Lorsque la femme tue
Lorsque la femme tue
Les Congolais ont appris avec une grande consternation le décès de Rossy Mukendi Tshimanga, professeur à l’Université Pédagogique Nationale. Les images de sa lutte contre la mort sont diffusées sur le net, des vidéos insoutenables d’une violence rare. On voit tristement le jeune homme étendu à terre, baigné dans une marre de sang, lutter courageusement contre la mort. L’aide désespérée de ceux qui ont tenté de le secourir a été vaine.
Ce qui intrigue dans ce drame, c’est le fait que la mort soit donnée par une femme, celle qui par surcroit engendre la vie. Dans la société, la maman est la personne qui non seulement met au monde un enfant, mais l’entoure de son amour, de sa chaleur, de son affection et de sa tendresse maternelle. Cette particularité féminine faite de douceur et de candeur est l’essence même de la maternité.
Nous avions toujours été scandalisés lorsque dans nos quartiers, des filles refusant d’enfanter préféraient avorter. Certaines ont même tué de leurs propres mains l’enfant déjà né, le jetant parfois dans une poubelle pour se débarrasser de l’innocence de ce corps inerte. Personne ne peut comprendre ce qui se passe dans la tête de la donneuse de vie lorsqu’elle se transforme en assassin. Véritable drame familial, plusieurs parents ne se sont jamais remis de cette blessure. Beaucoup parmi ont sûrement emporté dans leur tombe un bien triste souvenir, celui d’avoir donné naissance à une fille tueuse.
La femme-épouse, la femme-mère qui non seulement donne la vie mais la protège ; la maman pleine d’altruisme qui ne vit et ne jure que sur ses enfants a-t-elle disparu dans la société congolaise contemporaine ? A moins que je ne m’abuse. Jamais en trois décennies de mobutisme obligatoire, la femme-gendarme du Zaïre n’a osé tirer sur la foule.
Carine
Aujourd’hui, avec les événements douloureux qui secouent le Congo, la femme- assassin apparaît en uniforme de la république damant parfois le pion à ses collègues mâles. Par deux fois, à la hauteur du pont Matete puis à Lemba, deux femmes-policiers n’ont pas hésité de tirer à balles réelles dans la foule. Avec un sang froid étonnant, elles ont fait feu dans l’unique but de donner la mort. Pourtant les manifestants n’avaient pour seules armes que des Bibles, des chapelets, des rameaux, un crucifix et une litanie de prières.
Lorsque la femme tue par préméditation, l’émotion est plus grande encore et l’opinion est frappée par le forfait. Il est difficile de croire que la donneuse et la protectrice de la vie pourrait se transformer en assassin. C’est ce paradoxe inexplicable qui frappe les esprits. Le rôle alloué aujourd’hui à la Congolaise dans la police ne cadre pas avec la maternité, bien au contraire.
Agent mais femme ! Où est donc ton âme de mère ? Qu’as-tu fais de la vie de Rossy ? Dans le silence pesant qui a suivi son agonie, entends le cri de douleur qu’il avait poussé lorsque tu l’avais mortellement blessé. Puissent ses gémissements accompagner les battements quotidiens de ton cœur et que son sang jonche comme un tapis rouge les routes souillées que désormais tu emprunteras.
Samuel Malonga