PATRICE LUMUMBA : APPEL À UN DEUIL NATIONAL (AVEC MPOLO ET OKITO) ET FAMILIAL…
PATRICE LUMUMBA : APPEL À UN DEUIL NATIONAL (AVEC MPOLO ET OKITO) ET FAMILIAL
Publié le septembre 10, 2020
L’annonce doit normalement faire l’effet d’une affaire d’État : la Belgique et sa justice décident de rendre finalement la dent de Patrice Lumumba (https://www.rtbf.be/info/societe/detail_la-justice-belge-consent-a-rendre-les-restes-de-patrice-lumumba?id=10580580), sur insistance et demande de sa fille Juliana Lumumba. La dent de Patrice Lumumba, assassiné le 17 janvier 1961 avec Mpolo Maurice et Okito Joseph, avait été gardée par l’un de ses fossoyeurs, le belge Soete, qui le révéla à la presse avant sa mort. Sa fille la garda avant que la justice venue perquisitionner ne la récupère et ne la garde depuis lors ! C’est curieux que, malgré la commission Lumumba, malgré les livres écrits sur ce sujet, cette Belgique là ne pouvait pas, d’elle-même, prendre une telle décision !
Bien plus, il faut maintenant analyser la chose d’une façon anthropologique.
D’abord, du côté de Soete. Dans la culture nègre, lorsqu’on se rend coupable d’un meurtre, la pratique et la coutume voudraient qu’il faille garder secret une partie du corps de cette personne, pour éviter à ce que son esprit ne revienne vous tourmenter. C’est ce que fit par exemple Mengistu qui garda sous sa table le corps de l’empereur Hailé Sélassié… Soete a sûrement appris cette leçon de la philosophie bantoue. Mais, sentant sa mort approchée, les esprits commencèrent à s’approcher et il fallait vite se débarrasser de ce poids spirituel, ne sachant jamais où l’on va !
Puis, une partie du corps d’un homme signifie et représente son âme ou mieux son ombre, c’est-à-dire dans une culture où l’homme comporte trois parties : c’est son vrai-homme, son double. Aussi, il est de coutume, lorsque quelqu’un meurt à l’étranger, avant de l’y enterrer, que l’on prenne un peu de ses cheveux et de ses ongles, à ramener chez lui pour qu’il y soit enterré. C’est ce rituel que j’expose dans ma nouvelle « Le sans papiers » de mon livre « Ville-morte » (Mediaspaul, 2006). Aussi, lorsque de telles parties sont ramenées au village, il est de coutume pour le porteur de le signifier au chauffeur, car, au fait, c’est tout un cadavre qui est ainsi transporté et il faudra exécuter des rituels d’usage.
Cette dent donc restée de feu Patrice Lumumba est donc Patrice Lumumba en personne. La grosse bêtise et la grosse erreur seront de la rendre comme s’il s’agissait d’un simple colis postal. Il faut et il faudra exécuter les rituels d’usage et organiser un vrai deuil avec, au final et cette fois-ci, soixante ans après, le retrait de deuil pour la famille, après un propre enterrement.
Pour vraiment mettre un point final à la chose, non pas seulement que la Belgique comme État qui la et le garda, l’État congolais n’ayant rien fait pour jouer son rôle de rechercher son Premier ministre assassiné, les rejetons de tous les vivants du et des meurtriers (fils et filles de Tshombe, Munongo, Kibwe, etc…), du fossoyeur, des complices (Kasa-Vubu, Mobutu, Bomboko, etc.), mais aussi tous les rejetons des deux autres assassinés avec Lumumba en l’occurrence fils et filles de Mpolo Maurice et Okito Joseph doivent tous être invités à joindre ainsi la famille Lumumba pour un tel rituel national et familial. Car cette dent représente ainsi les trois compagnons à la fois et continuait à crier et à demander réparation dans les différentes cachettes successives.
Comme je l’exprime et en appelle dans mon livre « L’Autre Lumumba », il faudra, finalement, non pas seulement un autre monument représentant les trois, Lumumba, Mpolo et Okito, mais aussi les honorer en faisant de leur d’assassinat, un mausolée, puisque le lieu est enfin identifié, près de Lubumbashi…
Puisque la République Démocratique du Congo n’a jamais ouvert ses propres dossiers secrets sur cet assassinat, en tant qu’État, il est temps de recourir à une justice transitionnelle et le faire en invitant tous les témoins et acteurs encore en vie pour que ces derniers racontent, dans un genre de rituel d’expiation collective, ce qu’ils en savent là-dessus ; au clair, qu’ils vident leurs cœurs en signe de réconciliation et de pardon. Pour éviter aux Romains (les coteries tribales de retour depuis) de se poignarder sur qui a fait quoi et comment et éviter aux rejetons de se livrer à une guéguerre des communiqués, il faudra une vraie conférence des historiens qui aideront à arrondir les angles en rapportant et en racontant, tout simplement, ce qui s’est passé, comment cela s’est passé. Certains, certes, seront écœuré d’entendre et d’en apprendre sur les rôles de leurs géniteurs. C’est le rôle de l’histoire lorsqu’on ouvre ses pages : il faut s’assumer et assumer ses ascendances qu’on ne change pas !
Puisque ce fut un crime d’État, la Belgique et la CIA notamment aurait pu en profiter pour prendre un engagement solennel pour qu’ils ne se trempent plus dans une telle ignominie et œuvrer pour rendre au Congo sa vraie indépendance ! Quoi de plus symbolique que de lever enfin un tel deuil lors du soixantième anniversaire de cet assassinat odieux !
L’ONU aussi, pusqu’elle est encore (et toujours présente), doit se préparer à demander pardon à la famille et au peuple congolais pour n’avoir pas assister un leader (et des leaders) qui, pourtant, était celui à l’avoir invitée au Congo !
Certes, ceci n’est possible que si, du côté du Congo, les autorités et leaders eux-mêmes comprennent la chose de cette façon où ils vont, comme c’est souvent le cas, se contenter de chanter « indépendance cha-cha », pour éviter de se retrouver comme avec les deuils des illustres artistes se limitant dans des jouissances et des décaissements des fonds, en oubliant les concernés, c’est-à-dire les familles, sortant bredouille ! (Comme avec le fameux fond Patrice Lumumba de la Belgique… annoncé jadis par Louis Michel… Où en sommes-nous déjà ?)
C’est vrai qu’avec toutes les querelles de nos familles sur les héritages, c’est une nouvelle boite de Pandore des conflits et des bagarres et des procès qui risque de s’ouvrir !
Norbert MBU-MPUTU.
Norbert MBU-MPUTU a publié un dernier livre sur Lumumba : L’AUTRE LUMUMBA. Peuple du CONGO : Histoire, résistances, assassinats et victoires sur le front de la Guerre froide, Bristol, MediacomX, 1999, 738 pages (https://www.lulu.com/shop/norbert-x-mbu-mputu/lautre-lumumba/paperback/product-1564wp4y.html).