je me souviens du soir où il a chanté « Mboka oyo » en direct du studio Mama Angebi dans une des émissions de Variétés samedi soir. Il a dit au public massé sur les chaises-gradins « Soki nasiliki, nakomatela bino kuna » (sic) Personnellement, j’étais aussi curieux de connaître les titres des chansons enregistrées avec Simaro et Youlou à l’insu de Franco, lesquelles ont provoqué l’ire de celui-ci. Il en est de même de la matière première qui a permis au jeune artiste que Kiamuangana était à l’époque de troquer vingt équipements de musique contre vingt quatre millions (de dollars ou de francs ou de lires ?) C’est une rondelette somme ! D’aucuns ont parlé de drogue, d’autres de mercure rouge de Kwilu-Ngongo avec la complicité du général Bumba Moaso. Où est la vérité ?
Quand je dis que je suis demeuré sur ma soif, je fais allusion au débat actuellement en cours sur le blog du Messager à Mboka mosika à propos de l’usurpation des droits d’auteurs des musiciens. Lui-même faisant partie de l’un et l’autre camp, étant à la fois auteur-compositeur et producteur distributeur, en plus de sa position à l’UMUCO, il est l’une des personnes les......
Célestin Mansévani
Écoutons une des oeuvres les plus célèbres de Verckys
NAKOMITUNAKA, par Verckys et l'orchestre VEVE