A l’école du cardinal Monsengwo
A l’école du cardinal Monsengwo
Depuis l’intervention du cardinal Monsengwo survenue après les tueries qui ont émaillé la marche des chrétiens, le vocabulaire politique congolais s’est enrichi de plusieurs nouveaux mots. Le prélat catholique avait utilisé le terme "médiocre" pour qualifier les dirigeants congolais actuels. Le mot n’est pourtant pas inconnu, mais les circonstances dans lesquelles il était employé lui ont conféré une dimension nouvelle et un éclat nouveau. Le terme n’est pas passé inaperçu, au contraire, il s’est fait une nouvelle jeunesse. Jamais, on n’a vu un tel engouement pour un mot depuis la chute de Mobutu. Les Congolais, champions de l’humour et de la dérision en ont profité pour faire l’utilisation à outrance des autres mots dérivés du qualificatif employé par le cardinal.
Le Larousse et le Robert, donnent à quelques similitudes près les différentes significations de ce terme. « Médiocre : Qui est au-dessous de la moyenne, qui est insuffisant en quantité ou en qualité. Qui a peu de capacités dans un domaine. Dont les qualités intellectuelles sont faibles ; dont l’esprit est mesquin, borné. Insuffisance de qualité, de valeur, de mérite. »
Les propos du cardinal Monsengwo viennent brusquement de chambouler la sémantique politique congolaise en modifiant certaines dénominations en cours en RDC. Le premier ministre est devenu le premier sinistre, la majorité présidentielle s’appelle désormais la médiocrité présidentielle. La politique inhumaine qui a dénaturé le pays se nomme la médiocratie. Son excellence monsieur le ministre est transformé en sa médiocrité monsieur le sinistre.
Dans la nomenclature politique, les mots ont toujours eu un sens et on comprend pourquoi sa médiocrité le sinistre de l’Information en était choqué. Le porte-parole de la médiocratie congolaise qui parle médiocrement ne pouvait que défendre la médiocrité présidentielle dont il fait partie.
Et comme le remous politique provoqué par l’utilisation de ce mot ne suffisait pas, le révérend pasteur François-David Ekofo enfonça le clou. Dans son prêche historique d’environ trente minutes, il s’est permis de l’expliquer en des termes encore beaucoup plus clairs. Exemples à l’appui, l’homme de Dieu a disséqué le vocable pour une bien meilleure compréhension.
Toujours à l’affût de l’actualité, la rue kinoise n’est pas en reste. Elle s’est approprié ce mot autrefois redouté par les élèves du secondaire pour leur conduite à l’école. Désormais entré dans le langage quotidien, le terme est de plus en plus utilisé pour vilipender le pouvoir et pour désigner ce qui est négatif ou ce qui ne marche pas bien. De nouvelles expressions ont vu le jour autour du mot incriminé qui continue d’occuper les discussions animées des parlementaires debout. Le jargon kinois a habillé le mot "médiocre" de plusieurs nouvelles significations, allant des plus sérieuses au plus insensées en passant par les plus farfelues. Il en sera toujours ainsi. Car tant que l’homo congolus sera le "bouliste" que l’on connaît, ses langues, dont le lingala, accompagneront toujours la marche cadencée du pays pour le meilleur comme pour le pire.
Samuel Malonga