Musique religieuse: coup de gueule de Joseph Pululu
Coup de gueule
Sur Radio MANGEMBO
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De lundi à vendredi à 12h15
Sainte musique religieuse… S’il te plaît, ne nous rejoue pas la partition des prêtres missionnaires ?
Nos auditeurs doivent se demander, pourquoi, foi de Joseph PULULU, je suis devenu si ronchon ces jours-ci…. Comprenez-moi. De savoir que ma mère, on la dépèce par petits morceaux, là-bas, me rend nerveux et me donne envie de mordre tout ce qui passe à portée de crocs.
Vous allez me dire que j’ai tort d’être si fusionnel avec elle, je vous répondrai qu’à me reprocher cela vous m’honorez. Car c’est sûr qu’il leur faudra passer sur mon cadavre pour finir leur bonne besogne. Leur sale besogne de balkaniser le pays de mes ancêtres.
C’est la raison pour laquelle je me suis surpris à crier haro sur la musique chrétienne. Non pas que je ne l’aime pas, non que je ne l’apprécie pas, la musique chrétienne. Pas du tout.
Quand j’écoute RUNO MVUMBI chanter…QUE TA VOLONTE SOIT FAITE…, je suis fier de me sentir chrétien, d’avoir été baptisé… Quand GAEL chante MOSUNGI YA BATO…., quand J.P. BUSE s’élève dans SOUVERAIN… Il me semble même que dans mon esprit je tutoie des anges… Alors, quand la maman Micheline SHABANI entonne…LA REPONSE… Je suis presque persuadé que dans les minutes qui viennent je vais entendre la voix de Jésus… Tout cela pour dire que je suis né chrétien, et que la musique chrétienne me remplit le cœur et l’esprit… et que je n’ai pas honte de le dire.
Mais, les poils sur mon corps se dressent quand je vois les pasteurs et les chanteurs chrétiens, comme on les appelle, nous refaire le coup des pasteurs et missionnaires qui ont sillonné notre pays pendant des siècles, baptisant un coup ici, enseignant un coup là bas, sans oublier de faire brûler ici des statues, là quelques reliques, prenant tout de même soin d’en empocher beaucoup, qu’on retrouvera des siècles plus tard à TERVUREN ou ailleurs. Et pendant ce temps, systématiquement, l’on s’employait à nous couper de toutes nos racines, comme si nos ancêtres n’avaient jamais prié Dieu.
Quand j’ai entendu un frère et ami s’extasier sur la qualité des chansons religieuses congolaises, j’ai fait chorus avec lui puis je me suis révolté. Les chansons religieuses sont en train d’envahir l’espace de nos traditions et fonctionnent déjà comme un immense KARSHER qui nettoie tout sur son passage : elles commencent à nous rendre anonymes. Bientôt, nous aurons traversé le vingt-et-unième siècle sur cette terre des hommes sans laisser de traces. Notre musique religieuse congolaise s’épanouit sur le dos de nos traditions qu’elle phagocyte, sur le dos de notre identité culturelle, qu’elle détruit. Après, il ne nous restera que les larmes pour pleurer.
Les MATANGA, nos cérémonies de deuil, sont devenues les vitrines idoines pour assurer la promotion des frères chanteurs et des sœurs chanteuses. Lors de ces rencontres, les pasteurs succèdent à d’autres pasteurs pour déclamer oraisons et prières, surtout en français, si ce n'est pas en "langue". Nous quittons le lieu de deuil sans rien savoir du défunt, sans avoir nulle réponse aux questions auxquelles savait répondre la cérémonie de deuil à l’ancienne par les évocations qui autrefois déclamaient la généalogie du défunt dans sa langue maternelle, renseignaient aussi bien le passant que les voisins sur les origines du défunt et de sa famille.
Les cérémonies de mariage ressemblent plus à des retraits de deuil qu’à des réjouissances : la rumba, le NDOMBOLO en sont désormais bannis. La communauté congolaise est ainsi devenue un vaste couvent où, à longueur de journée, nous passons le clair de notre temps à dire des louanges et à faire des adorations. A parler et à parler et à parler de l’au-delà. Pas étonnant que dans ces conditions, la sphère religieuse congolaise soit devenue presqu’une zone de non-droit, de non-civisme, où le respect dû aux anciens, aux aînés, aux usages et coutumes est banni.
Et, demain, nos descendants nous demanderont, comme le groupe de jeunes de la Diaspora NKA (descendants), qui nous ont interpellé avec leur chanson "LOPANGO YA BA NKA », ce que nous avons fait des traditions nous léguées par les ainés et les ancêtres.
Nous devons, nous aussi, transmettre l’essence de notre culture, de nos traditions, tout comme les peuples de la Bible ont transmis les leurs à leurs héritiers et descendants, cette culture et ces traditions qui ne sont pas nôtres jusqu'à preuve du contraire.
Joseph PULULU