RELECTURE DE « AINSI SONNE LA GLAS ! » D’HONORE NGBANDA
« Usee use uzie, n’umpa me kezizoo » – Au sujet de ce qui est arrivé à un homme de valeur et un héros, c’est parfois de la bouche d’un con et d’un imbécile que la nouvelle est racontée et que l’histoire est reportée » (Proverbe des BaSakata)
NORBERT X MBU-MPUTU. LONDRES, 10 DECEMBRE 2016. UNE RELECTURE. « Ainsi sonne le glas ! Les derniers jours du Maréchal Mobutu ». Il fut publié en 1998 par Honoré NGBANDA Nzambo Ko Atumba aux Editions Gideppe. Pour avoir été le conseiller spécial duMobutu en matière de sécurité de 1992 à 1997, le livre est une reconstruction des derniers mois et de la vie du maréchal et de l’arrivée au pouvoir de Laurent Désiré Kabila. Bien plus. Ecrit à la manière des grands historiens antiques et d’une lecture facile, avec des dates, des personnages, des lieux faisant office des balises, le livre doit figurer parmi mes g rands chefs d’œuvre de l’histoire politique de ce grand pays : le Congo-Zaïre. Car, il permet de comprendre comment un tel président ayant règne pendant trente-deux ans, entrer dans l’histoire par la grande porte de devant, y soit sorti par la petite fenêtre de derrière, jusqu’à mourir en exil, enterre par une poignée seulement des partisans. Qu’on l’aime ou que l’on ne l’aime pas, qu’on l’approuve ou que l’on ne l’approuve pas, en cette matière de relecture de l’histoire immédiate du Congo-Zaïre, Honore Ngbanda n’a d’équivalent que « Le Prince » de l’italien Machiavel et, pour l’histoire du Congo-Zaïre, Thomas Kanza, ministre délégué à l’ONU dans le gouvernement Patrice Lumumba, dont le livre, malheureusement en Anglais et jamais traduit en français, « Conflict in the Congo. The Rise and Fall of Lumumba », aux éditions Penguin de Londres en 1972. Ce dernier analyse les erreurs de Lumumba (comment penser par exemple avoir nommé Pierre Mulele ministre de l’Education Nationale et des Beaux-arts ayant en charge l’université Lovanium, la plus prestigieuse d’Afrique noire, avec un centre nucléaire ?), les erreurs des leaders de l’époque dont le fameux triumvirat fatal et surtout la tour de Babel autour de Kasa-Vubu, Lumumba et Tshombe ; l’implication de Paris-Bruxelles-Londres et Washington, avec un chacun tirant la couverture de son côté….
Il eut aussi l’ouvrage moins vulgarisé du dernier directeur de cabinet de Mobutu, le professeur Félix VUNDWAWE Te Pemako : « A l’ombre du Léopard. Vérités sur le régime de Mobutu Sese Seko » (Bruxelles, Editions Zaïre Libre, 2000, 484 pages !).
Toute modestie ou tout complexe mis à part, pour revenir au livre d’Honoré Ngbanda, qui est une vraie confession des erreurs du dedans du système, un témoignage sur un monde ou un pouvoir qui s’effondre, un mea-culpa, une justification, une explication sur les forces en présence et le nouveau contexte géopolitique à prendre en compte, une compréhension, certes une évangile selon, c’est un livre qui est, pour le Congo-Zaïre doit être comparé avec « L’esprit des lois » de Jean-Jacques Rousseau, « Candide » de Voltaire, « Les lettres persanes » de Montesquieu : des ouvrages politiques d’une grande valeur et de référence.
CONGO NEW BUSINESS. Ce livre devait devenir un livre de chevet car il permet de comprendre comment, fort malheureusement, le régime actuel de Kinshasa, risquerait-il et semblerait-il de se mettre sur les mêmes rails de celui ce Mobutu avec comme conséquence que tous et tout, c’est-à-dire le pays, le peuple et eux-mêmes, risqueraient de sortir perdant dans ces nouveau « Congo Business » (le choix ici de la langue de Shakespeare n’est pas au hasard, comme dans ce film « Katanga Business », parenthèses à vite refermer). Ceci surtout en ces jours troubles où le Congo-Zaïre semble de nouveau dans un tourbillon, où, pour paraphraser le philosophe italien Antonio Gramsci, « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Car, au fait comme il ajoute aussi : « La crise est le moment où l’ancien ordre du monde s’estompe et où le nouveau doit s’imposer en dépit de toutes les résistances et de toutes les contradictions. Cette phase de transition est justement marquée par de nombreuses erreurs et de nombreux tourments ».
Le régime et le pays risquent ainsi d’être entre les mains des monstres. Lorsque tous s’en rendront compte, le glas serait déjà sonné ! Et, la particularité de ces « monstres » ayant la particularité d’être des troubadours, des flatteurs et des thuriféraires, est qu’ils monopolisent les débats et les medias publics, prennent souvent le peuple en témoin ou en otage, Dieu merci que ce dernier n’ayant plus déjà les yeux et les oreilles dans les poches. Mais, cet aveuglement ou cet opportunisme de ces acteurs, ils peuvent l’être soit volontairement soit involontairement ; consciemment soit inconsciemment. Ou encore, ils peuvent être infiltres par ceux voulant mieux les noyer (les chiens) après les avoir accusé de rage ou après avoir fait sauter le dernier verrou (de Kenge) ! (Prendre sérieusement en compte ces révélations des services secrets britanniques scrutant les autorités Congolaises depuis belles lurettes ; tout comme les révélations de Daphne, directeur des services secrets britanniques à Léopoldville en 1960 qu’elle fut celle avoir pilote l’assassinat de Lumumba ; parenthèses à vite refermer).
LA FIN DE MOBUTU. Il eut certes l’implication de la CIA et des services secrets occidentaux (la rébellion AFDL commença juste lorsque fut connut la maladie de Mobutu), il eut aussi le fait de la guéguerre entre anglo-saxons déjà à l’est et les français ne voulant pas perdre le centre, il eut surtout l’incapacité ou l’aveuglement des « mouvanciers » et des « Mobutistes » et de « Mobutu » à tout perdre sauf son « pouvoir ».
Le tout arriva par plusieurs portes et fenêtres énumérer par Honoré Ngbanda. Non pas seulement la grosse erreur pour Mobutu de s’éloigner de Kinshasa, la laissant ainsi entre les mains d’opportunistes de tout bord, les siens propres d’abord, et à la merci de l’opposition qui en fit son bastion (est-ce la même erreur pour le régime de Joseph Kabila de faire de Kingakati une nouvelle présidence, ayant abandonné Kinshasa, la capitale et siège des institutions, entre les mains soit des opportunistes de son propre camp soit de l’opposition qui en fait son bastion – remarquer la popularité d’un Tshisekedi à Kinshasa qui tire profit de son enfermement et des aller et retour à la 10eme rue Limete) ; l’égocentrisme de Mobutu sur sa famille biologique, laissant parfois de côté les services spécialisés, avec comme conséquence que les taches, mêmes les plus régaliennes devinrent l’apanage des moins instruits et des non-entrainés comme le fameux « l’oncle national », le grand-frère de la maman présidente Bobi Ladawa qui dirigeait même les services de sécurité (comment comprendre la nomination de Badibanga s’il s’avérait qu’il n’ait renonce à sa nationalité Belge qu’après ou encore comment comprendre cet article dans New York Times, avec des fautes ou encore ces fonds dont on dit être destinés au lobbying alors que l’intéressée semble les denier, si tout ceci est certes vrai !) ; la multiplication des services d’Etat avec à la tête des responsables qui tiraient chacun la couverture de son côté, notamment dans l’armée constituée des petites armées dans l’armée. Ngbanda révèle ainsi qu’après que le général Mahele ait prit le commandement de l’armée, ce dernier répondit à Ngbanda qui l’apostropha du fait que l’armée mettra en déroute l’AFDL, qu’il n’en serait rien. Car, aux dires du général Mahele dont le savoir-faire n’était pas mise en cause, l’armée n’existait déjà plus, des généraux achetaient des armes ailleurs, des minutions ailleurs, un chacun recrutant ses mercenaires, les vrais et les faux, et surtout utilisant alors l’argent de l’effort de guerre ou de l’argent de Mobutu dans un gaspillage et un amateurisme incroyable et surtout faisant croire à ce dernier croyant ainsi que ceux à qu’il confiait ces sommes énormes les utilisaient pour le sauver. (Remarquer encore actuellement le fait de ces révélations de ses sommes énormes sortant pour des objectifs questionnables de lobbying et Dieu seul sait ce que le président Joseph Kabila en sait vraiment là-dessus ! – car, un nouveau boulot devient payant dans la diaspora : se prendre une photo avec un « en-haut-d’en-haut » ou devant un bâtiment public pour faire croire qu’on est devenu lobbyiste ; de Kinshasa, les téléphones ne cessent de sonner : mais toi, qu’attend-tu pour former une association « pro » ou pour « amener à Kin ton petit Blanc » ? – sans blague).
Mais, il faudra avoir les yeux longs pour voir sonner le glas, comme le stigmatise Tshitenge Lubabu : « en réalité, il [Mobutu] n’était plus le « maître du Zaïre » depuis ce jour d’avril 1990 (…) Dès lors, les rangs se fissurent, des proches collaborateurs de longue date s’émancipent et basculent dans l’opposition [sous couvert d’anonymat un kabiliste regrette toujours la guéguerre actuelle Joseph Kabila-Moise Katumbi qui aurait été un bon dauphin pouvant le sauver, hélas, une fatalité soit pour l’un soit pour les deux]. Les temps sont durs, tellement durs que, pendant les travaux de la Conférence nationale souveraine, le Léopard est vilipendé. Touché dans son amour-propre, il quitte Kinshasa, le centre du pouvoir, et s’exile à Gbadolite. Erreur fatale, sans doute, car il ne contrôlera plus rien, en réalité. Tout le reste (…) ne sera plus que gesticulations, manœuvres dilatoires, querelles byzantines face à une opposition faussement radicale et ivre de mots».
D’AUTRES REVELATIONS. Incroyable par exemple les révélations de Ngbanda, jamais démenties jusqu’alors comme nombreuses de ses révélations, qu’un général Nzimbi, un général Baramoto, pour ne citer que ces exemples, si ce qui est écrit est vrai, puissent rouler aussi Mobutu dans la farine ! D’ailleurs, c’est quelques jours avant la fuite de Mobutu qu’ils furent devant l’évidence, raconte Honoré Ngbanda dans son livre. Les trois généraux et les collaborateurs civils furent autour de Mobutu. A cause du lourd silence pesant, les civils comprirent qu’ils devaient laisser les militaires conférer avec le chef. A leur retour, l’incroyable nouvelle : les généraux (et non pas les moindre, sachant leur relations familiales et tribales avec Mobutu) étaient au fait venu dire à Mobutu qu’ils n’étaient plus à mesure d’assurer sa protection à Kinshasa ! Pire, alors que le vieux général Bolozi, comme il le dit lui-même dans une vidéo, était en route pour une réunion des officiers convoquée, il eut un coup de téléphone lui annonçant que les mêmes généraux avaient déjà traversé le fleuve ! Le glas avait sonné… Le pauvre n’eut plus de choix que de les suivre. Puis encore, dans les analyses de l’assassinat du général Donat Mahele, il ressort selon des analystes que ce fut un guet-apens, le premier ministre d’alors, le tout dernier de Mobutu, le général Norbert Likulia, préparait au fait prendre le pouvoir ou mieux faire un coup d’Etat à Mobutu ! (Est-ce ce qui explique que le général Nzimbi aurait même voulut tirer sur l’avion de Mobutu décollant de N’Djili ?, si ces révélations sont vraies !)
SOUPAPE DE DECURITE OU DE SURETE. Mais, dans ces pages de Ngbanda, à la fin de règne de Mobutu, surgit un nom et un évènement capital, servant de soupape de sécurité ou de sureté, ayant fait sonner le glas : Etienne Tshisekedi. Mobutu croulant en France, Tshisekedi vint à Cap Martin lui rendre visite et il fut conclu pour Mobutu de rendre le pouvoir à la C.N.S. Revenu à Kinshasa, précède par Tshisekedi et Mgr Monsengwo, Mobutu fut accueilli comme à la belle époque. Et ce fut la dernière fois d’ailleurs. Mais, coup de théâtre, dans les négociations qui suivirent, un volte-face : sans se poser la question d’où Tshisekedi tirait-il ce plan, Mobutu fut conseillé par Ngbanda et les autres, de ne plus s’ingérer dans la désignation du Premier ministre, laissé alors à l’opposition. Or, sachant comment le sieur Léon Kengo, premier ministre, pouvait et savait corrompre l’opposition, sachant comment il avait détourné l’argent de l’effort de guerre, ils auraient pu conseiller Mobutu de prendre en compte la réalité de « facto » et non plus celle « de iure », en nommant Tshisekedi comme convenu a Cap Martin. Hélas… C’est Kengo qui fut de nouveau copter par une opposition déjà corrompue. Erreur grave des Mobutistes (Est-ce la même erreur que commettra le régime de Kinshasa en coptant et en imposant encore Samy Badibanga comme Premier ministre après le dialogue CENCO ?…). Car, ce fut le dernier verrou juridique qui sauta. Et la suite est connue. (Actuellement encore, le fait de s’attarder sur une quelconque approche considérée par ses ouailles comme « de iure » en évitant de voir la réalité « de facto » de la fin de son mandat le 19 décembre 2016, le régime de Kabila ne risque-t-il pas de précipiter son requiem et lorsque viendra, in fine, d’autres négociations, au cas où celles-ci des évêques échouaient puisque le pouvoir voulant jouer aux prolongations, ne rêverons-nous pas un Utenika 1 qui n’eut pas d’Utenika 2 ?).
EN-HAUT-D’EN-HAUT. Car, comme l’explique Honoré Ngbanda aussi, un homme passa par la : l’ambassadeur des USA a l’ONU, Bill Richardson, l’envoyé spécial du président Bill Clinton. Il vint avec un message en style direct et moins diplomatique : après avoir rappelé tous les loyaux services que Mobutu a rendu aux Etats-Unis, le message était clair : si vous ne démissionné pas, votre cadavre va trainer sur les rues de Kinshasa…
Hélas, alors que Ngbanda et Vundwawe le conseillèrent d’accepter cet ultimatum, Mobutu eut recourt encore aux lobbies maffieux, via le Français Jacques Foccart : contacter son ami, le président français Jacques Chirac pour que ce dernier le sauve. Ce sont les Archives d’Afrique de RFI d’Alain Foka qui révélèrent la chose et l’ouvrage de Vundwawe qui, en quittant Kinshasa, fut surpris de cette dernière lettre de Mobutu à Jacques Chirac.
LOYAUTE. Il faudra éviter de mettre tous les collaborateurs du pouvoir actuel de Kinshasa dans ce sac sale et nauséabond. Il doit et il existe aussi des éléments de valeur, parfois inaudibles en de telles circonstances. Malheureusement. Mais, efficaces. Car, disons aussi qu’à propos de cette chute de Mobutu, il n’eut pas que des collaborateurs calculateurs-profiteurs, il eut aussi des loyaux, peut-être pas du côté où Mobutu aurait pu le penser, comme le cas de ce Major Denis Ngani dont le savoir-faire et le flair militaire évita à Mobutu de se faire sûrement arrêter et assassiner à Kawele. Il réussit, in extremis, à organiser la fuite du Maréchal de Gbadolité à Lomé, avant d’être parmi ceux l’ayant enterré à Rabat !
ON A ECHOUE. Dans cette relecture aussi de l’histoire immédiate du Congo-Zaïre, il faudra se détendre intellectuellement avec un petit roman passé peut-être inaperçu, celui de Charles Djungu-Simba : « On a échoué » (publie en 1991).
Résumons et restituons avec nos mots. C’est l’histoire d’une certaine Panatate dont l’amant se retrouve dans une rébellion voulant renverser le vieux régime de trente-deux ans (l’imagination est de taille et vaut son pesant d’or en regardant l’année de la publication de l’œuvre – 1991) alors que son père est un baron du régime. Le père de ce dernier au fait est le gardien du temple d’un mythe qu’il entretient : au fait, après trente-deux ans du pouvoir où les dernières années il les passait à collectionner et à nouer des cravates, le vieux président était déjà mort dans son palais. C’est ce conseiller occulte au fait qui gérait seul le pays, faisant croire que c’est le président qui le gérait. Puis, des rumeurs, la radiotrottoir : il parait que… il semblerait que…
Le monsieur craignant alors que la chose ne se fasse dévoiler au grand jour et que le pays ne soit plonge dans une situation chaotique devance les choses et met en marche son plan pour permettre un changement et une passation paisible du pouvoir. Il écrit une lettre à sa fille pour la faire arriver à son amant en opposition- rebelle, avec ce message, cette confession, ce mea culpa, cette invitation à venir vote prendre le pouvoir qui les attend : au fait, il a gardé et entretenu ce mythe en attendant vous voir l’opposition capable et prête à prendre le pouvoir et à mieux gérer le pays. « Venez donc prendre le pouvoir, car nous, on a échoué ! », les manœuvres actuelles ne mèneront nulle part…
« On a échoué »… L’histoire maligne de collaborateurs de ces présidents qui, à la fin, finissent à les abandonner et à rejoindre l’opposition, après avoir entretenu un mythe où un pouvoir dont ils savaient être un château des cartes ?
Au point où nous en sommes au Congo-Zaïre, il faudra tout prendre en compte et tout relire et surtout relire tout entre les lignes. Car, en cette matière, très souvent, rien de neuf sous le soleil (du Congo). Les yankees des « regime change » (et il en existe et ils sont à l’œuvre) usent souvent du même modus operandi. C’est pour éviter que tous s’en sortent perdant avec un autre conglomérat d’aventuriers (des nationaux et des internationaux qui s’agitent et s’agiteraient), genre AFDL newlook ! La Première Guerre mondiale n’a pas empêché une seconde, vingt ans après, avec le même grand perdant : l’Allemagne… Les fins tragiques de Lumumba, de Mobutu et de Kabila ne sont pas à prendre ni même à rappeler comme des excuses… Loin de là …
Certes, trop des textes entre parenthèses tout simplement par précaution et puisque les sciences humaines ne sont pas des sciences exactes, sachant que comparaison n’est certes pas raison. Relisez donc ces livres-là, ou revoyez ces faits-ci, ou tout au moins les avoir à l’esprit…
Norbert X (norbertmbu@yahoo.fr)