Cinq questions à Gaspard-Hubert Lonsi Koko (*)
Cinq questions à Gaspard-Hubert Lonsi Koko (*)
1. Les 26 et 28 octobre prochains, vous animerez un dîner-débat sur l’avenir des relations entre la France et l’Afrique. Qu’est-ce qui a motivé votre choix ?
Ces dîners-débats se dérouleront à Paris. Le premier est initié par Éric Malmaison, le président du cercle de réflexion Démocratie, valeurs républicaines (DVR), tandis que le second se tiendra dans le prestigieux restaurant du Sénat sous la houlette de Maryse Anson, la présidente de l’association LVE Île-de-France. Ces échanges sont sans conteste motivés par le contagieux séisme en cours dans la ténébreuse nébuleuse de la Françafrique. L’objectif consiste à façonner en toute liberté de conscience l’argile pendant qu’elle est humide.
2. À Paris, on entend de toute part le même refrain : « La Françafrique est morte et enterrée. » Pourtant, d’aucuns disent que « la Françafrique est l’empire qui ne veut pas mourir ». Quel est votre point de vue ?
Selon un proverbe togolais, il faut faire semblant d’enterrer l’individu qui simule son décès. La passionnelle attitude du président Emmanuel Macron incite plus d’un observateur à s’interroger sur la caution apportée au non-respect de la Constitution au Tchad à propos de la succession d’Idriss Déby, contrairement au courroux contre le Niger, le Mali et le Burkina Faso, et à l’indifférence au regard du Gabon. Le choix du président français se manifeste également dans son soutien diplomatique au Rwanda anglophone aux dépens d’un grand pays francophone comme le Congo-Kinshasa exposé au bantoucide et à moult tentatives de morcellement. Cette politique à géométrie variable démontre l’hypocrisie ayant sans cesse caractérisé la coopération franco-africaine. Ayons toutefois à l’esprit la mitterrandienne prémonition, selon laquelle il n’existerait plus d’histoire de France au XXIe siècle sans l’Afrique.
3. De Ouagadougou à Libreville, de Niamey à Bamako, de Guinée-Conakry à Dakar, la jeunesse se révolte contre ce qu’elle perçoit comme une mainmise française sur son destin. Comprenez-vous l’attitude des jeunes ?
Confronté à l’harmattan et aux aspirations des populations opprimées, mûr ou non, le fruit ne peut que tomber de l’arbre. Certes, la jeunesse africaine n’a rien contre les citoyens français. Elle dénonce plutôt l’épicière gestion, par l’Élysée, des relations entre la France et l’Afrique. Ainsi souhaite-t-elle solder définitivement le compte de la colonisation pour envisager de manière humaniste la posture postcoloniale. Il est plus que jamais temps de passer à un avenir constructif entre les deux continents. Cela nécessitera que l’on sorte des archaïques sentiers battus au seul profit de la France, a contrario au détriment de l’Afrique à cause, entre autres fléaux, des dramatiques mouvements migratoires.
4. La France a commis des erreurs, en n’appréciant pas à leur juste valeur les évolutions du continent africain et les aspirations de sa jeunesse. Peut-elle encore rester une puissance importante en Afrique et un ami ?
Le pas de danse s’adapte en principe au nouveau rythme de la musique, disent les Bantous. Il est évident que, comme partout ailleurs, les populations africaines aspirent en toute souveraineté et dignité aux voies salutaires pour le développement de leurs pays et de leur continent. Cela passera d’abord par le ressourcement dans le panafricanisme, tout en évitant de sombrer dans le solipsisme. L’intérêt de la France pour les ressources naturelles, ainsi que les suffrages dans le concert des Nations Unies et des organisations internationales, ne doit plus être fonction des éliminations physiques, des déstabilisations étatiques ou des guerres (armées, voire bactériologiques). Les Africains souhaitent sur leur sol une France humaniste. Ils ne veulent plus d’un partenaire paternaliste, voire belliqueux. La France étant le pays des Droits de l’Homme et des Lumières, ils espèrent un échange culturel et une coopération économique sur la base des transferts de savoir-faire et de technologie idoine.
5. Quel avenir pour les relations entre la France et l’Afrique, selon vous ?
Rappelons que l’Afrique est tout à fait libre de développer l’axe Sud-Sud. Elle ne doit pas se contenter ad vitam æternam des relations Nord-Sud. Dans un tel contexte, prenant en compte la surenchère en matière de transaction, la France devra se doter d’une réelle politique africaine par le biais de l’Union Européenne et des institutions internationales dont elle est membre comme la zone d’ Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), la Francophonie, les différentes structures des Nations Unies, ainsi que dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen (PEM). Au-delà de l’aspect panglossien, le parlement français doit avoir droit de regard, quant aux actions gouvernementales sur le plan extérieur. Les perceptives doivent être dans l’absolu envisagées sur le plan euro-africain, c’est-à-dire un bilatéralisme continental et non étatique.
Propos recueillis par Robert Kongo, correspondant en France
(*) Écrivain, analyste politique et conférencier
Copyright Le Potentiel