LE FUTUR TROUBLE DE LA RDC
LE FUTUR TROUBLE DE LA RDC
Par Albert Kisonga Mazakala
1. La question congolaise, contrairement à ce que pensent certains compatriotes, dépasse très largement et le régime et la personne de Joseph Kabila. En fait, la véritable question est l’incapacité avérée, depuis l’indépendance, des élites congolais, globalement, à gérer le pays que nous avons hérité de la colonisation.
Le Congo, comme bien d’autres pays africains, est une création du colonisateur européen. Celui-ci avait réuni des tribus aux cultures parfois fort disparates, dont certaines ne s’étaient jamais rencontrées auparavant, pour en faire un pays. Les spécialistes devraient mieux nous renseigner mais il semble que, à l’échelle de l’histoire, le colonisateur ait fait faire à nos sociétés un saut peut être de plusieurs milliers d’années.
Mais par la magie de l’histoire justement, le colonisateur dut nous passer la main 80 ans seulement après, donc après trois générations, grosso modo. Comment aurions-nous pu gérer une entité forgée en fonction des normes les plus modernes alors que nous étions, que nous sommes encore tributaires de notre culture tribale, arriérée ?
C’est cette contradiction qui plombe la bonne gestion de notre pays. Mais même dans les situations les plus désespérées, la nature crée des possibilités de sauvetage, parce que le Créateur ne laisse point périr l’œuvre de ses mains, enseignent les textes sacrés. Après la chute de l’homme, le Créateur fit qu’une étincelle continue à briller en lui, pour lui permettre de retrouver la voie du salut. Il y a donc, même dans les ténèbres, une lumière, si faible soit-elle, qui finit par se manifester.
Transposé au niveau des sociétés humaines, ce principe spirituel avait donné, pour le Congo, un homme comme Patrice Lumumba, qui avait compris que l’indépendance était une opportunité historique pour l’émancipation de son peuple et, en même temps, n’avait envisagé cette indépendance que dans la collaboration avec « les Blancs de bonne volonté ». Lumumba nous avait dit à Bukavu : « Là où nous payons un impôt de 100 francs à la Colonie , nous devrons payer 200 francs au Congo indépendant; là où l’on travaille 8 heures pour la colonie, nous devrons travailler 10-12heures pour le Congo indépendant ».
Au cours du même séjour en mars-avril 1960, il posa la question suivante à ses collègues politiciens du Cerea (parti auquel j’appartenais) : « Qui parmi nous aurait la folie de croire que nous pouvons diriger seuls ce pays sans l’aide des Blancs ? ».
D’après Lumumba, les mauvais Blancs, ceux qui méprisaient les Noirs, devaient quitter le Congo. Les autres, en particulier ceux qui avaient choisi notre pays comme seconde patrie, devaient y avoir tous leurs droits, y compris au sein des organes dirigeants de l’Etat. Le sort en décida autrement.
Il y avait parmi les politiciens congolais, en 1960, ceux qui étaient avec Lumumba. Leur principale motivation était de montrer aux Blancs que les Noirs étaient capables également de gérer et de produire des valeurs. Ces hommes ne prétendaient rien inventer. Ils voulaient tout simplement œuvrer dans les mêmes structures crées par la colonie avec, en plus, l’esprit de sacrifice et d’avantage de conscience professionnelle de manière à montrer aux Blancs que, libres, nous pouvions essayer de faire comme eux.
Avec les idées de l’époque, l’éventuelle réussite des Noirs fut considérée par certains cercles dans l’Occident néo-colonialiste comme une menace pire que le communisme. Aussi, certains nationalistes parmi les plus faibles furent achetés, retournés, alors que certains autres politiciens congolais, qui n’avaient jamais cru en l’indépendance, furent mobilisés pour combattre les patriotes. Sept jours après l’indépendance, les colons firent proclamer l’indépendance du Katanga par leurs marionnettes noires. Dans la capitale, celui qui était sensé être le gardien de la constitution, le Chef de l’Etat Joseph Kasavubu, fut convaincu par ses mentors à violer la loi fondamentale par un coup d’état constitutionnelle en destituant le gouvernement Lumumba, largement majoritaire au parlement. Les événements actuels ne sont que la suite de ce sinistre feuilleton.
2. Les lubies expansionnistes et hégémoniques du Front patriotique rwandais feront encore des centaines, voire des millions des victimes dans les Grands lacs. Il y a 12 ans, une information à laquelle je n’avais pas accordé crédit affirmait que le nouveau régime rwandais avait pour mission (mais de qui ?) de liquider 10 millions des personnes afin de créer des espaces pour des nouveaux migrants. En faisant le compte, d’après les chiffres des Ong occidentales, on arrive à 6 millions des morts en Rdc, au Rwanda et au Burundi. A la lumière des développements récents, je dois avouer mon trouble face à cette information.
Pour autant, malgré les souffrances que le Fpr pourra encore causer et le torrent de sang qu’il fera encore couler, ce régime ne constitue qu’un épiphénomène par rapport aux véritables enjeux de l’histoire. Non seulement qu’il commence à apparaître que la version donnée par le Fpr sur les événements de 1964 au Rwanda est fausse, mais on apprend de plus en plus que le régime de Kigali est raciste (il n’y a plus de mariages Hutu-Tutsi qui avaient permis un brassage de la population et, malgré le nombre élevé de femmes Tutsi ayant épousé des Blancs, il n’y a pas un seul métis dans les structures du pouvoir au Rwanda). C’est donc un régime qui pratique la politique de la pureté ethnique. Le Fpr est issu d’une culture séculaire de mensonge mais à un moment donné, le mensonge n’opérera plus, et le régime s’effondrera. Lorsqu’ils prendront conscience de la véritable nature du monstre qu’ils ont aidé à créer, les Occidentaux n’hésiteront pas à le liquider.
Ensuite, il ne faut pas négliger les contradictions entre Tutsi, laquelle prend de plus en plus d’ampleur, si on en juge par le nombre de Tutsi qui sont contraints de s’exiler.
3. Comme beaucoup de Congolais l’ont compris à travers les explications de certains compatriotes, parmi lesquels les brillantes analyses de Kiantede Nzogu, Freddy Mulumba Kabuayi du journal « Le Potentiel » et de nos frères de « Béni-Lubero On Line », l’opération dite « Umoja wetu » n’était que de la poudre aux yeux. Au fonds, elle n’avait rien à voir avec le Fdlr. C’est une action de propagande destinée, sur le plan extérieur, à sortir le Rwanda d’une mauvaise passe après que la Suède et la Hollande aient décidé de suspendre leur aide. L’Angleterre elle-même a élevé la voix, malgré que Tony Blair soit conseiller de Kagame. Le Canada a, depuis lors, également décidé de geler son aide. Barack Obama est l’auteur d’une loi votée au Sénat en 2006 prévoyant des sanctions contre toutes les forces ou pays œuvrant à la déstabilisation du Congo. La menace contre Kigali était donc claire. Sur le plan intérieur, le Rwanda a profité de l’occasion pour étendre sa main mise sur toute la région du Nord-Kivu habitée par des populations parlant le kinyarwanda. Cette opération permettra de démontrer aux Hutu congolais qu’ils n’ont de salut que sous la bannière rwandaise, de sorte que, le moment venu, ces populations seront appelées à se prononcer d’abord pour leur autonomie et ensuite pour leur rattachement au Rwanda.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, même dans l’entourage du Président Kabila, beaucoup de gens sont au courant. Seulement, certains Congolais s’étonnent de voir des personnes qu’ils croyaient être des patriotes collaborer à ce que qui ne peut être qualifié autrement que de la haute trahison. Toutefois, si observe bien, beaucoup de personnes impliquées ont été naguère dans des mouvements soit disant de rébellion montés par le Rwanda et l’Ouganda contre le Congo. Ces gens n’ont de patriotisme que le verbe. Ils roulent d’abord pour leur standing de vie. Ce sont des gens qui ne peuvent imaginer vivre sans le confort bourgeois. Comme dans notre pays il n’y a que le pouvoir qui paye, ils sont prêts à toutes les compromissions pour cela.
Concernant le Chef de l’Etat congolais personnellement, il faut maintenant que ses partisans puissent convaincre qu’il ne se serait pas tout simplement mis au service de Kigali. Pourquoi le ferait-il ? Plusieurs hypothèses sont émises :
-Ayant joué un rôle dans les massacres des réfugiés Hutu en province orientale, le dossier que Kagame possède sur lui permet au dictateur rwandais de le faire chanter ;
-Convaincu de ne pouvoir résister à Kigali, il craindrait que le Fpr ne lui fasse subir le même sort qu’à son père ;
-Affairiste devant l’Eternel, l’enrichissement serait le seul but de sa vie, au point de monter un système maffieux de prédation dont il serait devenu lui-même prisonnier. Pour cela, courber l’échine devant Kagame lui garantirait de rester au pouvoir pour continuer la besogne ;
-Comme d’autres membres de l’Afdl surpris d’accéder à un pouvoir auquel ils n’avaient jamais rêvé, son intention aurait été de ramasser la mise et de se préparer à prendre la tangente. D’où toute absence de vision dans sa politique.
Il ne s’agit que d’hypothèses que je souhaiterais voir l’intéressé ou ses services démentir. S’il est vrai que dans notre culture l’adversaire est trop facilement accusé de tous les maux, il reste que le Président devrait convaincre ses compatriotes de la fatuité des accusations de trahison formulées contre lui. Entre autres, comment expliquer qu’il n’y ait jamais eu ni monument ni commémoration des massacres perpétrés par les Rwandais au Congo ?
Comment expliquer que, contrairement à la tradition congolaise, les musiciens pour lesquels le Chef de l’Etat se montre si généreux, n’aient pas été invités à produire des chansons patriotiques pour mobiliser un pays victime d’une agression étrangère ?
Comment expliquer que dans un camp militaire comme Rumangabo, situé sur la ligne de front, et donc devant s’attendre à tout moment à être attaqué, on ait laissé s’y rassembler femmes et enfants, sachant qu’à la première alerte, les militaires chercheraient d’abord à sauver leur famille et seraient donc dans l’incapacité de combattre?
Comment expliquer que dans les opérations militaires contre le soit disant Cndp, la quasi-totalité des officiers en charge des opérations viennent du Rcd ?
Sur cette même tribune, un internaute avait avancé la thèse suivant laquelle la guerre au Nord-Kivu n’était qu’un subterfuge ayant pour but véritable de ravitailler le Cndp en armement et surtout de démontrer aux Congolais que leur armée était incapable de gagner la guerre et que l’unique solution est de courber l’échine devant le Rwanda.
Officiellement, la garde de M. Ruberwa, présente à Kinshasa, serait constituée de 700 soldats. En fait, au sein même du pouvoir kabilien, certains, désormais conscients du machiavélisme de nos voisins, disent que ces soldats devraient être au moins à 3.000. Pour quelle raison M. Kabila accepterait- il la présence, dans la capitale même, d’un si grand nombre de soldats rwandais ?
Ainsi, il apparaît bien que l’opération « Umoja wetu » ne soit que le développement d’une stratégie dont l’exécution a commencé de longue date.
Le Rwanda a-t-il renoncé à sa volonté d’annexer une partie du territoire congolais ? Manifestement, non. Au contraire, des dizaines des milliers des démobilisés de l’armée rwandaise, d’après des informations venant de Goma, s’installent avec familles et vaches dans le Masisi et le Bwisha sous le couvert de cette opération.
Pour un certain nombre de raisons, le Nord-Kivu constitue le ventre mou de la résistance contre l’impérialisme rwandais. Entre autres, l’absence de frontière naturelle avec le Rwanda, l’existence d’une population autochtone parlant le Kinyarwanda dont la congolité n’a pas toujours été acceptée par certains, et le fait que sous Mobutu, les réfugiés tutsi étaient parvenus déjà à mettre le grappin sur le Masisi.
En revanche, le sort réservé par le Fpr à leurs frères au Rwanda a eu pour effet de renforcer le patriotisme des Hutu congolais. A cet égard, faut-il penser que la récente déclaration du professeur Nyabirungu, un des leaders connus du Bwisha, soit un signe d’allégeance au Rwanda ? Si ce devait être le cas, les événements prendraient une autre tournure encore plus menaçante pour l’unité nationale congolaise. En effet, si la politique expansionniste rwandaise parvient à susciter l’adhésion des élites du Bwisha, une partie au moins de la population pourrait les suivre, donnant par conséquent un aval populaire aux lubies expansionnistes de Kigali.
4. L’attention que les médias accordent au cas Kamerhe, dans un régime ayant notablement évolué vers la dictature, semble amplement justifiée. M. Kamerhe est sans conteste un homme courageux dans la tradition de sa tribu, les Bashi, et un patriote. Du reste, au Kivu d’une façon générale et au Sud-Kivu en particulier, être accusé de complaisance ou, pire, de vassalité envers le régime Fpr se traduit par la mort politique de l’accusé, dans la mesure où ce dernier doit s’attendre à être sévèrement sanctionné par l’électorat.
Concernant M. Kamerhe, je voudrais souligner un fait passé presque inaperçu, tout au moins au vu des réactions lues sur le Net, concernant la réponse que lui avait donnée il y a deux mois l’Ambassadeur rwandais Joseph Matuboba à la suite de son interview dans Jeune Afrique du 7/12/2008. L’Ambassadeur rwandais s’était élevé contre la thèse de M. Kamerhe, très largement partagée au Congo et à l’étranger, suivant laquelle ce n’est que l’exploitation des richesses du Kivu qui serait à l’origine de la guerre. Pour lui, c’est la lutte pour le leadership qui justifie la guerre. Pour une fois, le Fpr dit la vérité. J’avais déjà dit que, quoi que né des parents originaires du Kivu, M. Kamerhe n’y avait pas grandi et en tout cas connait mal et l’histoire et la culture du Rwanda.
En effet, les guerres menées par le Rwanda, grande puissance de la région à l’époque précoloniale, n’avaient pas pour but de s’approprier les richesses de ses voisins, et encore moins les richesses minières, alors inconnues. La guerre permettait certes, en cas de victoire, d’accroître les territoires du Mwami du Rwanda mais leur but principal était de soumettre les vaincus, considérés comme inférieurs à la race des seigneurs. Dans la culture de nos voisins, la guerre constitue un jeu, nonobstant la cohorte des morts et les souffrances qu’elle entraîne. Ils sont moins sensibles à la pitié que les autres peuples de la région. Ils ne pleurent pas les morts. Les gens ont difficile à admettre que rien que pour accéder au pouvoir, le Fpr ait sacrifié sans état d’âme les Tutsi de l’intérieur.
Tous ceux qui, et d’abord les Congolais, sont concernés par la politique rwandaise, ne doivent pas oublier les leçons de l’histoire, au risque de se tromper complètement.
Ceci dit, voici un homme, Vital Kamerhe, qui a sans doute cru dans le système au sein duquel il évolue depuis 1998, donnant le meilleur de lui-même, et dont il a personnellement tiré profit aussi. Ce serait un euphémisme de dire que M. Kamerhe n’ignorait pas œuvrer dans un régime de prédation qui accroit la misère de ses compatriotes. Serait-il sans reproches dans le fait que M. Joseph Kabila, jeune Chef d’Etat qui semblait manifester un intérêt à la démocratie, soit devenu le potentat actuel qui se croit supérieur à la constitution du pays ?
A mon humble avis, le cas Kamerhe devrait donner à réfléchir à tous ces compatriotes qui évoluent au sein du régime actuel alors qu’ils peuvent s’en détourner, y compris en quittant éventuellement le pays. Je ne juge pas, je pose la question. Faut-il peut être des hommes comme Kamerhe qui croient possible, de l’intérieur, de lutter contre la trahison et les dérives dictatoriales du régime ? Peut-on, cependant, évoluer au sein d’un régime de prédation dans les hautes sphères de la hiérarchie du pouvoir en gardant son intégrité morale ? Il serait souhaitable qu’un débat honnête éclaircisse la question. Ce qui paraît certain, c’est l’impossibilité de coexister, dans un système devenu dictatorial, entre un chef qui entend plier les hommes, les institutions et les lois à sa volonté (même s’il est lui-même manipulé) et un cadre certes loyal mais brillant et voulant conserver une certaine autonomie de pensée.
Du reste, à partir du moment où certaines chancelleries occidentales dirent publiquement leur estime pour Vital Kamerhe, sont sort était scellé.
Vital Kamerhe est le seul homme politique congolais à avoir reçu, il y a quelques années déjà, des menaces directes de mort des services rwandais à Kinshasa. Il est aujourd’hui dans la ligne de mire des faucons katangais du pouvoir kabilien. On ne serait pas étonné qu’il lui arrive un accident de circulation ou une subite crise cardiaque.
5. Dans sa volonté de s’agrandir aux dépens du Congo, le Rwanda se trouve devant une victime particulièrement faible. Avec le régime de Mobutu, le Congo s’était également beaucoup affaibli. Autrement, les agresseurs n’auraient pas mis quelques mois à peine pour conquérir notre pays. Mais si naïveté et irresponsabilité marquaient le régime mobutien, il y avait quand même un semblant de consensus des élites notamment autour du sens de l’Etat et de l’idée de la nation.
La démocratisation eut pour conséquence peut être inattendue de favoriser l’expression des tendances anarchistes, notamment par des attaques contre la monnaie nationale, avec pour résultat d’affaiblir l’Etat et la brutale résurgence de l’intérêt tribal. Toutefois, la gestion mobutienne elle-même, par la pratique de la prédation, de l’impunité, du clientélisme, du népotisme et du tribalisme, avait fortement dégradé l’image de l’Etat tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. C’est par conséquent dans un climat délètère considéré du point de vue de l’intérêt national congolais que se produisit le changement de régime en mai 1997.
D’ailleurs, dès l’arrivée de l’Afdl à Kinshasa, on assista à la ruée des chasseurs des postes auprès de Bugera, qui s’était mis à consulter les politiciens. Soit dit en passant, hommage doit être rendu à Etienne Tshisekedi qui fut un des rares à lui dénier la légitimité de mener des consultations politiques. Toutefois, en même temps que les politiciens ne faisaient pas mystère de leur disposition à collaborer avec les Rwandais, il se produisit au sein de la population à Kinshasa un renforcement du sentiment national congolais. Le phénomène pouvait s’expliquer aussi par la massive présence des réfugiés de l’Est qui avaient afflué dans la capitale, à cause de leurs récits sur les massacres perpétrés par les agresseurs.
La faiblesse du leadership des régimes Kabila père et fils peut être attribué d’abord à l’impréparation dans laquelle ils se sont constitués et ensuite tout autant au manque d’expérience politique, à l’origine de ses cadres dont certains issus des milieux du banditisme qu’à leur faible degré d’instruction, à quelques exceptions près. L’ensemble de ces facteurs pourrait expliquer la frénésie avec laquelle les deux nouveaux régimes ont versé dans la prédation. Si, avec Laurent Kabila, on a eu l’impression de l’existence d’une certaine vision du Congo, ce n’est guère le cas avec son successeur de fils. Le régime actuel semble n’exister que pour la recherche de l’enrichissement de ses membres, quitte à pactiser avec le diable.
Dans ces conditions, notre pays paraît dépourvu de défense face aux menées expansionnistes de ses voisins. N’eut été la présence de la Monuc , la plupart des massacres commis par les Rwandais (Cndp) ou même par la LRA dans les Uélé n’auraient même pas été connus. Notre gouvernement n’en a jamais fait une grande préoccupation.
Par conséquent, si on s’en tient à l’analyse des éléments en confrontation, le Congo parait n’avoir aucune chance de survivre aux visées de ses agresseurs. A moins que d’autres facteurs, essentiellement externes, n’interviennent, comme par exemple une nouvelle lecture américaine des réalités de la région, le Congo pourrait perdre son intégrité territoriale dans les prochaines années. A plus forte raison que, d’après une information qui m’a été livrée par une source généralement crédible, il existerait le projet de la proclamation d’Etats « indépendants » au Kivu et au Katanga, lesquels devraient par la suite constituer une fédération avec le Rwanda sous le leadership de Paul Kagame.
C’est peu dire, cependant, que la réalisation d’un tel scénario ne pourrait s’accomplir que contre la volonté de la majorité des Congolais. Mais il ne suffit pas de vouloir, il faut encore avoir la capacité d’organiser la résistance. Or, sur ce plan, nous accusons des lacunes essentielles qui ne se combleront pas dans un proche avenir. Nous ne sommes pas encore au niveau de concevoir et d’entreprendre quelque chose d’important ensemble. Même dans le simple domaine des affaires, il faut chercher à la loupe des entreprises constituées par deux ou plusieurs congolais et qui aient pu fonctionner assez longtemps.
Cependant, étant donné que, vraisemblablement, beaucoup d’entre nous prenons conscience de nos faiblesses, les conditions d’une révolution culturelle, c'est-à-dire d’un changement des mentalités, devraient se trouver réunies. Ce changement des mentalités ne devrait pas seulement concerner la gouvernance, mais commencer d’abord dans notre vécu quotidien : intégrer la culture de l’intérêt général, chercher l’intégrité morale des élites surtout lorsqu’elles veulent assumer des mandats publics, promouvoir la capacité de gérer son temps et de respecter ses engagements. L’impudence caractérisant la vie publique congolaise est particulièrement à flétrir. Criminels et détourneurs reviennent facilement à la surface avec l’appui des frères de tribu, pour peu qu’ils se soient faits oublier pendant quelques temps. Souvent, ils ne prennent même pas la peine de se justifier face aux accusations lancées contre eux. Il leur suffit de compter sur l’amnésie des Congolais.
La manière même de marcher dans la rue devrait pouvoir traduire ce changement des mentalités. Au lieu de se trainer paresseusement, donnant l’impression d’insouciance et d’oisiveté, nous devrions apprendre à marcher comme les Blancs, surtout pour nous autres qui vivons dans des pays occidentaux. Le changement des mentalités implique que nous puissions chercher à réellement intégrer le modèle culturel dominant. Aujourd’hui, en Chine, les jeunes filles subissent des délicates opérations esthétiques pour ressembler aux Blanches. C’est la condition de se faire engager dans de grandes entreprises chinoises. Les Chinois qui naguère étaient si sourcilleux sur leur identité ont apparemment changé leur vision des choses. Pour s’assumer comme grande puissance, ils ont compris que ça passe par l’occidentalisation. Comme ils ne font jamais rien à moitié, ils ont même créé un concours « Miss Bistouri » à l’existence très officielle.
Concernant notre pays, je crois toujours à l’idée de Patrice Lumumba d’impliquer les Blancs de notre environnement dans la gestion de notre pays dans tous les domaines : politique, économique, militaire, judiciaire etc.
Autrement, il est à craindre qu’un jour, nous n’ayons plus que nos larmes pour pleurer.
Albert Kisonga Mazakala
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