Patrice Lumumba était-il communiste ?
Patrice Lumumba était-il communiste ?
S’il y a un homme qui a donné des sueurs froides aux Occidentaux, il y a lieu de citer Patrice Lumumba. Les Belges tout comme aux Américains ont voué à sa personne une haine profonde. Se débarrasser de lui a été le leitmotiv qui a conduit à l’époque la politique des grandes puissances au Congo. La préméditation de son assassinat ne peut souffrir d’aucune contestation.
Soupçonné d’être communiste et d’avoir des penchants pour des pays de l’Est ennemis jurés des nations dites libres, Patrice Lumumba est l’objet d’un espionnage systématique. Ses faits et gestes sont auscultés, ses déplacements sont surveillés, ses contacts avec des personnalités européennes sont contrôlés. Lumumba qui ne laisse personne indifférent est l’homme politique le plus espionné du Congo.
Tout l’Occident est en émoi. La CIA américaine mais aussi la Belgique, le pays colonisateur, par le biais du ministère des Affaires africaines le fameux Minaf va jouer un rôle déterminant. Des fonds secrets du Minaf sont mis à contribution pour lutter contre Lumumba à travers la presse d’opposition (le Courrier d’Afrique ou Couraf), des hommes politiques congolais modérés comme Bolikango et Bomboko voire même un professeur belge de l'université Lovanium.
Lumumba lui-même est-il au courant de ce qui se passe autour de lui ? Se rend-t-il seulement compte de toutes ces agitations autour de sa personne.? En tous cas, les Belges savent ce qu’il fait, les personnes que lui et ses amis fréquentent. Toutes ses activités sont passées au peigne fin puis transmises à Harold Charles d'Aspremont Lynden, ministre des affaires africaines. Avant d'avoir sa peau, le trésor public belge a dépensé plusieurs millions de francs.
Ce branle-bas de combat autour du nom de Lumumba est dû au fait que l’Occident euraméricain est persuadé que le Premier ministre congolais est communiste. Même s’il a lui-même affirmé dans une interview ne pas avoir des penchants avec les pays du Pacte de Varsovie, l’Ouest ne l’entend pas de cette oreille. Ce persona non grata qui a toutes les chances de devenir chef du gouvernement du Congo indépendant doit être mis hors d’état de nuire car son pays recèle des minerais stratégique dont l’Occident a besoin. Le monde est à l’époque divisé en deux blocs idéologiques diamétralement opposés et incompatibles. Le riche sous-sol congolais ne peut en aucun cas tomber entre les mains de l’ennemi soviétique.
En novembre 2001 est rendu public le rapport de l’enquête parlementaire de la Chambre des Représentants de Belgique visant à déterminer les circonstances exactes de l’assassinant de Patrice Lumumba et l’implication éventuelle des responsables politiques belges dans celui-ci. La conclusion dudit rapport est la suivante : « Le dossier Lumumba est complexe, même si cela peut sembler une banalité de le dire. Il est dangereux de traiter toutes les personnes, toutes les initiatives et toutes les actions de la même manière, comme si elles faisaient partie d’un grand ensemble. Nous n’avons pas de preuves étayant la thèse du grand complot. Si, à certains égards, la réalité dépasse la fiction, à d’autres, la réalité est assez triviale.
« On peut affirmer avec certitude que les instances gouvernementales belges ont aidé à chasser Lumumba du pouvoir, se sont ensuite opposées à toute réconciliation avec ce dernier et ont tenté d’empêcher son retour au pouvoir. Elles ont insisté pour qu’il soit arrêté, mais pas pour qu’il soit jugé. Elles ont appuyé le transfert de Lumumba au Katanga, sans exclure, par des mesures appropriées, la possibilité qu’il y soit mis à mort.
« C’est à la commission qu’il appartient de juger si des autorités gouvernementales belges ont une responsabilité morale dans la mort de Lumumba. »
Dans ce rapport se trouvent des documents tenus secrets : des lettres, des notes, le compte-rendu du Conseil de la Couronne tenu au Palais de Bruxelles par le Roi et de beaucoup d’autres écrits tenus jusque-là confidentiels, le sujet étant trop sensible.
Samuel Malonga