Pourquoi les Arabes sont-ils appelés Bandibu par les Congolais?
Dans le parler kinois, même si bien des mots proviennent de la capitale, la diaspora n’est pas en reste. Sa participation dans l’enrichissement de cette lingua franca n’est pas à démontrer. Le terme "Mundibu" par exemple, si fréquemment utilisé dans la communauté congolaise en Occident en est la parfaite illustration. Les Congolais d’Europe ne l’ont pas inventé. Ils lui ont simplement donné une nouvelle signification. Qu’a-t-on fait pour que le nom de cette tribu désigne aujourd’hui un Arabe ? Ce fait n’est pas le produit du hasard. Se connaissant les habitudes dans leur terroir, on peut supposer que ce sont les membres des tribus voisines des Bandibu qui sont à l’origine de cette assimilation, sinon comment pouvait-il en être autrement ?
Les Bandibu constituent en effet une des tribus de l’ethnie kongo. Ils occupent les territoires de Mbanza-Ngungu et de Songololo dans le district des Cataractes dans la province du Kongo Central. Parmi leurs voisins immédiats se trouvent les Besingombe, les Bantandu, les Manianga sans oublier les Bamboma.
Sur le plan humain, les Bandibu sont reconnus par leur tempérament agressif. Ils n’hésitent pas à s’emporter non sans faire parfois des dégâts. Courageux, ils ne se laissent pas intimider et ne cèdent pas facilement devant un adversaire. Lorsqu’une bagarre éclate, le Mundibu ne va pas par quatre chemins. Il ne va pas se battre avec ses poings. Au contraire, il est le premier à dégainer pour garantir sa défense. D’ailleurs, un adage familier à cette tribu dit : « Mbele ya Mundibu ka yivayikanga mpamba ko, le couteau d’un Mundibu ne sort pas pour rien. » Cela veut dire qu’un Mundibu ne fait pas de la simulation lorsqu’il sort un poignard ou une machette. C’est pour en faire bon usage. C’est aussi dire que si l’adversaire ne prend pas ses dispositions, il n’hésitera pas à le blesser avec son arme blanche.
Comparaison faite, force est de constater que cette agressivité légendaire des Bandibu se retrouve aussi chez les Arabes. Lorsqu’en Europe, la diaspora congolaise se met à la recherche d'un terme approprié pour désigner les Maghrébins et autres Nord-Africains, le choix tombe sur les Bandibu. Leurs voisins dans les Cataractes ont vraisemblablement eu une part active dans son appréciation et dans son adoption. C'est une évidence.
Né en Europe, le terme a fait un come-back triomphal à Kinshasa avec ses nouveaux habits. Il s’y est durablement installé et fait désormais partie intégrante du parler kinois. Mais pour renvoyer l’ascenseur aux Congolais de la diaspora pour cette trouvaille, les Kinois ont réussi à inventer le synonyme du mot Mundibu. En effet, pour désigner une personne qui se réclame de race blanche alors qu’il n’est ni Occidental ni Est-européen mais plutôt Arabe, l’homme Kinois lui a collé un nouveau nom : "Faux Blanc" . Dans la logique qui accompagne ce terme et dans la conception lexicographique qui entourent son invention, il veut dire qu’un homme qui paraît blanc ou qui croit être blanc ne l’est pas en réalité. Son apparence trompeuse est en fait une hallucination dont l’intéressé lui-même est le jouet sans qu'il ne s'en rende compte.
Samuel Malonga
Cher Sam Malonga,
Bonjour et tous mes vifs remerciements pour cet article bien compris, situé, défini, caractérisé et bien expliqué. En effet, je suis témoin dans l'articulation de cette histoire! Début 1981, nous désignions les nord-Africains sous le sobriquet des "Tipo-tip" ou "Tipos"! Et l'histoire que vous avez écrite récemment est révélatrice de cette introduction des noms arabisés au Congo. Jusqu'en janvier 1983, le terme de "Tipo-tip" était en usage, au sein de notre communauté, au voisinage du terme "Kobo" pour désigner un être humain noir.
Et c'est vers Février 1983 que le terme " Mundibu" apparaît. Tout ça c'est en Belgique! Le terme "Tipo-tip" qui était en usage, c'étaient moi et un collègue qui avions crée ce terme, exprimé et expliqué son sens aux étudiants Marocains, Algériens et Tunisiens, était compris et accepté quoique nos chers Maghrébins contestaient cette histoire. Mais en 1983, au mois de mars à Schaerbeck, une des communes Bruxelloises où la population Maghrébine est nombreuse, comme à Molenbeek, une bagarre eut lieu où les couteaux étaient bien tirés, disons des longs couteaux, et du sang partout! Un des nos diplomates sur place n'avait pas hésité à dire que :" ça c'est vraiment des bandibu". En me tenant le bras, le consul Mpanzu, excusez-moi de révéler son nom, ne savait pas qu'il allait introduire un terme dans le vocabulaire congolais, lui-même un vrai muyombe. Et des scènes de ce genre étaient courants presque chaque mois et la presse et la télévision en parlaient souvent.
En 1982, c'était le meurtre d'un petit belge, au coup de couteau, par un adulte Marocain et l'émoi était partout! Des meurtres ou tueries au coup de couteaux étaient courants de la part des Maghrébins! Et quand j'étais revenu à Bruxelles, au mois de juillet 1983, le terme des "Bandibu" avait supplanté le terme des "Tipo tip". Enfin, le terme de "Bandibu" n'est pas, en ma connaissance et jusqu'aujourd'hui, bien connu et accepté par les Maghrébins. En attente, bien à vous et salut à notre vaillant Messager et tous les mbokatiers.
LEND NYANGUILA