Yvon Kimpiodi, un des derniers vétérants politiques est mort
Va-t-on vers la
disparition totale de tous les patriarches d’anciens régimes politiques RD-congolais ou la disparition des archives vivantes ? La question est sur les lèvres de nombreux observateurs avertis.
On est même tenté d’y croire. En effet, après Bernardin Mungul Diaka, Vincent Mbwakiem, Cléophas Kamitatu et aujourd’hui Yvon Kimpiob, la province de Bandundu risque de se retrouver sans
baobab.
Kimpiob Vinadingi Nki Ekundi – littéralement le petit oiseau descendu du ciel, pourquoi le déranger ? – est mort le dimanche 14 septembre 2009 à 5 heures 30 à Kinshasa, des suites d’une
pénible maladie amplifiée d’une cécité de près de 8 ans dans sa résidence de Ma Campagne. Et Ce, dans les oubliettes. Mort à l’âge de 86 ans, président honoraire de l’Assemblée nationale,
avec à l’actif l’exercice de deux brillants mandats électifs à la tête de la Chambre des représentants, Yvon Kimpiob est décédé peu après des soins médicaux poursuivis en Afrique du
Sud.
Très entreprenant, sage et surtout intègre, vivant dans l’anonymat depuis l’effacement de la scène politique du Maréchal Mobutu, Kimpiob est toujours resté l’un des survivants de toutes les
générations politiques de la Table ronde de Bruxelles, depuis 1960. Sa renommée fut renforcée en créant La Yako, la plus importante association de près d’un million de personnes regroupant la
communauté Yansi, partie du sud de Brazzaville jusqu’au Kwilu en passant par le fief de Bagata et la rivière Kamutsha, en province de Bandundu.
Un an avant sa mort, il avait approché l’Agence Congolaise de Presse, et plus tard Africa News, pour parler du programme d’action de Joseph Kabila sur les infrastructures qu’il avait
encouragé.
« L’impact routier sur le développement des activités tant en milieu rural qu’urbain n’est plus à démontrer dans la mesure où les routes à construire par les Chinois
assureront la mobilité des personnes mais également le flux des produits vivriers qui à leur tour permettront de générer des richesses nationales » avait-il affirmé.
Parlant de son propre sort, Kimpiob avait regretté qu’en sa qualité d’un des pionniers de l’indépendance et d’ancien président de la Chambre basse qu’il soit oublié et abandonné par des
institutions en place notamment l’Assemblée nationale dont il fut à deux reprises président du bureau. « Je suis devenu aveugle et abandonné à moi-même, la République ne peut perdre les
précieuses archives de l’histoire que je possède », a révélé le patriarche Kimpiob qui avait « demandé aux jeunes politiciens élus d’être plus responsables devant le peuple et
d’éviter la démagogie ».
Mais qui est Yvon Kimpiob
Né à Kikongo-Mitshakila le 1er juin 1923, le patriarche Kimpiob est le fils de Dias Suing Mabong Ngul Mun et de Nkubiya Nazur. Marié et père de 20 enfants, il est un Munsamban du clan
Mbel de la tribu Yansi, originaire du village Kikongo-Mitshakila, Secteur Niadi-Nkara, territoire de Bulungu, District du Kwilu, dans la province de Bandundu. Après six années d’études
primaires et six années d’humanités commerciales et administratives à –Lusanga, Yvon Kimpiob entame vite la vie professionnelle.
Il est employé, en 1943 aux Huileries et Plantations du Kwango à Fumu-Mputu à Masi-Manimba en qualité de clerc comptable. De 1949 à 1952, il sera engagé dans la société ALMEIDA Frères à
Kikwit. Il sera admis, de 1952 à 1956 dans l’administration coloniale pour exercer les fonctions de Commis attaché au secrétariat du district du Kwango qui deviendra le district du Kwilu
en1954.
Sa vie politique
En 1957, Yvon Kimpiob tente sa première aventure politique et réussit à être élu Chef de Centre extra-coutumier de Kikwit, lors des premières élections communales qu’a connues la République
du Congo fonctions qu’il exercera jusqu’en 1960.
C’est en cette qualité qu’il fera partie de la délégation des chefs coutumiers du district du Kwilu invités à rencontrer à Léopoldville, Kinshasa actuellement le ministre des Colonies, Van
Merlrek qui voulait connaître l’origine des émeutes qui eurent lieu à Léopoldville, le 4 janvier 1959.
Cette délégation composée de chef coutumier par district, arrivée à Léopoldville, s’est réunie avec les quatre autres chefs coutumiers originaires de quatre autres districts de la province de
Léopoldville, le Bas-Fleuve, les Cataractes, le Kwango et le lac Léopold II, lac Maï-Ndombe actuellement.
Relation des faits
Yvon Kimpiob relate, en commentant, la suite des événements comme suit : « les quatre chefs coutumiers illettrés plus moi-même, fûmes reçus par le ministre des Colonies. Et, à la
question de savoir qu’elles sont les causes qui ont poussé les évolués de Léopoldville à la révolte du 4 janvier 1959, je prendrai la parole au nom de tous les chefs coutumiers en disant:
monsieur le ministre des Colonies, je vous remercie infiniment pour la parole que vous me donnez ; je prends la parole parce que je reste convaincu que la plupart de mes collègues n’ont
pas compris grande chose de ce qui est dit tantôt par vous.
J’ai bien suivi votre message axé sur les bienfaits de la Belgique au Congo. C’est vous Belges, qui avaient formés nos enfants dans vos écoles et aujourd’hui, ces enfants sont devenus des
évolués ; ils réclament de la Belgique une indépendance immédiate et inconditionnelle. C’est pourquoi nous, leurs parents, sommes ainsi d’accord avec nos enfants qui nous connaissent
très bien et demandons une indépendance immédiate et inconditionnelle. Mon intervention fut immédiatement applaudie par tous mes collègues.
Je suis, pour ainsi dire, le tout premier RD-Congolais à parler de l’indépendance d’une manière officielle et solennelle en face du colonisateur, assoiffé de sonder les cœurs de détenteurs de
pouvoir à la base en vue d’une prise de décision conséquente. Si j’avais cédé ce jour là, le colon Belge aurait eu raison sur les évolués.
Mais avant cela, il y avait tant d’autres déclarations et actions. Il y avait d’abord le manifeste de la conscience africaine qui pour la première fois, parlait de l’indépendance. Vint
ensuite la déclaration des évêques noirs selon laquelle la couleur de la peau ne confère aucun privilège.
(DN/Tkm/Yes)
Tabasenge/Africa News