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Publié par SamuelMalonga

Le bar et son apport dans l’évolution de la musique congolaise

L’histoire de la musique congolaise moderne est intimement liée avec celle du bar. L’un ne vaut rien sans l’autre. Ils ne peuvent se passer l'un de l’autre. Ce sont donc deux inséparables tourtereaux dont l’existence est interdépendante. On ne saurait en effet comprendre le bar sans la musique ou la musique sans le bar. Depuis l’époque coloniale, il continue de jouer son rôle premier, celui de faire vivre la chanson congolaise et de l’amener au plus près de son public. C’est le terrain de jeu des artistes-musiciens. Après l’indépendance, le bar se développe, s’adapte aux réalités nouvelles et étend ses tentacules à travers l'immense capitale. Tout en gardant ses attributs, il s’offre plusieurs appelations: nganda, bistrot, buvette, dancing-bar, cabaret, club.

Le bar est pour la musique, ce qu'est le stade pour le football. A défaut des salles dignes de ce nom pouvant abriter un grand public, le bar avec sa capacité sur mesure joue un grand rôle dans l’évolution, la vulgarisation, la promotion et l’épanouissement de la musique. C’est dans son enceinte que les orchestres s'expriment et se produisent. Il est le lieu de rencontre entre les artistes et les mélomanes. Bien avant la télévision, il a été avec la radio le seul pourvoyeur de la chanson et le seul promoteur des vedettes. Le bar a aussi promu la danse, la sœur jumelle de la chanson, sans oublier les titres gravés sur disque et ceux dont les mélomanes ont eu la primeur avant leur sortie officielle dans les bacs.

 

Conscients de l'importance du bar et de ce qu'il représente, plusieurs groupes musicaux se fidélisent à certains débits de boisson. Ceux-ci deviennent non seulement leur point d’attache mais aussi et surtout le lieu de leurs productions et de leurs répétitions. Chaque orchestre a dès lors son "propre" bar et s’y identifie. Il y a eu Parafifi pour l’African Jazz, Engels Bar pour le Festival des Maquisards, Suzanella  Maison Blanche pour l’African Fiesta National puis plus tard pour Kossa-Kossa, Chez Kara pour Lovy du Zaïre, Un-Deux-Trois puis Mama Kulutu aux Deux Palmiers pour l’OK Jazz, Ma Elika devenu plus tard Ngoss Club pour Zaïko Langa-Langa, Sebène puis Type K pour l’Afrisa International, Club Bobongo pour Bobongo Star, Kimpwanza Bar pour Zaïko Nkolo Mboka et Nganda Empire pour l’Empire Bakuba.

Le célèbre bar Vis-à-vis demeure l’Olympia en miniature de Kinshasa. Ce temple de la musique est à ce temps-là le passage obligé de tous les orchestres kinois.  Il a remplacé dans l’histoire de la musique congolaise, le rôle joué naguère par le mythique Kongo Bar à l’époque coloniale. En 1970, le bar démontre son importance dans la promotion de l'art musical. La Suzanella est le cadre choisi par Rochereau pour l’unique show qui précède son passage à l’Olympia de Paris. Rien d’étonnant que le chanteur Champro King soit aussi devenu animateur des cabarets Carte Blanche et Vatican.

Avec ses atouts, le bar paraît comme l’endroit idéal pour les jeunes, les couche-tard, les viveurs ou les ambianceurs. Ils y passent des moments arrosés entre amis ou en bonne compagnie. Son rôle social est d’avoir su créer une certaine convivialité entre les personnes qui le fréquentaient, tout en leur donnant la possibilité de sortir de leur routine et de s’évader le temps d’un plaisir momentané. C’est un cadre idéal pour les jouisseurs friands d’ambiance, d’alcool et de musique.

 

Pour lui rendre la politesse, les artistes-musiciens ont composé de jolis titres pour magnifier l'unique lieu de production. Une publicité gratuite qui a rendu célèbre les bars comme Parafifi (Grand Kallé), African Club (Kwamy), Club 53 (Rochereau), Nganda ya Émile Zola (Dewayon), Nganda Renkin (Michelino), Nganda Ma Campagne (Lola Chécain), Club 113 (orchestre Bamboula). D’autres sont cités dans des chansons (Alex Bar, Café Rio, Café Rica, Boule Rouge). Certains artistes-musiciens ouvrent leurs propres nganda notamment Baninga de Gérard Madiata et Lal Abi Santa Maria de Pépé Ndombe. Le bar et la chanson ont toujours été deux amis inséparables.

L’album "Souvenir ya l’indépendance" (une chanson de Baudouin Mavula) sorti sous le label Ngoma fait l’éloge du bar. Il reprend sur sa pochette le nom de ces endroits où se sont produits les bakolo miziki au grand bonheur de leurs admirateurs.

Samuel Malonga 

En guise de complément à l’excellent article de Samuel Malonga, nous ajoutons ci-dessous l’hommage de notre aîné Clément Ossinondé à « Chez-Faigond », un des temples de la musique congolaise à Brazzaville.

 

 

http://www.mbokamosika.com/2014/08/chez-faignond-les-annees-glorieuses-d-un-bar-dancing.html

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S
Je venais juste de relire cet article dans les archives.<br /> Merci encore Sam et Messager.
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M
Chers amis,<br /> Nous venons d'ajouter un article de notre aîné Clément Ossinondé sur Chez Gaignond à Brazzaville afin de vous permettre d'avoir une vue d'ensemble sur les bars à Kinshasa et à Brazzaville.<br /> <br /> Messager
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S
De mémoire, la chanson ''Club 53'' est de 1967. C'est donc Mavatiku Michelino qui est au solo?
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S
La guitare solo serait de Guvano Vangu ou de Faugus. Lors de la convalescence de Guvano, Faugus était au solo sur les chansons enregistreés sur disque tandis Michelino jouait cette guitare pendant les concerts. Michelino est officiellement devenu soliste sur le tard, plus précisément après le départ d'Attel Mbumba de l'Afrisa en 1972.
S
Impressionnant!! Même phénomène de l'autre côté du fleuve.<br /> Merci Sam.
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M
De l'autre côtė du fleuve il y avait Chez Faignon Bar à Brazzaville. Il existe un article de notre aînė Ckėment Ossindė à ce sujet.<br /> <br /> Messager
S
Tu as raison. C'était aussi pareil de l'autre côté du fleuve. Dommage que je ne connaisse pas le nom des bars brazzavillois.