LE FAMEUX CONTRAT CHINOIS EN QUESTION : CET ELEPHANT DANS LA SALLE SALE DE LA RDC !
Norbert MBU-MPUTU. Bristol, 4 mars 2023. « The elephant in the room » (L’éléphant dans la salle). Une expression anglaise exprimant un problème majeur et tout évident ou une question clef dont les gens évitent de discuter ouvertement ou un problème sérieux dont tous ont peur de parler. C’est le moins que l’on peut dire au sujet de ce fameux contrat signé le 28 avril 2008 entre la République Démocratique du Congo et des Chinois ou mieux un conglomérat d’entreprises chinoises, deux au total. Jadis, la presse en fit des choux gras en le qualifiant des contrats léonins. Un contrat aux outputs tellement merveilleux pour être vrai. A moins d’un miracle. Et, le miracle ne se produisit pas ou tarde encore à se produire. Et pourtant, malgré les critiques, ceux le soutenant ou l’ayant manœuvré alors juraient que c’était la première fois que le pays, le Congo, allait au moins tirer profit de ses minerais. Car, c’était un contrat donnant-donnant où les Chinois allaient construire des infrastructures jamais imaginées et jamais réalisées depuis les temps de Léopold II et des Belges. Hélas, rares étaient ceux qui avaient suivi le conseil sage de feu Cardinal Laurent Monsengwo lorsqu’il présidait la Conférence Nationale Souveraine : lorsqu'il s'agit d'un contrat, d'une déclaration, d'un document officiel, il faudra impérativement demander, prendre, lire et analyser son texte, au besoin rechercher l'original…
Lanceur d’alerte. Alors que, dès la publication de ce contrat, la commission parlementaire du Royaume-Uni en charge de la région des Grands Lacs africains (APPG for the Great Lakes Region) sous la direction du député Travailliste (Labour) Eric Joyce joua au lanceur d’alerte. Le mouvement des Combattants et/ou Résistants de et né à Londres avait alors du vent en poupe. Contact pris et il fut alors organisé au parlement britannique de Londres une réunion d’exposition et d’analyse de ce qui apparaissait être une vraie anarque. Les Britanniques, étrangers, avaient ainsi besoin des Congolais eux-mêmes pour qu'ils se responsabilisent et s'approprient de ces critiques. Pragmatisme anglosaxon oblige, ces experts usèrent des mots crus décrivant les maux de ce contrat léonin où la partie congolaise, l’Etat et le peuple, risquait de tout perdre et la partie chinoise, non bien identifiée, bénéficiait de tous les avantages : un marché des dupes où « un rat tenté [la République Démocratique du Congo et sa population en quête des projets] se faisait tâter par un rot tentant [un tel contrat]». Et, pour éviter de jouer et d'être taxé à la non-assistance d’un pays en danger, des contacts furent noués et des missions organisées pour que des parlementaires à Kinshasa puissent endosser la chose et en faire une question parlementaire. Rien de tout ça, sauf l’UDPS qui mordit l’appât, hélas une UDPS minoritaire au parlement et recherchant sûrement aussi ses routes. Elle était inaudible. Pour tous, même ceux contactés et qui, la transhumance aidant, avaient même quitté le cercle fermé de Joseph Kabila pour une certaine opposition de façade déclinèrent de jouer ce jeu : ce contrat, à leurs dires, c’est le cœur et l’épine dorsal du kabilisme nouveau, s’y opposer signifierait un arrêt de mort certain. Rideau et déception de la commission parlementaire britannique. Et depuis lors, personne ne s’est jamais penché pour dénicher et exposer ces mensonges grossiers de ce contrat rien qu’à voir les kilomètres des routes à macadamiser par exemple. Surtout que le chronogramme de ces réalisations souffrait d'une opacité incroyable.
L’IGF Jules Alingete Key. Depuis que monsieur Jules Alingete a décidé de scruter l’usage des fonds publics, tous attendaient qu’il s’attarde aussi sur les dossiers secrets ou mieux les contrats léonins des régimes passés. C’est ce que vient de réaliser l’Inspecteur Général des Finances dans un rapport bien documenté et surtout succinct que tout citoyen lambda peut lire et comprendre puisque dépourvu d'un langage de bois et surtout extirper des jargons compliqués et complexes comme savent user ceux habiles à camoufler des détournements surtout des fonds publics. Bref, ces fameux contrats chinois ne sont, ni plus ni moins, une vaste escroquerie organisée des prédateurs et des dinosaures. Le titre même de ce rapport est sans jambages : « Contrats Chinois minerais congolais contre infrastructures « Sicomines » : Ce que nous devons savoir ».
En cinq pages, le haut fonctionnaire de la RDC expose ainsi ce contrat signé par la partie congolaise représentée par Pierre Lumbi, en sa qualité du ministre des infrastructures et des travaux publics, et la SICOMINES ou deux entreprises chinoises, China Railway Group Ltd et Sino Hydro Corporation. Le gros du contrat fut que la République Démocratique du Congo mettait « à la disposition de la SICOMINES des GISEMENTS de cuivre, cobalt et autres minerais » et l’exonérait « de tous droits, taxes et impôts en RDC ». Quant aux deux sociétés chinoises, muées en SICOMINES, elles devaient « amener des capitaux frais pour le fonctionnement de la SICOMINES et de lever des fonds de USD 3,2 milliards au profit de la RDC pour le financement des infrastructures, à rembourser par la SICOMINES sur les gains d’exploitation revenant à la RDC ».
Au final. Ledit rapport de l’Inspecteur Général des Finances est sans appel : la RDC a offert ses gisements riches en minerais évalués à près de USD 93 milliards avec les exonérations de tous droits de l’Etat estimés à près de USD 10 milliards et les deux entreprises chinoises n’ont rien apporté des capitaux frais contenus dans le contrat sauf un endettement de USD 4,4 milliards auprès d’Exim Bank China pour le fonctionnement de la SICOMINES.
Détails. Puis, step by step, le rapport d’évaluation et d’enquête va dans les moindres détails en deux parties : les promesses et réalisations des projets et les surfacturations. Il fut promis que la partie chinoise devait construire 5.000 logements sociaux, 3.735 kilomètres de rails, 31 hôpitaux modernes, 145 centres de santé, les deux barrages hydroélectriques de Katende et de Kakobola, 2 universités modernes, les deux aéroports modernes de Goma et de Bukavu et 3.656 kilomètres de route macadamisés. Hélas, constate l’IGF, seulement 536 kilomètres de routes furent bitumées. Quant à la rubrique de surfacturation, c’est là que l’opinion ne puis que se fâcher tant les chiffres parlent d’elles-mêmes : la route Lutendele/Kinshasa revint à 20 millions des dollars alors que les travaux ne furent jamais réalisés, les 6 kilomètres des avenues Tourisme et Ngaliema surfacturées à 30 millions de dollars contre un coût réel de 6 millions seulement ; le boulevard Triomphal et ses deux kilomètres avala 61 millions de dollars contre 5 millions normalement ; les 7 kilomètres du boulevard du 30 Juin coûtèrent 142 millions de dollars contre 28 millions seulement ; le stade de Bukavu qui devait coûter seulement 3 millions de dollars fut surfacturé à 10 millions de dollars américains tandis que ceux de Goma, Ituri et Kalemie non réalisés déboursèrent chacun 10 millions des dollars : le boulevard Lumumba de Kalemie coûta 60 millions de dollars contre 8 millions seulement ; le colmatage des trous sur 147 kilomètres de la route Lubumbashi-Kasomeno revint à 170 millions contre un coût réel de 40 millions. Le rapport se conclut avec la surfacturation de l’Hôpital du Cinquantenaire au prix de 114 millions des dollars américains. Des chiffres aux zéros vertigineux...
Hélas. Une conclusion se dégage d’un tel rapport et des questions ne cessent de se poser : comment est-on arrivé là ? Comment le Congo et les Congolais récupéreront-ils ces millions ? Le pays était-il géré par des patriotes ou par des prédateurs budgétivores et des dinosaures financiers sans cœurs tout simplement ? Certes, les concertés useront du bénéfice du doute et devraient s’expliquer. Hélas, les faits, les chiffres et les données de l’Inspecteur Général des Finances semblent clairs comme le nez au milieu du visage. Même aux temps des trocs pré-usage des finances et des monnaies, rares furent des contreparties qui se furent ainsi flouées dans la farine blanche comme le fut l’Etat congolais… avec la complicité, certes, de ses propres fils et filles à espérer se voir convoquer, un jour, à la barre pour des explications et des justifications. Un vœu pieux ?! Là où c’est navrant, c’est lorsque l’on tente de s’adonner à un exercice élémentaire, comme le fait souvent l’IGF Jules Alingete, en traduisant ces millions perdus et volés en nombre d’hôpitaux, en kilomètres des routes, en salaires des fonctionnaires et des enseignants… Et dire qu’ils atterrissent ou ont atterri dans les poches de quelques individus seulement respirant le même air que le commun des mortels congolais… Ce pays n’a pas de chance… Le sieur IGF a encore du pain sur sa planche…
Email: norbertmbu@yahoo.fr
Lien. https://londonaggiornamento.wordpress.com/2023/03/04/le-fameux-contrat-chinois-en-question-cet-elephant-dans-la-salle-sale-de-la-rdc/