Le football congolais est-il dans l’impasse ?
La saison sportive 2022-2023 a été déclarée blanche, la manche aller n’étant même pas arrivée à son terme. Elle a emboîté les pas à l’édition précédente qui elle aussi fut amputée de la phase retour. Pendant deux saisons successives, la Linafoot n’a pas pu organiser convenablement le championnat national de football. Le Comité de normalisation justifie sa décision de décembre 2022 à la suite de l’arrêt du versement de quelque 800.000 euros promis par le gouvernement pour couvrir les frais aériens des clubs en déplacement.
En accord avec l’Amicale des dirigeants des clubs de football du Congo (ADFCO), la fédé a prononcé l’arrêt définitif des championnats de la saison à cause du manque des moyens financiers pouvant aider aux déplacements des clubs et des officiels d’une part, et d’autre part parce qu’il ne reste plus assez de temps pour organiser les matchs restants de la manche aller au 31 mai. A cet effet, le journal français Le Monde a dans sa version digitale publié un texte titrant que la RDC est devenue un pays où le football n’existe plus.
En effet, les conséquences de cette annulation sont graves. Elle s’est ressenties dans la participation des équipes congolaises engagées aux compétitions continentales interclubs. Privées de compétition et des matches dans les jambes, elles ont toutes étés défaites et éliminées.
Comme jamais malheur ne vient seul, au manque de compétition s’est ajoutée la suspension des tous les stades congolais aux rencontres internationales, excepté celui de Mazembe à Lubumbashi, pour non-conformité aux normes de la FIFA. Les équipes engagées aux compétitions africaines se sont vues obligées de se débrouiller autrement. Elles ont préféré jouer leurs matches à domicile à l’étranger malgré la main tendue de Moïse Katumbi. V. Club a choisi le stade Alphonse Massamba-Débat de Brazzaville. Daring est allé au Stade national du 11 Novembre à Luanda tandis que Lupopo, le concurrent naturel de Mazembe, a préféré le stade Levy Mwanawasa de Ndola.
L’équipe nationale a aussi été privée d’aire de jeu. Pour des raisons inavouées, la Fécofa a refusé que les Léopards jouent à Lubumbashi et a choisi le stade Japoma de Douala. Mais, c’est sans compter avec la détermination nationaliste des internationaux évoluant en Europe. Devant leur grogne et après avoir menacé de ne pas répondre à l’invitation de la fédé si celle-ci ne change pas d’avis, la Fécofa a fini par céder et à revenir sur sa décision. C’est dans le coquet stade privé de la commune de Kamalondo que les Léopards ont reçu les Mourabitounes de la Mauritanie dans le cadre des éliminatoires de la CAN 2024.
Aujourd’hui la RDC ne compte qu’un stade homologué par la CAF. Ce n’est ni le stade des Martyrs ou Tata Raphaël avec leurs 80.000 places, ni encore moins le stade Frédéric Kibasa-Maliba avec ses 35.000 sièges. Le stade TP Mazembe avec une capacité de 18.500 places assises seulement est l'unique stade éligible de la RDC.
Pour recevoir les Crocodiles du Nil soudanais en septembre dernier, la Fécofa a eu une dérogation spéciale afin que la rencontre se joue au stade des Martyrs. Mais ce match RDC – Soudan a connu un mauvais départ. Le coup d’envoi a été donné 30 minutes plus tard. Et pour cause ! Plusieurs exigences de la CAF relatives à ladite dérogation n’ont pas été respectées par les Congolais. La confédération africaine n’a autorisé que 54.000 sièges sur les 80.000 existants. Le commissaire au match a même demandé que le surplus de spectateurs quitte l’arène. Ce dimanche-là, le stade des Martyrs de la Pentecôte était plein comme un œuf. A la fin de la rencontre, la fédération soudanaise a déposé une plainte contre la Fécofa pour violation des consignes de la CAF.
Aujourd’hui, le football congolais est dans la tourmente. Avec la désorganisation endémique qui la caractérise, la Fécofa n’est pas encore au bout de ses peines. De son côté, la Linafoot a du mal à organiser le championnat national. La logistique pose problème car le manque d’avions pouvant transporter les équipes d’un coin à l’autre du pays ne semble pas faciliter les choses. La 28e édition du championnat national a bel et bien démarré. Tout le monde se pose la question de savoir si elle ne s’arrêtera pas en si bon chemin comme les deux dernières éditions.
Pour faciliter les déplacements des équipes, le championnat d’élite est scindé en deux groupes géographiques de dix équipes chacun. Pour sa part, la Fécofa enjoint la Linafoot de procéder au couronnement du champion national dans dix mois. Démarré en août 2023, la Ligue doit clore le championnat au mois de mai 2024. Mais comme les mêmes causes produisent les mêmes effets, la triste histoire ne risque-t-elle pas encore de se répéter? L’épée de Damoclès reste suspendue au-dessus de la tête de la Linafoot qui a du mal à mobiliser des fonds nécessaires pour son fonctionnement. Ce malaise provoque l’exil des footballeurs congolais à l’étranger. La Ligue 1 qui a toujours été parmi les meilleurs championnats d’Afrique risque de voir son niveau baisser. Pour éviter le pire, le gouvernement doit prendre sa part, car l’avenir du football congolais est en jeu.
Samuel Malonga