Papa Noël Nedule décède à Paris
La triste nouvelle est tombée ce lundi matin. Le légendaire guitariste et chanteur Antoine Nedule Montswet plus connu sous le sobriquet de Papa Noël a tiré sa révérence. L’Homme a trainé sa guitare dans le monde entier tout en parfumant sa vie d’artiste avec des chansons qui ont fait danser plus d’un mélomane. Il est parmi les icônes incontestées de la rumba congolaise. Longtemps malade, il a lancé un S.O.S vibrant à tous les hommes de bonne volonté et aux autorités politiques pour lui venir en aide. Malheureusement, son appel pathétique n’a pas trouvé d’échos favorables. Son projet de conférence-concert prévu à Kinshasa et Brazzaville, au cours duquel il allait éclaircir certains pans de sa vie d’artiste et de la musique congolaise, ne se réalisera plus. Les mélomanes ont perdu par la même occasion l’opportunité d’en savoir un peu plus sur cette dualité qui a toujours existé entre l’homme et l’artiste-musicien Nedule. Papa Noël s’en est allé à la veille de ses 84 ans dont plus de 60 consacrés à la musique.
Antoine Nedule voit le jour le 29 décembre 1940 à Léopoldville d’un père Lari du Congo-Brazzaville et d’une mère Mununu de RDC. Cette dernière, friande de la musique cubaine qu’elle joue sur sa phono, a sans le savoir inoculé le virus de la musique à son fils. En effet, Papa Noël qui est chantre à la paroisse sainte Anne s’exerce en catimini avec le guitare de Daniel Loubelo alias De la Lune à son absence. Malheureusement, ce dernier le surprend un jour. Il lui arrache l’instrument non sans l’avoir tancé. Sa mère ayant compris le grand intérêt que son fils porte pour l’art d’Orphée, va lui offrir le plus beau cadeau de sa vie. Un jour de 1955, elle l’amène au centre-ville et lui achète une guitare neuve à 600 francs. Une petite fortune à l’époque ! Le jeune homme apprend en autodidacte à jouer à son instrument de prédilection. Dans le quartier, il est surnommé Petit Django. Papa Noël a seulement 16 ans lorsqu’il entre au studio chez Ngoma avec son mentor Léon Bukasa pour enregistrer la chanson "Clara Badimuene". Il y joue ses toutes premières partitions à la guitare solo. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître. Le succès est au rendez-vous. En hommage à son mentor, il prend son nom grâce au prénom anacyclique de Léon. Il devient Noël bien qu’il ne soit pas né le jour de la naissance du Christ. Mais vite, Nedule quitte la maison Ngoma pour intégrer l’écurie Esengo et l’orchestre Rock’a Mambo en 1958. Papa Noël s’illustre dans des chansons telles que "Bakula Bakule", "Yo canto mi rumba", "Bueno Rock’a Mambo", "Chéri yaka tobina calypso" et tant d’autres. Il compose lui-même "Felicidad", "Rocka rocka rocka", "Ekelamo ya Nzambe", "Wiskhy", "Nabanzi yo", "Damoni Charlotte". Lorsque Tino Baroza quitte la maison Esengo, cette écurie le sollicite pour assurer la guitare laissée vacante. Il va accompagner jusqu’à l’indépendance du Congo les différents groupes de la maison y compris l’orchestre Beguen Band. En 1959, Papa Noël fait un petit tour dans Maquina Loca de Guy Léon Fylla installé à Libreville. Le groupe se disloque pour cause de séjour trop prolongé de son patron en France. Le guitariste est obligé de rentrer à Léo.
Alors qu’il est en route pour Léopoldville et en provenance du Gabon, il rencontre Jean-Serge Essous à Brazzaville en janvier 1961. Ce dernier étant non satisfait du rendement de Dicky Baroza lui demande de faire partie de l’orchestre Bantous. Le guitariste accepte d’emblée. Son abondante inspiration lui permet d’étaler son talent d’auteur-compositeur. Aux éditions CEFA dirigées par Roger Izeidi, il écrit plusieurs titres dont certains sont enregistrés à Bruxelles. Il enrichit son répertoire avec les chansons suivantes : "La luna yel sol", "Makolo ma chérie", "Mobali liboso", "Liteya ya tata", "Basili koyokana", "Okeyi liboso tala sima", "Le 2e wiskhy", "Cha cha cha para ti", "Bolingo botioli", "Mowumbu wa bolingo", "Baboyi yo eh", "Angèle na Mouyondzi", "Mbongo ya ticket", "Bruxelles merengue", "Que felicidad", "Sima ya sanza moko", "Mama Titine", "Papa merengue", "Ezali na bato banso", "Naleli Bébé", "Bang’o mboka", "Mama Bibi, " etc. A Bruxelles, l’orchestre Bantou enregistre pas moins de 52 disques soit l’équivalent de 104 chansons. Sur les 45 tours produits par la maison CEFA sont marqués Bantous Jazz comme nom de l’orchestre. Papa Noël quitte le groupe en août 1963. Son successeur n’est autre que Gérry-Gérard Biyela.
Devenu la coqueluche du microcosme musical, Kallé Jeff l’incorpore dans l’African Jazz. En 1965, il se retrouve chez Dewayon dans le Cobantou et y compose "Libala ya Philo na Gina" et "Kazaka ya coton", un grand succès à l’époque. Il réintègre ensuite l’African Jazz en 1966 où il joue la guitare solo en alternance avec Damoiseau Kambite. Puis, l’insatiable pigeon voyageur suit Bombenga, un autre transfuge de l’African Jazz, qui crée l’orchestre Vox Africa. Unique guitariste soliste du groupe, sa guitare est audible dans les chansons célèbres de l’orchestre comme "Naluki yo trop Elodie", "Yebo bampangi bika munu", "Congo nouveau Afrique nouvelle", "Zaïre eboya ye", "Bopesa ye liteya", "Bébé na Jeannot". Papa Noël compose les chansons "Wivine naloti yo", "Musika Vox Africa", "Tan bonito", "Alina", "Mama na Didier".
Lorsque sonne en 1967 l’heure des responsabilités, il crée son propre groupe nommé Bamboula, au sein duquel évolue des artistes (Tino Muinkwa, Madilu, Wuta Mayi, Bopol Mansiamina, Bozi Boziana, Aimé Kiawakana, etc) qui plus tard deviendront des célébrités de la rumba congolaise. L’orchestre Bamboula tient le devant de la scène avec à la clé la danse mambeta qui accompagne des titres éloquents : "Yoka ngai Sophie", "Naboyi makambo", "Club 113", "Lili mambeta", Malgré une concurrence farouche, l’orchestre crée la surprise en remportant le concours organisé par le ministère de la Culture et Arts. La bande à Papa Noël a la lourde charge de représenter la RDC au Festival panafricain d’Alger du 21 juillet au 1er août 1969. Après l’aventure algéroise, Bamboula se disloque dès son retour à Kinshasa. Ses musiciens se volatilisent dans différents groupes de la capitale.
Dans la carrière artistique du guitariste, on retrouve également les traces d’un orchestre nommé Son-Africa qui a existé en 1970. Papa Noël a composé plusieurs chansons entre autre "Salongo", "Beyoko Angélique", "Sanza ekosila", "Kinshasa la capitale", "Wivine" sous le label OBAM. Certains titres de Bamboula comme "Lili Mambeta" et "Boogaloo" y sont repris. Il est difficile de dire si ce groupe était un orchestre ou simplement un groupe d’enregistrement. Peut-être qu’après la disparition de Bamboula, Papa Noël avait créé ce groupe musical pour exister artistiquement. On y retrouve aussi la présence de Silis, un ancien de Vox Africa de Bombenga. Les biographies de Papa Noël sont muettes sur ce détail pourtant important. Elles ne mentionnent ni l’existence de Son-Africa ni son passage dans ce groupe. Emboîtant les pas à Tabu Ley s’agissant de Jazz Africain, Papa Noël lui-même n’en a jamais fait allusion dans les différentes interviews qu’il a accordées.
En 1973, la Présidence de la République contacte Papa Noël et lui confie la direction artistique du groupe qui a pour mission de réaliser "L’anthologie de la musique zaïroise moderne". Il réunit autour de lui les figures emblématiques de la rumba congolaise des années 40 et 50. Les chanteurs Manuel d’Oliveira, Lucie Eyenga, Wendo Kolosoyi, Léon Bukasa, Adou Elenga ; le pianiste Antoine Kibonge et l’accordéoniste Camille Feruzi répondent à son appel. Sur les dix tomes prévus, seuls deux sont édités par le bureau du président Mobutu dans un double album où sont repris les chefs d’œuvre des années 1950 à 1958. Les huit autres ne verront jamais le jour. Après cette mission et malgré son talent, le guitariste connaît une longue période creuse. Après sa traversée du désert, Papa Noël intègre le TP OK Jazz en 1978. Il y laisse sa marque avec la chanson "Tangawisi" qui pendant de longues semaines tient le haut du hit-parade. En 1984, il sort son premier album (Bon samaritain) avec la collaboration du chanteur Carlyto Lassa et de Freddy Kebano. Le succès récolté fait que le titre phare de l’album obtienne le palme de meilleure chanson de l’année. Ce succès n’est pas bien accueilli dans l’OK Jazz. Ce qui le pousse à claquer la porte et à émigrer en France en 1989 après la disparition de Luambo..
En 1998, Papa Noël fait des tournées avec Sam Mangwana et participe à l’enregistrement de son album "Galo Negro". Il accompagne de temps en temps le groupe Kekele et se joint à de nombreuses manifestations dans les domaines de la rumba et de la salsa. Papa Noël a sorti plusieurs singles dans les différents groupes où il a évolué. Dans sa discographie se trouvent pêle-mêle de la rumba, du boléro voire de la salsa et du cha cha cha. "Bon samaritain" n’est pas son unique album. D’autres ont bien entendu suivi notamment "Allegria" (1986), "Haute tension"(1994), "Bel ami" (2000) réalisé pour le 60e anniversaire de sa naissance, "Mosala makasi" (2001) avec Adan Pedroso,"Bana Congo" (2002) avec le Cubain Papi Oviedo et "Café noir" (2007). En 2013, il sort l’album "Color", fruit de sa collaboration avec l’accordéoniste française Viviane Arnoux. Les deux artistes ont couplé pour les besoins de l’enregistrement leurs instruments. La guitare de Papa Noël se marie avec l’accordéon de Viviane dans cette rumba originale qui a bercé la tendre jeunesse du guitariste émérite.
Selon ses propres dires, il est devenu artiste-musicien par hasard. Amoureux de la prière dans sa jeunesse, il avait l’ambition de devenir prêtre. Mais la musique l’a attiré vers elle en le détournant de sa vocation. Pendant plus de soixante ans, il a été à la fois guitariste, auteur-compositeur et arrangeur. Papa Noël n’est devenu chanteur que sur le tard sur conseil de son producteur. Si à Kinshasa, les mélomanes l’appellent affectueusement Papa Noël ou Ya Nono, à Brazzaville, il est plus connu sous le pseudonyme de Johnny Noël à cause de ses mouvements acrobatiques à la Johnny Halliday..
Samuel Malonga
Compilation :
Tshe-Tshe, Sisi, Mibali liboso, Mira, Mobali malamu, Mama na Didier, Mambote Cepillo. Tan bonito, Seli ya Zozo, Libala ya Philo na Gina, Bang’o mboka, Bon samaritain, Naleli Bébé, Tangawisi,