vers un État de droit au Congo-Kinshasa
Leçons d’une procédure électorale : vers un État de droit au
Congo-Kinshasa
Nous sommes aujourd’hui mardi 27 décembre 2011. Normalement, cela devrait faire une
semaine que le Congo-Kinshasa est supposé être entré dans la phase 3 devant clôturer le
processus électoral de 2011. Dans les faits, ce processus n’a pas réussi à établir la légitimité
électorale sur laquelle devrait s’appuyer la nouvelle légalité postélectorale. Et plutôt
que de consolider la démocratie, elle l’aura sabordée, instaurant par la même occasion
l’hiatus entre légitimité et légalité au Congo.
J’y vois certes un mal : un déni d’État de droit ; mais j’y vois en même temps une perspective
de refondation de cet État de droit comme jamais auparavant dans ce pays :
l’arbitrage du seul peuple congolais, en ce que souverain primaire.
Une mise au point d’importance s’impose ici. En effet, les peuples n’ont pas à conquérir
le pouvoir en se le disputant avec un individu ou un groupe d’individus ; lorsqu’ils prennent
conscience de leur pouvoir absolu en tant que souverain primaire, les peuples qui ont
fait l’indépendance véritable de leur pays ont conquis mieux que le pouvoir, l’État de
droit en reprenant souverainement (par tous les moyens en sa disposition) tous les pouvoirs
antérieurement délégués pour les confier à ceux qu’ils en ont jugé dignes. En
propre, cela s’appelle une révolution. Au Congo-Kinshasa, je ne cesse de le répéter, le
peuple a incontestablement initié sa révolution (mes analyses précédentes en ont indiqué
quelques grandes lignes en attendant d’y revenir dans une étude spécialement consacrée à
la question).
Je ne veux pour justification de ce qui précède que l’analyse même du processus électoral
en tant que tel. Son déni de l’État de droit au Congo devient à mes yeux le prétexte magistral
de vouloir refonder cet État de droit en repartant du peuple souverain. Les leçons
que j’entends tirer dudit processus électoral de 2011 au Congo-Kinshasa vont précisément
dans le sens des actions liminaires de refondation de l’État de droit dans ce pays.
1. Du processus ou du déni de l’État de droit
Je me répète à dessein : le processus électoral au Congo-Kinshasa a consisté en tout et
pour tout à nier sciemment le droit, à fonder par conséquent un État de non-droit. M’y
conforte l’analyse de trois observations que voici.
2.La lettre, pas l’esprit
J’observe que les plus hautes institutions républicaines en matière électorale au Congo-
Kinshasa ont proprement abusé de la lettre du droit en en pervertissant sciemment
l’esprit. Tel est le cas de la CENI dont les dirigeants ont réinterprété le rôle légal de cette
haute institution électorale non pas comme un service public mais en termes de pleins
pouvoirs qu’auraient ses dirigeants. Qu’ils aient été corrompus par le candidat Kabila ou
non, ses dirigeants ont transformé le bureau de la CENI en une propriété privée, en
s’arrogeant le pouvoir de soumettre le rendu de ses travaux (ici les résultats du scrutin) à
leurs préférences personnelles – quitte à aller contre la vérité des urnes et, donc, la démocratie.
Je n’hésite pas à affirmer que les prérogatives de la CENI ont été détournées puis retournées
en âme et conscience contre sa mission républicaine qui est, suivant l’article 9 de la
loi organique portant organisation et fonctionnement de la CENI « d’organiser, en toute
indépendance, neutralité et impartialité des scrutins libres, démocratiques et
transparents ». Pour preuve, le degré de manipulation des résultats par le bureau de la
CENI en faveur du candidat Kabila est si scandaleux que parler de fraude électorale massive
se trouve fort en-deçà de la vérité. Ce qui confirme, si besoin était, combien cette
institution s’est compromise en jurant contre sa mission légale et en trahissant l’esprit de
la loi qui l’a établie.
Deux exemples me suffiront pour l’illustrer, à partir de l’excellent travail de Vital Kamhere
qui a rendu publique (voir site unc-rdc.com) un échantillon des tableaux comparatifs
des résultats publiés par la CENI et des résultats sortis des urnes tels qu’établis par les
procès-verbaux dûment signés par les témoins présents et affichés à chaque bureau de
vote.
1. Quant à la circonscription électorale de Goma, ville de Goma, les résultats du
Centre C.S. La-Joie (code/BV:16985/A) montrent clairement que la CENI a attribué
frauduleusement au candidat Kabila 155 voies en lieu et place des 96 réellement
exprimées en sa faveur.
2. En ce qui concerne la circonscription électorale de Lubumbashi réputé fief du
candidat Kabila, ville de Lubumbashi, pris au hasard les résultats du Centre C.S.
3.Kazi-Bora (code/BV:11943/G) affichent que la CENI a attribué au candidat Kabila
508 voies contre les 49 réellement exprimées en sa faveur…
Comme si la fraude ne suffisait pas, la même CENI a systématiquement ajouté l’opprobre
à l’injure en soustrayant des voies à d’autres candidats, principalement le candidat
Étienne Tshisekedi, en faveur du candidat Kabila. Au demeurant, on lira avec intérêt la
livraison de congomikili.com du 26 décembre 2011, à 5:44 p.m., où l’on voit les chiffres
des procès-verbaux de plus de 10 bureaux de vote de la circonscription électorale de
Kinshasa (code/BV:10064/AB jusqu’à AO) confirmant tous la victoire électorale d’É.
Tshisekedi, et de loin, sur J. Kabila (le filmage a probablement eu lieu au lendemain du
scrutin).
Dans ce contexte, se demander quelle légitimité pourraient encore avoir les résultats provisoires
proclamés par la CENI frise l’indécence. L’on ne devrait même pas parler de
recompter les voies, d’autant plus que la CENI n’a pas conservé les bulletins pas plus que
nombre de procès-verbaux du premier décompte. Par contre, le bureau de la CENI en
général et Ngoy Mulunda son président en particulier, devraient être formellement mis en
accusation pour avoir enfreint délibérément la loi électorale.
L’autorité, pas le droit
J’observe que les plus hautes personnalités à la tête des plus hautes institutions républicaines
en matière électorale au Congo-Kinshasa ont systématiquement abusé de leurs
prérogatives ; ce faisant, elles ont bafoué le droit. En fait, elles se seront installées dans la
contradiction fondamentale que voici : exercer l’autorité publique au sens de la capacité
d’action exécutoire au terme de la loi souveraine, mais tout en allant ce faisant à
l’encontre du droit qui fonde ladite loi souveraine. En termes propres, cela s’appelle
l’arbitraire typique de la dictature. Ce n’est qu’en régime dictatorial en effet que le droit
est dit et interprété au profit exclusif de ceux qui détiennent l’imperium. Exemplaire est
en ce sens l’exemple de la Cour suprême de justice (faisant office de Cour constitutionnelle)
au Congo-Kinshasa, dans l’affaire Vital Kamhere contre la CENI. En quelques
mots, après avoir peiné à seulement s’avouer saisie de la requête de V. Kamhere contre la
CENI, fermant les yeux et les oreilles aux revendications fondées en droit de la partie
plaignante sur le cafouillage délibérément voulu de la procédure, la Cour statuera on ne
4.peut plus sérieusement à l’annulation de la requête pour défaut de preuve alors qu’aucun
débat contradictoire n’avait eu lieu sur le fond.
Je l’affirme : la CSJ n’a pas seulement commis un déni de justice à l’endroit de V. Kamhere
; en prenant manifestement parti pour la CENI dans cette affaire, elle a fait la démonstration
de son intelligence avec cette dernière dans la même oeuvre du déni d’État de
droit au Congo-Kinshasa. Aux yeux des magistrats de la CSJ, seule aura compté
l’autorité que leur confère le droit que, pourtant et paradoxalement, ils ont bafoué. Il faut
sans doute aller plus loin et affirmer qu’en ne disant pas le droit, la CSJ s’est démise ellemême
comme institution ou, plus exactement, ses dirigeants se sont parjurés vis-à-vis du
peuple dont la volonté librement exprimée fonde tout droit, toute légalité et toute légitimité
par voie de conséquence.
C’est pourquoi je ne me demanderai pas ici quelle légitimité aurait un jugement émanant
de tels hommes de loi et d’une telle institution ? Pair ailleurs, je ne me priverai pas de
souligner que la mise hors d’état de nuire de tels individus, sans honneurs et sans principes,
constitue un préalable pour la refondation de l’État de droit au Congo-Kinshasa.
L’État de non-droit
J’observe qu’en temps normal, l’État est une émanation populaire, dont il organise le
projet de société dans la loi, donc en droit. Partant, aucune institution étatique, aucun
pouvoir d’État n’est au-dessus du peuple souverain. Ce rappel (sommaire il est vrai) est à
dessein de situer la CENI et la CSJ dans leur exacte portée, en ce qu’institutions républicaines,
en même temps qu’il situe toute décision ou tout jugement qui en vient vis-à-vis
du seul peuple souverain. La CENI et la CSJ n’ont de légitimité, que celle-là même que
leur confère le peuple dans l’État ; hors la volonté populaire, ni l’une ni l’autre ne sont
plus fondés en droit, spécialement lorsqu’elles s’emploient à bafouer le droit en question
ainsi que son esprit. Pour défaut d’indépendance et de partialité, la CENI et la CSJ se sont
invalidés de fait, se sont rendues incompétentes pour statuer en quoi que ce soit au regard
de la loi.
J’affirme partant qu’à l’issue du processus électoral 2011 au Congo-Kinshasa, le moins
qu’on puisse dire est que, du fait de la CENI et de la CSJ, l’État de droit a connu un dysfonctionnement
fondamental. Trahi par ces deux institutions, il a été coupé du droit et de
5.l’esprit des lois qui expriment le droit. En ce sens, il est logique de conclure à la nullité
des résultats provisoires publiés par la CENI dans la nuit du 5 au 6 décembre 2011 et du
jugement rendu par la CSJ dans la nuit du 16 au 17 décembre 2011. Non seulement ne
traduisent-ils pas la volonté populaire dite dans la loi, mais ils vont carrément à
l’encontre de la loi, donc s’attaquent à la volonté du peuple congolais. L’État, à la lumière
des dérives de ces deux hautes institutions républicaines, est ni plus ni moins un
État du non-droit au Congo-Kinshasa en ce 27 décembre 2011.
Je pourrais me demander comment, en l’espèce électorale congolaise 2011, restaurer
l’État de droit en dehors de ses plus hautes institutions en matière électorale ? Je me répondrais
en tout premier lieu : en qualifiant clairement et en droit les dirigeants de la
CENI et de la CSJ comme ennemis du peuple parce qu’ennemis de l’État ou, dit autrement,
qu’ils sont passibles de haute trahison. Je me répondrais ensuite que devant la faillite
de l’État de droit en matière électorale, seul le peuple congolais peut, légalement et
légitimement, exercer son pouvoir absolu de souverain primaire pour sortir le Congo de
l’auberge.
2. De l’État de droit en matière électorale
Je n’ai pas d’autre choix que de répéter ce que j’ai déjà dit ailleurs :
1. L’État de droit en matière électorale entend non seulement l’organisation et la tenue
dans l’indépendance et l’impartialité du scrutin, mais également le respect inconditionnel
du verdict des urnes. J’ai déjà montré, ailleurs qu’ici, combien chaotique
furent l’organisation et la tenue même du scrutin ; au point que des jours
après, des tonnes de bulletins illégalement imprimés et importés étaient encore
déversées au Congo, mettant en cause l’intégrité morale et juridique de Ngoy Mulunda,
le président de la CENI.
2. Or, viens-je de montrer ci-haut, convergeant dans le même sens du parti pris pour
le candidat Kabila, l’illégalité de la CENI a été entérinée par le déni de justice de
la CSJ. Il y a pour le moins une conjonction plus que probable d’intérêts entre les
deux institutions, les mandataires de l’État à leur tête et ledit candidat Kabila. Ce
qui les met tous hors-la-loi et passibles de servitudes pénales.
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3. Mais pis que cela, l’action conjuguée de la CENI et de la CSJ avec la complicité
active de J. Kabila constitue le coup de grâce de l’État de droit au Congo-
Kinshasa. De ce fait, les résultats provisoires de la CENI et le jugement de la CSJ
sont des actes arbitraires au regard du droit, qui n’ont d’effet que dans le cadre de
la dictature de J. Kabila, lequel n’est pas président par la volonté populaire mais
par la seule inféodation de la CENI et de la CSJ à sa cause personnelle.
4. Face à l’illégalité de Ngoy Mulunda et au parjure des hauts magistrats de la CSJ,
l’option légale et légitime pour la refondation de l’État de droit revient au seul
peuple congolais, en sa qualité de souverain primaire disposant du pouvoir absolu
au-dessus de l’État, des institutions et des hommes à leur tête.
5. Sur le plan analytique, l’option du peuple doit primer toute autre option. Ceux qui
murmurent qu’on « ne connaîtra sans doute jamais la vérité des urnes » en
l’absence de preuves matérielles établissant formellement l’élection d’É. Tshisekedi
font étalage d’une rare mauvaise foi. En effet, ces preuves existent et sont
partiellement en circulation. Il n’est partant pas infondé de les soupçonner de
couvrir les forfaits de la CENI et de la CSJ en mettant ainsi É. Tshisekedi et J.
Kabila au même pied d’égalité. Quant à ceux qui bavardent sur l’appel à la communauté
internationale, l’ONU en tête, pour réorganiser des élections au Congo à
défaut de réussir la médiation entre les « deux présidents » en présence, leur cécité
me paraît inqualifiable. En effet, non seulement ce serait substituer le peuple
congolais (parce que politiquement mineur) par la communauté internationale
pour présider à son propre destin, mais ce serait établir la fameuse communauté
internationales juge et parti tant elle est intéressée dans les minerais congolais en
l’occurrence. Pis que tout, ce serait de toute façon une manière subtile de subtiliser
la victoire du peuple congolais telle que sortie des urnes le 28 novembre 2011
vers une nouvelle légitimité d’ores et déjà torpillée.
Si telle est la situation et pour peu que mon analyse s’avère plausible, alors Étienne Tshisekedi
plébiscité par voie électorale – preuves à l’appui – est, sauf désistement de sa part
ou reniement après coup du peuple, le président légitime du Congo-Kinshasa. En termes
analytiques, il n’y a donc pas vacance de pouvoir, mais bien usurpation du pouvoir à la
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tête de l’État à la suite d’un hold-up électoral indiscutable. De mon point de vue, l’État de
droit certes à refonder tient ici deux points d’appui pour son démarrage effectif, à savoir
le recours au peuple souverain et la reconnaissance inconditionnelle de l’élection d’É.
Tshisekedi suivant la volonté populaire. Toute autre action serait un contournement coupable
de la légalité et de la légitimité qui, lorsqu’ils s’interagissent, fondent l’effectivité
de tout État de droit.
3. Quelques leçons
De ce qui précède, je tirerai entre autres les trois leçons suivantes :
1. Jusqu’à preuve du contraire, il est indiscutablement établi (a) la légitimité d’É.
Tshisekedi à la tête de l’État congolais à la suite du scrutin du 28 novembre 2011,
(b) la nullité des résultats frauduleux proclamant et/ou confirmant la réélection de
J. Kabila et, par voie de conséquence, la nullité de sa prestation de serment du 20
décembre dernier.
2. N’en déplaise à ceux qui parlent de « deux présidents au Congo » ou qui affirment
qu’« É. Tshisekedi s’est autoproclamé président de la république », le seul discours
politique responsable concernant le Congo-Kinshasa suite au scrutin du 28
novembre 2011 est celui qui respecte la volonté populaire qui a élu É. Tshisekedi
seul président de la république. Tout autre langage est forcément tendancieux et
définitivement contraire à la souveraineté du peuple congolais et à son choix de
société à travers le choix de son magistrat suprême.
3. De ce fait, doit être tenue pour inconstitutionnelle et punissable en tant que telle
toute action visant à empêcher l’entrée en fonction d’É. Tshisekedi. De même
toute atteinte à sa personne relève de l’atteinte à la sûreté de l’État, puisque la personne
d’Étienne Tshisekedi incarne l’institution présidentielle aussi bien par le
verdict sans appel des urnes que par son serment constitutionnel du 23 décembre
2011 devant le peuple congolais en qualité de président de la République démocratique
du Congo.
En foi de quoi l’idée de négociation avec J. Kabila ou de médiation internationale est
proprement caduque, puisqu’indépendamment de l’analyse qui peut leur être appliquée
les faits (preuves matérielles de l’élection majoritaire de Tshisekedi et de la tricherie avé8
rée de Kabila et affidés) décantent d’eux-mêmes la situation politique postélectorale au
Congo-Kinshasa. Mais aussi puisque l’Article 5 de la constitution de la République démocratique
du Congo reconnaît que « la souveraineté nationale appartient au peuple. Tout
pouvoir émane du peuple qui l’exerce directement par voie de référendum ou d’élections et
indirectement par ses représentants. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en
attribuer l’exercice… »
Cela étant, en se maintenant au pouvoir malgré tout, J. Kabila s’est rendu passible de
nombreux chefs d’accusation : (a) association de malfaiteurs avec les dirigeants de la
CENI et de la CSJ contre le peuple congolais ; (b) usurpation du pouvoir à la tête de
l’État congolais ; (c) détournement des fonds publics à des fins personnelles et illégales,
notamment pour financer sa prestation de serment illégale le 20 décembre 2011 ; (d) détournement
des moyens de l’État à des fins partisanes, notamment dans le recours aux
forces de police et de l’armée et, sans doute, des mercenaires étrangers contre la population
civile ; (e) meurtre au premier degré sur la personne de tout citoyen congolais tombé
sous les coups de la répression sanglante que ses milices infligent au peuple congolais qui
manifeste pacifiquement (sans armes et sans vandalisme) pour réclamer le respect de sa
volonté sortie des urnes le 28 novembre dernier.
L’administration de la justice, à commencer par monsieur Joseph Kabila, constitue, ce me
semble, un premier point de rendez-vous de l’État de droit au Congo-Kinshasa. Une telle
action n’a pas lieu d’attendre l’entrée effective d’É. Tshisekedi en fonction pour avoir
lieu ; les associations compétentes en la matière devraient s’y pencher dès à présent, en
traduisant formellement en justice toute personne qui se sera compromis dans l’espèce
des élections de 2011, y compris Kabila, Ngoy Mulunda et consorts.
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L’analyse qui se termine ici comporte un défaut inévitable pour toute analyse digne de ce
nom : de se cantonner au plan théorique. En effet, ce qui précède peut sembler dérisoire
face à l’armada militaire que J. Kabila a déployée en négation pure et simple de tout droit
constitutionnel au peuple congolais, à commencer par le droit d’élire les candidats de son
choix. Dérisoire, mon analyse peut le sembler d’autant plus que J. Kabila détient
l’imperium et, donc, dispose de tous les moyens de l’État, alors qu’É. Tshisekedi est ni
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plus ni moins mis en résidence surveillé de fait et court le risque permanent d’une atteinte
fatale à son intégrité physique.
L’impression générale que laisse tout cela est que tout le monde joue la montre. Il importe
toutefois de ne pas perdre de vue que dans ce jeu, il ne s’agit pas de deux hommes
qui se disputent le pouvoir qu’ils pourraient se partager dans le cadre d’une énième transition
au Congo ; il s’agit plutôt du peuple congolais, souverain primaire et détenteur du
pouvoir absolu, qui se bat à armes inégales contre un usurpateur pour faire valoir son
droit de choisir librement ses dirigeants. Je vais plus loin : les tergiversations de la communauté
internationale ne font pas que coûter cher en vies humaines ; elles expriment un
message indirect au peuple congolais, de se libérer soi-même. Autrement, la Belgique en
tête aurait déjà dépêché un contingent de ses forces armées pour soi-disant garantir la
sécurité des ressortissants européens au Congo.
Les temps sont donc mûrs pour le peuple congolais de récupérer le pouvoir dont il est le
premier et l’ultime souverain, d’exprimer son droit de contestation contre le hold-up électoral
en cours au Congo, d’imposer enfin sa marque sur son destin cinquante ans après
l’accession du pays à l’indépendance.
L’Afrique se trouve à un tournant de son histoire, comme on l’a vu avec le « printemps
arabes » initié en Tunisie. Le peuple du Congo se trouve à un moment axial de son histoire,
inauguré par l’assassinat de Floribert Chebeya et d’Armand Tungulu pour ne citer
que les cas les plus connus ; c’est pour lui le moment d’arracher son indépendance véritable
ou de prolonger, par sa propre faute, son esclavage néocolonialiste. A dit Lumumba
dans son ultime message enregistré peu avant son ignoble assassinat : « La liberté est
l’idéal pour lequel, de tous temps et à travers les siècles, les hommes ont su lutter et mourir.
Le Congo ne [pourrait] échapper à cette vérité… »
Lomomba Emongo
Ecrivain et professeur de philosophie