Le plaidoyer de Bellak pour les artistes
Je tiens tout d'abord à souhaiter une excellente année à tous les contributeurs du Messager et une bonne continuation à ce site dont
la pertinence n'est plus à démontrer.
Je voulais réagir aux commentaires émis par les uns et les autres sur le train de vie de nos artistes. Je me permets de ne pas être d'accord avec certains arguments avancés par mes amis et cela
pour plusieurs raisons. La première, et moins des moindres, est qu'on perpétue collectivement l'erreur selon laquelle le vocable ARTISTE ne s'applique qu'aux musiciens. Ceci est ancré dans
notre conscience collective et n'est malheureusement pas prêt d'en partir. Que fait-on des peintres, sculpteurs, écrivains, céramistes ou encore cinéastes? Ensuite, les musiciens dont on dit
qu'ils roulent sur l'or ou presque, il n'y en a pas de masse, peut-être un pour cent seulement et les quatre-vingt-dix pour cent restants, continuent à tirer le diable par la queue pour vivre.
Nous venons d'un pays qui n'a jamais eu la culture du droit d'auteur et qui n'a jamais considéré l'art comme un métier et qui laisse ses artistes mourir miséreux et sans dignité. Cela
ne veut pas dire que ces artistes n'ont pas su gérer leur argent, non, ils n'en ont pas eu pour la plupart d'entre eux. Leurs droits d'auteurs finissent le plus souvent dans les poches des
autres, eux ils passent leur vie en quémandant.
Nous avons, nous-mêmes aussi, une lourde responsabilité. Nous parlons seulement des artistes qui sont en vue, leaders de leurs orchestres ou un ou deux peintres faisant carrière à l'étranger;
et les autres, on les dénigre purement et simplement. J'ai quelques petites questions pour montrer souvent notre méconnaissance de la situation : qui sait dans la population que la chanson
NAZOKI n'est pas de Pepe Kalle mais de Seskain Molenga, que Mado est de Celi Bitshou et non de Luambo,que le Batteur de tam tam de la Fikin est du sculpteur André Lufua ? Je peux encore
continuer comme ça longtemps. Pourquoi ne rend-on pas hommage aux gens qui ont beaucoup fait pour notre culture ? Les Mayaula, Lutumba (des paroliers de génie), Lufua, Tshitenge Nsana, Mutombo
Buitshi, et même Evoloko qui, même en prison, reste pour moi probablement le musicien le plus doué de sa génération? Nous sommes parfois témoins de spectacles assez hallucinants où certains
compatriotes en Occident se rient de nos artistes quand ils les croisent au métro ou ailleurs dans un élan de fausse vengeance (comme ils disent mais j'ai toujours eu du mal à me l'expliquer).
On n'a pas encore compris que les droits d'auteur de ces artistes sont peut-être encore d'être payés quelque part, qu'ils participent à la vitalité culturelle et institutionnelle du pays et
cela n'a pas de prix. Si l'Etat ne peut pas les aider à bien vivre, il peut au moins leur assurer un enterrement gratuit pour la simple et bonne raison qu'il leur doit beaucoup d'argent,
croyez-moi. Trouvez-vous normal qu'un musicien par exemple meure pauvre avec une centaine de chansons à succès à son actif ? Il faudra qu'on réfléchisse ensemble à la façon dont nos artistes
sont traités, à la place qu'on leur donne, des places de choix pour une petite poignée, et un strapontin à se partager pour la grande majorité parce que de mémoire d'écrivain, je n'ai jamais vu
un pays qui assiste, aussi passif, à la disparition, pour cause d'incommensurable misère, de ces artistes.
Bellak