Les orchestres MI et MI AMOR
Les orchestres MI et MI AMOR
Mi et Mi Amor sont-ils un même et seul orchestre ou au contraire deux groupes musicaux différents même si la similitude des noms semble bien les rapprocher. La réalité paraît pourtant différente.
En 1971 , un groupe musical se fait parler de lui. Animé par quelques ténors de la musique congolaise moderne, Kinshasa voit émerger certains noms quasiment inconnus à l’époque. L’orchestre MI est né. En réalité, c’est un ″ensemble″ comme on le disait dans le jargon musical congolais, c’est-à-dire un groupe d’enregistrement ou de circonstance. Le style ressemble fortement à celui de l’orchestre cher à Luambo Makiadi. Les grands noms qui le forment sont issus de ce groupe. Il est en quelque sorte une sorte d’OK Jazz bis. D’autres langues disent que c’est un clin d’œil à son ami Kabayidi et à son bar dénommé Mi où les séances de répétitions se passent que ce groupe doit son nom.
A propos de la création de l’orchestre Mi, Lutumba déclara lors d’une interview à Afriquechos.ch: "Ce n’était qu’un orchestre d’accompagnement en dehors de l’OK Jazz qui était la propriété de Franco. J’avais envie de faire éclore mon talent de compositeur et j’ai fait recours à certains musiciens avec qui on évoluait dans l’OK Jazz sans quitter l’orchestre. J’ai obtenu l’aide de mon ami Paul Kabayidi pour réaliser mes œuvres. C’est la série des chansons Lisano ebandaka na Kin Malebo, Na lifelo bisengo bizali te aux éditions La Musette de Charles Lukelo. Le succès de ces chansons avait bousculé l’OK Jazz à tel point que Franco est allé se plaindre auprès de la Soneca, à l’époque c’est Grand Kallé qui en était le Président." Ce groupe de soutien se compose de Diatho Lukoki (chant), Moze Fanfan (solo), Lutumba Simaro (guitare rythmique), Celi Bitshou (basse) etc.
L’orchestre MI est le socle où certains aigris de l’OK Jazz, Lutumba en tête, s’appuient pour sortir leurs chansons. C’est l’orchestre des nzonzing. Toutefois, il permet à un jeune inconnu, Antoine Dialu plus connu sous le sobriquet de Diatho Lukoki, sociétaire de Sensas, de s’illustrer au chant. Cette performance lui ouvre les portes des grands orchestres de la place notamment Conga Succès (1972), Vévé, Lovy du Zaïre, Somo-Somo, OK Jazz (1976), où le chanteur a presté. Lutumba de son côté brouille les cartes en devenant LUSIM le temps d’un enregistrement. Il joue sa guitare comme toujours mais on entend aussi sa voix et son sifflet en arrière-plan de la discussion engagée dans sa principale chanson. Avant de quitter le navire, Lutumba son concepteur et vrai fondateur n’y a composé qu’une seule chanson tout comme Moze Fanfan. L’unique single de MI comporte les chansons des auteurs précités. Il s’agit de Na lifelo bisengo bizali te et de Bolingo Louise-Marie. Puis plus rien. La question est de savoir celui qui se cachait sous le label MI. Est-ce Loukelo ou un autre producteur? Loukelo a-t-il transformé le nom des éditions La Musette en Mi le temps d’un enregistrement ?
En 1973, l’éditeur Charles Loukelo décide d’étaler ses talents d’auteur-compositeur. Il a besoin d’un orchestre pour pouvoir s’exprimer. Pour atteindre le but qu’il s’est assigné, il ressuscite Mi qui est en hibernation en lui donnant de nouveaux habits avec un nom qui n’est pas très loin de l’ancien. Sorti de sa léthargie pour assurer la continuité, Loukelo ajoute ″Amor″ à côté du ″mi″ originel. Ce nom fait-il allusion à Franco dont l’un des sobriquets est Demi Amor ? En tout cas tout porte à croire que le nom de cet orchestre est tiré d’un des nombreux sobriquets de Luambo. Car lorsque celui-ci compose la chanson Demi Amor, le public lui rend l’ascenseur en lui donnant pour surnom le titre de cette chanson. Demi Amor devient Mi Amor. Né des cendres de Mi, un nouvel orchestre vient de naître.. Ce groupe appartient à Loukelo et n’a rien avoir avec Simaro qui de temps en temps vient donner un coup de main lors des enregistrements. Les chansons du nouveau groupe sortent sous le label La Musette, une vieille maison qui a édité les chansons de Bella-Bella et les frères Soki à leurs débuts. De l’édition phonographique à l’écriture des chansons, il n’y a qu’un pas franchi par Loukelo qui étonne par sa capacité à créer des œuvres d’anthologie.
Mi Amor ne livre aucun concert mais inonde le marché du disque par des chansons d’une grande qualité artistique. Ce sont quasiment des compositions du producteur Charles Loukelo Menayami devenu auteur-compositeur. Ce dernier sort le single contenant Lisano ebandaki na Kin Malebo et Poncelet nasengi y’ozonga. Puis il change le nom de sa maison d’édition, La Musette devient Innovation. Sous ce nouveau label, Loukelo produit Chérie ozonga et Mbula na butu. En 1977, Loukelo écrit trois autres chansons (Trouble na foyer, Mwana mboka vraiment, Zala na boboto) sous le label Zaïre Promotion 2000 mais le nom de l’orchestre n’est pas mentionné. On voit aussi sa griffe dans l’orchestre Tout Choc Banita avec la chanson Mansanga sala angele. Notons que Loukelo s’est aussi caché derrière le pseudonyme Kiland, son nom d’artiste dans l’orchestre Mabatalaï. Dans ce groupe, il va écrire plusieurs LP et singles tous produits par son nouveau label dénommé Zaïre Promotion 2000 qui a remplacé Innovation.
En véritables orchestres de circonstance, Mi et Mi Amor ont connu une existence quasi éphémère. En réalité, Les deux groupes n’avaient pas été conçus pour vivre longtemps. Après avoir égayé le public par intermittence entre 1971 et 1974, Mi (1971-1972) et Mi Amor (1972-1974) disparaissent pour ne survivre que dans les souvenirs des mélomanes.
Au vu de leurs discographies et même s’ils se rapprochent par leur patronymie, MI et Mi Amor semblent être deux groupes différents avec deux labels différents mais jouant un même rythme celui de l’OK Jazz. Si le premier a été créé par Lutumba et quelques musiciens de l’OK Jazz, le second qui en est l’émanation est la propriété exclusive de Loukelo Menayami alias Kiland.
Samuel Malonga