RDC : PARFUM DE SCANDALE SUR DE NOUVELLES ATTRIBUTIONS DE CONCESSIONS FORESTIERES
RDC : PARFUM DE SCANDALE SUR DE NOUVELLES ATTRIBUTIONS DE CONCESSIONS FORESTIERES

Forêt primaire humide en République démocratique du Congo
En RDC, un scandale chasse l’autre. Il ne se passe quasiment plus de mois sans que des relents de scandale ne viennent empuantir l’atmosphère à Kinshasa.
Après la retentissante affaire des 15 millions de dollars ‘’évaporés’’, sans évoquer d’autres qui passent sous les radars, voici un nouveau psychodrame sur des attributions, pour le moins douteuses, de nouvelles concessions forestières.
Il y’a deux mois, le 14 janvier 2020, Claude Nyamugabo, ministre de l’Environnement et du Développement durable, signe, au bénéfice de deux sociétés chinoises, pas moins de neuf concessions portant sur environ deux millions d’hectares répartis sur cinq provinces. Deux millions ha, excusez du peu !
Ces sociétés chinoises sont Congo King Baysheng Forestry Development et Congo Sunflower Development.
Pour la petite histoire, la première n’a été créée que le 3 janvier 2020, c’est-à-dire une dizaine de jours avant cette signature. C’est ce qu’on appelle une création ad-hoc, fort opportune. Quant à la seconde, on ne sait absolument rien d’elle, sauf qu’elle serait l’émanation de l’épouse d’un très haut dignitaire du régime.
En ce qui concerne ces concessions, même si on ne sait toujours pas s’il s’agit de zones protégées, on sait en revanche que ce sont de nouvelles licences aux fins d’exploitation.
Le problème, (car gros problème il y’a) c’est que le moratoire de 2002 interdit tout nouvel octroi de concession forestière à qui que ce soit.
Mais si ce scandale est avéré, ce ne sera guère une première. En 2015 déjà, Joseph Kabila avait accordé trois concessions d’une surface totale de 650.000 ha à la société La Millénaire Forestière SARL (SOMIFOR), dans les provinces de l’Equateur et de la Tshuapa, ainsi qu’à la société La Forestière pour le Développement du Congo SARL (FODECO), dans la province de la Tshopo.
En d’autres termes, là où les Kabilistes refilaient en douce 650.000 ha, les Félixistes mettent le turbo et multiplient carrément la surface bradée par 3.
Il y’a une semaine, sommé par diverses entités de la société civile ainsi que par plusieurs ONG’s de protection de la nature, de rendre publics les différents documents relatifs à ces concessions, le ministre de l’Environnement s’est contenté d’affirmer, du bout des lèvres, qu’il ne s’agirait que d’une simple cession de titres existants.
Ah bon ? Très bien ! Mais qu’il le prouve alors ! Qu’il sorte tous les documents afférents à ces attributions, c’est-à-dire, pour chacun des neuf contrats : du contrat lui-même, de l’acte de cession conclu entre les concessionnaires, de la demande de cession adressée au ministre, de l’ancien contrat de concession, de l’arrêté autorisant la cession, ainsi que des accords des clauses sociales avec les communautés concernées.
Si Nyamugabo publie tous ces documents, lui qui, à sa prise de fonctions, s’était engagé à une totale transparence dans la gestion de ce précieux bien appartenant à tous les Congolais, s’il publie ces documents, nous aurons fait un bond de géant sur la voie de la bonne gouvernance.
Simple vœu pieux. Notre présumé kleptocrate en est bien incapable. Et pour cause !
A ce jour, 10 mars 2020, aucun des contrats signés le 14 janvier n’a encore été publié au Journal officiel. Or, le décret n°11/26 du 12 mai 2011 exige la publication dans les 60 jours de tout contrat ayant pour objet les ressources naturelles. Il ne lui reste donc que quatre petits jours.
Mais le plus grave est ailleurs.
En effet, ces contrats ont été signés quelques semaines seulement après l’approbation par l’Initiative pour la Forêt de l’Afrique Centrale (CAFI) du «Programme de gestion durable des forêts» (PGDF) de l’Agence française de développement (AFD), un programme de 12 millions de dollars américains dont le décaissement semble avoir commencé. Faut-il y voir une relation de cause à effet ? Les jours prochains nous le diront peut-être.
Et si seulement l’exploitation forestière industrielle constituait une substantielle source financière pour l’Etat congolais, cela se comprendrait. Or, un seul chiffre, que je me suis procuré mais auquel j’ai du mal à croire, suffit à décrire le bradage absolu des forêts congolaises.
Pour l’exercice 2014, le trésor public n’aurait perçu que 8 ridicules millions de dollars au titre des taxes à l’exportation des grumes.
Une chose est sûre et tous le savent pourtant. Tant que le Congo ne transformera pas son bois sur place, en créant de la valeur ajoutée et de l’emploi, au lieu de s’obstiner à l’exporter sous forme de grumes, point de salut.
La bonne gouvernance en RDC ? <<Vaste programme…>>, aurait dit Charles de Gaulle.
SIMBA NDAYE