Les solistes de l’International Afrisa
Les solistes de l’International Afrisa
Tabu Ley a trois fois changé le nom de son orchestre : African Fiesta 66 au début, puis African Fiesta National le Peuple enfin Afrisa International ou International Afrisa. Mais il a aussi changé quatre fois le nom de son label : Flash - Rochereau chante, ISA, Ley et enfin Génidia. Le seigneur Ley a laissé des titres d’anthologie pour l’éternité. Cela est dû à son goût du travail bien fait. Aussi était-il exigeant à l’égard de ses musiciens.
Jouer dans le groupe de Tabu, c’était jouer dans la cour des grands. Ce simple fait procurait à la fois honneur et considération. L’idole d’ébène utilisait différents instruments. Pour la guitare solo, Rochereau dénichait toujours l’oiseau rare. Tout au long de l’existence de l’Afrisa, plusieurs artistes ont occupé ce poste. Chacun a apporté au groupe une touche rare, un nouveau souffle, un brin de dynamisme et un peu de romantisme pour le plaisir des mélomanes.
Le soliste est l’un des éléments essentiels d’un orchestre. On ne peut comprendre un groupe musical sans lui. On ne peut se passer de lui. Sa présence est sans pareil dans le sebène car c’est lui qui fait danser la foule. Le choix de celui qui jouait la guitare solo dans son groupe avait toujours été délicat. Être soliste dans l’orchestre de Rochereau n’était pas une mince affaire. Mais qui sont les différents solistes qui ont presté dans son orchestre ?
1.JEAN-PAUL VANGU DIAKANUA alias GUVANO (1966 – 1968)
Lorsque les deux amis Nico et Rochereau se séparent, Ley crée l’orchestre African Fiesta 66. Une grande question le hante. Quel est ce guitariste qui peut imiter Nico ? Dans le rôle si important joué naguère par de Docteur de la musique congolaise, il va débaucher Guvano alors sociétaire du groupe Diamant Bleu. Son doigté ressemble à celui de Nico. Rochereau va jeter tout son dévolu sur cette pièce rare qui fait des jaloux. Guvano remplace valablement Nico et va percer au fil des disques et des concerts. A force de travail et d’effort, l’élève s’évertue à imiter le maître, a reprendre parfois ses partions, à les améliorer à sa guise. C’est l’apothéose. En 1967, il participe avec l’African Fiesta National à l’Exposition Universelle de Montréal. Au sommet de son art, il va attirer l’attention des mélomanes par son savoir-faire. Mais vite le talentueux guitariste connaît des problèmes de santé. Il est victime d’un accident domestique qui lui vaut de sérieuses brûlures. S’ensuivent une hospitalisation et une longue convalescence. Certaines mauvaises langues diront que c’est Nico qui lui aurait jeté ce mauvais sort pour briser sa carrière à cause de sa concurrence. Tabu Ley saisit l’occasion et l’immortalise dans Mwana ya Vangu. Guvano s’en est toujours vanté car il est et reste le seul guitariste dédicacé par le patron. En 1967, lors du sommet de l’OUA tenu à Kinshasa, Guvano enchante le public par guitare qui semble chanter dans Congo nouveau – Afrique nouvelle. Il est le seul maître à bord jusqu’à son départ. Lorsqu’il s’en va avec Mangwana former le Festival des Maquisards, Guvano est déjà devenu un virtuose de la guitare que Kinshasa a déjà adopté.
2...PIERRE MBUMBA KIAKONDUA alias ATTEL (1968 – 1972)
Le hasard existe et sait arranger les choses. Le cas d’Attel Mbumba en est la parfaite illustration. A la recherche d’un soliste qui pour remplacer Guvano, Rochereau a Dercy Mandiangu dans son viseur. Comment l’a-t-il connu ? Difficile de répondre à cette question. Toutefois, l’Artiste d’ébène fait une descente à Ndjili pour chercher cette denrée rare. Malheureusement, l’intéressé est absent. Attel Mbumba, sociétaire du groupe African Kings, qui est sur place se fait passer pour son ami Dercy. Rendez-vous est fixé pour un test qu’il réussit avec mention. Inconnu du grand public, le monde musical congolais découvre un jeune homme calme, taciturne, timide mais dont les rifs sont emballants. Le jeune inconnu s’éclate dès les premiers enregistrements et passe de l’ombre à la lumière. Attel impose ses marques et son doigté émerveille plus d’un. Il réussit à faire oublier Guvano et inscrit son nom dans l’échiquier des grands guitaristes du pays. Le soliste maîtrise à la fois son art et son instrument. Attel Mbumba épate tout le monde par la limpidité des sons qu’il produit. Il manie la guitare avec assurance et conviction. Ses partitions accompagnent la danse jobs créé par le seigneur Ley. Avec lui, l’Afrisa inaugure l’usage des LP et de la musique instrumentale en reprenant plusieurs tubes du groupe. Il réussit à taire la rumeur selon laquelle son patron avait l’intention de débaucher Bavon Marie-Marie pour l’Olympia. Rochereau aurait douté de ses capacités d’être à la hauteur pour le grand show du grand music hall parisien. Rumeur ou réalité ? Là encore, Attel déjoue tous les pronostics. Il est entré dans l’histoire de la musique congolaise et africaine comme le soliste qui a fait danser le public de l’Olympia. Après le triomphe de Paris, le soliste accompagne le changement de rythme, de son et de style de l’International Afrisa avec le soum djoum. Par son style et son doigté, Attel a crée un espace sonore qui a fait des émules. Pierre Mbumba a tiré sa révérence le 18 mai 2000.
3. MICHEL MAVATIKU VISI alias MICHELINO (1972 -1975)
En 1972, une crise grave frappe l’Afrisa, Les grands ténors du groupe quitte l’Idole d’ébène. Ndombe, Attel Mbumba et Empompo s’en vont créer l’Afrizam. Tabu Ley est encore une fois privé de sa pièce maîtresse au solo. Qui va remplacer le maestro Attel Mbumba? Tout le monde pense que l’heureux élu sera comme toujours un soliste. Rochereau a déjà choisi dans le secret de son cœur celui qui occupera ce poste. Il n´est pas allé par quatre chemins. Il prend parmi ses propres guitaristes celui qui le mieux pouvait valablement remplacer Attel Mbumba. A la surprise générale, et malgré la loyauté de Denis Lokasa, Ley propulse Mavatiku au devant de la scène. Lui, le pote et l’alter ego d’Attel, va prendre la place de l’ami et le poste tant convoité que le Ndjilois a occupé naguère. De la guitare rythmique, Michelino est passé au solo, une petite révolution mais une grande évolution. Mais en réalité pendant la longue convalescence de Guvano et même si dans les faits, Faugus Izeidi remplaça provisoirement Guvano, c’est plutôt Michelino qui jouait la guitare solo dans les concerts. C’est peut-être ce fait qui a motivé le choix de Rochereau sur sa personne. Désormais titulaire de la guitare lead, le natif de Matadi est partie prenante dans le nouveau rythme qui suit le soum djoum. Puis il inaugure la série des chansons avec la guitare sèche et la pédale wawa dans des tubes d’anthologie.
4.PIERRE MANDJEKU LENGO alias DIZZY (1975 – 1978)
Lorsque Mavatiku fait ses valises, le vide est vite comblé par Dizzy Mandjeku, un ancien du mémorable Grands Maquisards. Il quitte l’ombre de l’orchestre Kosa-Kosa pour la lumière de l’Afrisa. Il intègre ce groupe presqu’au même moment que Sam Mangwana. Kinshasa ne le découvre pas. L’artiste est déjà connu et a déjà fait parler de lui dans la passé. Dans le nouveau groupe, Dizzy ne fait que se confirmer et s’affirmer. Son passage dans Kosa-Kosa lui a permis de s’adapter à toutes les sauces de la musique congolaise. Ley le présente au public kinois lors d’un tour de chant que l’Afrisa fait à travers Kinshasa. Mandjeku éclate. Ses solos accompagnent les Yondo sisters. Le soliste est au manège lors du Festac de Lagos en 1977 au cours duquel on remarque la présence de quelques éléments de Zaïko Langa-Langa. Le 5 mars 1978, l’artiste quitte le navire lors d’un voyage de l’Afrisa à Abidjan.
5.PHILIPPE VANGU DINU alias DINO (1978 -1987)
Après avoir fait le tour de plusieurs groupes kinois, Dino Vangu atterrit dans l’Afrisa en remplacement de l’immense Dizzy Mandjeku. Quelques années auparavant, il avait remplacé dans l’Afrizam le soliste Attel Mbumba éloigné de la scène musicale par la maladie. Dino est un créateur. Il se signale non seulement par son talent de compositeur mais aussi par sa contribution qui chamboule le style de l’orchestre en y introduisant de nouvelles sonorités. En cette même année 1978 dans l’Afrisa, son apport dans l’orchestre et son travail sont récompensés. Ses pairs le sacre meilleur soliste du Congo. Le maestro comme il aime s’appeler se remarque à la fois par la maîtrise de son instrument et aussi par la qualité de ses compositions. Il contribue à l’éclosion de Mbilia Bel et partage pour un laps de temps sa guitare avec le Docteur Nico. Le poète Lutumba reconnaît sa virtuosité et fait appel à lui pour jouer le solo dans la chanson Faute ya commerçant. Dans Lisanga ya Banganga qui a réunit Tabu Ley, Luambo et Mavatiku, il joue à côté du Grand-Maître Franco
6.NICOLAS KASANDA wa MIKALAYI alias DOCTEUR NICO (1980)
En chômage depuis plusieurs années, Rochereau et Nico conclurent un deal. Le dieu de la guitare accepte de travailler aux côtés de son vieil ami dans l’Afrisa. Kasanda n’est pas seul, plusieurs voix célères de la musique congolaise font le pari de l’Afrisa. Kwamy Munsi et Jeannot Bombenga sont aussi de la partie. L’arrivée de ces grosses pointures ragaillardit le groupe. Le docteur se trouve des ailes. Il se partage la guitare solo avec Dino Vangu. On parle de résurrection. Tel est aussi le titre de la chanson que Nico compose. Dans les pancartes qui annoncent son retour et sa sortie aux côtés de Tabu Ley, son nom est "zaïrianisé". On y écrit plutôt Niko. L’artiste n’a pas perdu de sa verve et de sa pugnacité. Il en fait la preuve dans les quelques chansons où sa contribution est nette. Le légendaire guitariste que l’on croyait fini a puisé dans ses ressources pour sortir à nouveau ces sons merveilleux qui comme dans le passé ont su plaire aux oreilles de ses fanatiques.
7.JOSEPH NSEKA BIMWELA alias HUIT KILOS (1987 – 1996)
Huit Kilos a fait ses preuves dans plusieurs groupes des jeunes entre autre Macchi, Etumba na Ngwaka, Langa-Langa Stars, Viva la Musica, Victoria Eleison. Ce n’est pas un inconnu qui remplace le maestro Dino Vangu. Du rythme et de la cadence des orchestres de jeunes dont il était habitué, la reconversion est rapide. La césure est complète entre le passé et le présent. En réalité, Nseka Huit Kilos intègre l’Afrisa en 1985. Mais c’est en 1987 que Tabu Ley le titularise après le départ de Damoiseau et de Dino Vangu. Il devient en peu de temps celui qui incarne à la fois l’évolution et la finesse des sons de l´International Afrisa. Huit Kilos de semoule comme on l’appelle parfois a ébloui le monde musical dans les chansons qu’il a jouées. Ses solos ont accompagnés tous les succès de l’Afrisa dans décennie 80 avec les chanteuses Mbilia Bel, Beyou Ciel ou Faya Tess. Il est considéré comme le dernier soliste de l’International Afrisa.
Samuel Malonga