Le jour où la RDC se relèvera…
Les Congolais ont une fois de plus été humiliés. Étant originaire de RDC, nous ne pouvions pas nous taire mais au contraire nous indigner devant ce que nos frères et sœurs ont subi. Il est presque devenu anodin de refouler les Congolais sans que personne ne s’en émeut. Dirigé par une bande de corrompus et d’incapables, ce grand pays est devenu au fil des années l’ombre de lui-même et la risée des Africains.
Avec l’opération Mbata ya mokolo, les Rdéciens étaient pourchassés en 2014 à Brazzaville comme de vulgaires bandits mieux comme des animaux. Et celui qui préside aux destinées malheureuses de ce pays n’a pas pipé mot. Il a brillé comme toujours par un silence qui interpelle, un mutisme complice. Avec l’opération Transparence, c’est l’Angola qui au début de ce mois s’en est pris aux Rdéciens, les frappant, les humiliant, les tuant même, comme si être Congolais était un péché mortel. Plus de 200.000 illégaux ( !) rdéciens ont été expulsés d’Angola. Et de quelle manière ! Même si c´étaient des sans-papiers, ils avaient droit à un peu d´humanité.
L’Angola et le Congo Brazza ne sont pas à leurs premières conduites musclées de nos compatriotes à la frontière. Dans ces deux pays, le Rdécien est la cible privilégiée, l’objet principal de leur frustration. Il est le bouc émissaire désigné qui chaque fois doit payer pour tous les péchés d’Israël. Si á l’époque, le mot Zaïrens (Zaïrois en portugais) était presque devenu une insulte à Luanda, à Brazzaville par contre, le slogan discriminatoire qui poussait à la haine anti-zaïroise était : Boma zaïrois, tika nioka (tue le Zaïrois mais épargne le serpent). Et pourtant, les ressortissants de ces deux pays avaient toujours été les bienvenus au Congo-Zaïre, même si tout n’avait pas été rose. Ceux qui hier avaient été accueillis, nourris, instruits, logés, soignés, conseillés par la RDC sont aujourd’hui devenus ses pires ennemis. Comme ils ont la mémoire courte !
Faudrait-il le rappeler ?
Déjà pendant la colonisation belge et les années d’indépendance qui ont suivi, la RDC avait accueilli sur son sol des millions d’Angolais fuyant la misère et la brutalité de la colonisation portugaise édictée par Salazar puis poursuivie par Caetano. Ce pays hospitalier a ouvert son cœur et ses bras tout au long des 2.500 km de frontière, soit du Kongo Central au Katanga en passant par les deux Kasaï et le Bandundu, pour accueillir les frères angolais en perdition. Le Congo leur avait donné des terrains pour vivre dignement, de la terre pour cultiver, du travail pour s’intégrer dans la société congolaise. La RDC jusqu’à l’époque du Zaïre avait mis ses écoles, ses instituts supérieurs et ses universités à la disposition des jeunes angolais. Des bourses d’études avaient même été octroyées pour former l’intelligentsia angolaise. Une grande base militaire a été créée à Kinkuzu pour permettre au FNLA de continuer le processus irréversible de la décolonisation par la lutte armée. La RDC a rendu à l’Angolais sa dignité d’homme et d’Africain bafouée par le colonisateur raciste portugais. Kinshasa a donné aux Angolais l’avenir et surtout l’espoir qu’ils n’avaient pas chez eux.
Le Congo, plus que tout autre pays, a comblé leurs incertitudes. Tous les mouvements de libération angolais et cabindais, toutes tendances confondues (UPA, FNLA, UNITA, MPLA, FLEC) avaient vu le jour ou avaient leurs sièges à Kinshasa et avaient d’une manière ou d’un autre bénéficié du soutien financier, logistique, militaire, morale et politique de la RDC. Un gouvernement, le GRAE, était installé à Kinshasa pendant plus de dix ans. N’est-ce pas Kasa-Vubu qui dès 1961 leur avait cédé une portion du territoire congolais pour implanter leur base militaire? N’est-ce pas Mobutu qui avait vilipendé le Portugal du haut de la tribune de l’ONU pour le compte de l’Angola encore colonie portugaise en 1973? Et malgré l’indépendance acquise en 1975, existe toujours une forte communauté angolaise éparse dans toute l’étendue de la RDC. Elle n’a jamais été inquiétée et vit en paix. Les Angolais dont le pays a un système de santé délabré, ne viennent-ils pas jusqu’aujourd’hui se faire soigner au Congo ? Les militaires zaïrois ne sont-ils par morts pour l’Angola ? L’élite angolaise n’est-elle pas redevable de la RD Congo ?
Faudrait-il le rappeler ?
Les Brazzavillois venaient travailler à Kinshasa où beaucoup avaient même élu domicile. Dans les années 90, lorsque brusquement Brazzaville se transforma en enfer provoqué par la guerre entre les partisans de Sassou et de Lissouba, des centaines des milliers de Brazzavillois ont pris la route de l’exil. Beaucoup se sont agglutinés dans des bateaux et des pirogues pour traverser le fleuve et se refugier à Kinshasa. La RDC les avait accueillis à bras ouvert comme il l’avait fait pour les Burundais, Ougandais et autres Rwandais. Plusieurs Brazzavillois qui découvraient Kin pour la première étaient émerveillés par l’accueil qui leur avait été réservé et avaient constaté que le Rdécien, malgré l’infortune qu’il a toujours connu à Brazzaville, n’était pas rancunier.
Aujourd’hui oubliant tous ces bienfaits, le Rdécien est assimilé au mal absolu. On n’a pas de compassion pour lui. On le brutalise sans état d’âme. On l’humilie sans cesse. On le tue comme du bétail à l’abattoir. On se moque de lui en permanence. On le calomnie à outrance. On le déteste comme jamais. On le considère comme l’ennemi public numéro un. On le qualifie de paria. On épargne et respecte une mouche mais pas le Zaïrois. Et pourtant les Angolais, Brazzavillois, Rwandais, Ougandais et autres Burundais qui jusqu’aujourd’hui vivent dans son pays n’ont jamais été inquiétés et ont le privilège de ne jamais être expulsés.
Pauvres Rdéciens ! Peuple mal aimé et déshumanisé, peuple à la réputation entamée et victime de son hospitalité. Que vaux-tu devant l’arrogance et l’insolence de tes voisins à qui hier seulement tu avais donné le gîte et le couvert? Toi qui es trahi par tes propres dirigeants. Toi qui es haï et brutalisé par tes frères africains. Toi qui es chassé comme un chien pestiféré par ceux à qui tu avais offert l’hospitalité dans leur errance. Ne perds ni courage ni espoir. Dresse au contraire ton front. Car lorsque tu te débarrasseras des médiocres, tu retrouveras ta grandeur et ta dignité d’antan. Et l’Afrique entière tremblera le jour où tu rebondiras.
Samuel Malonga