Joseph Kasa-Vubu a-t-il été maréchal ?
La question mérite d’être posée. Les images de l’époque et les vidéos tournées dans les années 60 sont la preuve de ce que bien des Congolais ignorent jusqu’au jour d’aujourd’hui. Kasa-Vubu a ses habitudes vestimentaires. Le plus souvent lors des grands événements, il porte une tenue d’apparat, coiffé d’un képi tout en arborant un sabre. Quelle signification a-t-on donné à cet habillement que le président porte souvent lors des grandes occasions ?
La tenue du roi Baudouin
Le mercredi 29 juin 1960, Baudouin 1er de Belgique débarque à Léopoldville pour la proclamation de l’indépendance du Congo. Comme en 1955, il est en uniforme militaire et porte un sabre, celui-là même qui est subtilisé par un activiste congolais. Le 30 juin, le souverain belge porte la même tenue. Militaire, il l’est. Son grade : lieutenant-général. Joseph Kasa-Vubu, le nouveau président, qui est à ses côtés tout au long de cette journée mémorable qui a marqué la fin de la colonisation belge est un civil. Mais pour combien de temps encore?
Portrait officiel
Comme pour conjurer les difficultés de sa présidence faite de rebellions, de sécession et de diverses crises politiques, Kasa-Vubu se présente en uniforme militaire devant l’objectif du photographe pour son portrait officiel. L’homme se plait à s’afficher même dans les billets de 100 et 1000 francs congolais émis en 1961 par la Banque nationale du Congo.
Brazzaville, premier voyage à l’étranger
Après les festivités de l’indépendance, Kasa-Vubu troque son costume contre une uniforme d’officier militaire. Le 15 août 1960, à l’invitation du président Youlou, il traverse le pool et va à Brazzaville pour la commémoration de l’indépendance de ce pays voisin. A la tribune où se trouvent les officiels, on le voit en uniforme militaire avec sabre et képi d’officier supérieur de l’armée. Si beaucoup de Congolais pensent que c’est la tenue officielle du nouveau chef d’Etat, bien peu savent que Kasa-Vubu ne la porte pour rien, ne fait pas le salut militaire pour rien. Dans cette période trouble, il porte l’uniforme presque partout où il se rend, comme en décembre 1960 à Coquilathville (Mbandaka) pour son premier voyage à l’intérieur du pays.
Généralissime
La grande tenue d’apparat portée par le locataire du mont Stanley, veut dire qu’il n’est plus un civil ordinaire. Introduit dans la corporation par le poste qu’il occupe au sommet de l’Etat, Il est ″officieusement″ devenu militaire par la force des choses, officier supérieur de l’ANC, général trois étoiles avec le grade de lieutenant-général. Sa fonction : commandant suprême des forces armées. Les insignes qui marquent son rang dans l’armée ne se trouvent pas sur les épaulettes de sa tenue. Ses trois étoiles sont plutôt visibles sur les deux revers de la veste de son uniforme militaire et une sur son képi. Le sabre qu’il a toujours sur lui symbolise et incarne le pouvoir qu’il détient. Kasa-Vubu est devenu soldat sans pour autant l’être réellement.
Maréchal officieux de la République
Le maréchalat n’est en soi pas un grade militaire mais une dignité que l’on peut attribuer à un officier général ayant commandé victorieusement en temps de guerre. Si Mobutu est nommé lieutenant-général par ordonnance n⁰ 400 du 3 novembre 1965, Kasa-Vubu l’est devenu bien avant lui en 1960. Le même Mobutu précise que le Président avec sa demi-douzaine d’étoiles a plutôt rang de maréchal de l’Armée nationale congolaise depuis la promulgation le 1er janvier 1965 des statuts des officiers et sous-officiers de l’ANC. Il n’a pas de bâton de maréchal mais un sabre semblable à celui de Baudouin.
L’homme et sa tenue
Dès le début de sa présidence, Kasa-Vubu apparaît le plus souvent comme un soldat,. On ne peut dissocier l’homme et cette tenue qu’il arbore et qui se confond avec son personnage. Cette marque a accompagné sa silhouette dans les grands moments. Lorsque l’armée le démet de ses fonctions en novembre 1965, Kasa-Vubu est un officier général fortement étoilé. Il est le plus gradé de la hiérarchie militaire. Des trois étoiles de lieutenant-général glanées en 1960, il en porte six lorsqu’il est mis prématurément en retraite politique forcée. Sa légendaire tenue militaire est immortalisée dans des photos d’archive mais aussi dans le monument érigé en son honneur au rond-point Kimpuanza (indépendance) dans la commune de Kasa-Vubu où il a été bourgmestre à l’’époque coloniale.
Samuel Malonga